Valdemar RPG
Palais - Collegia => Collegia => Collegium des Guérisseurs => Discussion démarrée par: Thalyana le 04 mai 2014, 16:41:33
-
2e jour de la 5e décade de printemps 1481 - Maison de Guérison
Thalyana s'était assoupie dans un bureau de la zone réservée aux malades psychiques. Cela lui arrivait en permanence, depuis quelques temps. C'était probablement à cause de sa grossesse, et parce que, malgré les demandes répétées de Kalaïd, les regards désapprobateurs d'Alder, et les commentaires inquiets d'Isabeau, elle ne se ménageait sans doute pas assez. Comme le bébé grandissait bien, qu'elle prenait assez de poids, Thalyana ne voyait pas pourquoi elle aurait du faire attention.
A peine consciente, elle déboutonna un bouton supplémentaire à sa tunique. Certains de ses habits, ses chemisiers surtout, étaient maintenant un peu trop étroits au niveau de la taille. Elle devait donc porter le bas de son uniforme ouvert, avec une vêtement dessous, pour pouvoir se mouvoir confortablement. Elle avait aussi du changer le cordon de sa jupe pour l’agrandir au niveau de la taille. Bientôt, elle devrait renoncer à ses tenues habituelles et porter des robes de grossesses. Heureusement, une Guérisseuse faisant à peu près sa taille lui avait donné deux robes qu’elle avait fait faire en son temps, Thalyana aurait donc une tenue correcte à porter quand elle était de garde. Chez elle, elle avait prit le parti d’emprunter les tuniques de Kalaïd le temps qu’elle ait terminé de se coudre une robe assez grande pour tenir jusqu’à l’accouchement.
Perdue entre limbes et chiffons, Thalyana sentit soudain une présence. Même endormie, elle gardait une conscience aigüe de son environnement. Entre un père mercenaire et un compagnon soldat, elle avait bien vite appris à ne dormir que sur une oreille. Mais elle n’avait pas envie de se réveiller. Elle était si bien… Fronçant les sourcils, elle réalisa qu’elle n’était pas si bien que cela, que le mur derrière son dos était froid, et que la banquette sur laquelle elle était assise était dure.
Elle ouvrit péniblement les yeux, bailla, s’étira, avant de réaliser qu’une petite fille la regardait comme une bête curieuse. Une petite fille qui ne se gênait pas pour lui signaler son existence en diffusant partout autour d’elle. A moitié réveillée, Thalyana lui adressa un sourire, vite interrompu par un bâillement.
« Bonjour… tu t’es perdue? »
-
Depuis que Riannon avait été emmenée à la Maison de Guérison, ainsi que Pluiechantante, il y avait une autre personne qui voyait ses intérêts se concentrer dans les environs. D'abord heureuse comme tout d'atterrir dans les appartements de Beltran pour quelques jours avec son papa, Liane avait cependant mis peu de temps à se rendre compte que Beltran avait beaucoup à faire la journée et qu'elle restait tout de même sous la garde de sa nourrice. Or c'était largement suffisant pour qu'une petite fille qui s'ennuyait et ayant l'habitude de se sauver décide qu'elle méritait bien de revoir sa maman et sa tatie de coeur. Elle n'avait guère mis de temps à repérer le chemin qu'elle faisait avec sa nourrice tous les jours pour aller voir les deux patientes. Elle l'avait donc pris sans hésitation après avoir (de nouveau) échappé à la vigilance de sa nourrice. En peu de temps, elle se glissait, petite créature presque invisible, dans la maison de Guérison. Après avoir observé sa maman qui dormait puis vérifié que Pluiechantante dormait également, Liane avait décidé qu'elle s'ennuyait et que ce nouvel univers valait bien qu'elle parte à la découverte des secrets des lieux. Elle se cachait quand un adulte arrivait, trainait derrière les rideaux, souriait aux malades qu'elle dérangeait de temps en temps, et tout compte fait, elle appréciait plutôt la promenade. Certaines pièces la repoussaient à cause de leur atmosphère de douleur ou d'angoisse, d'autres l'attiraient lorsqu'elle entendait des conversations plus joyeuses ou de la musique, et d'un bout à l'autre de la Maison de Guérison, Liane trouva mille chose à voir.
Elle testait une pièce supplémentaire quand elle se rendit compte que la personne qu'elle croyait endormie dans la pièce venait de se réveiller et la voyait. Liane avait déjà vu Thalyana. Enfin pas que vue. Plutôt "sentie". Cette adulte ne semblait pas menaçante et la petite reconnut celle qui avait aidé Riannon et Pluiechantante. Elle l'avait "entendue" ce matin-là. Et elle sentait bien qu'à la Maison de Guérison, aucun employé ne pouvait être un danger pour elle. Silencieuse, elle regarda la dame qui baillait puis lui rendit son regard. Quelque chose clochait chez Thalyana. Liane fronça les sourcils. La question de Thalyana la prit au dépourvu. Qui pouvait encore croire que Liane était capable de se perdre dans le Palais?
Elle secoua la tête négativement sans un mot, sourcils toujours froncés. Elle hésita, ouvrit la bouche, la referma, et envoya sa perplexité tout autour d'elle. Puis brusquement, ses grands yeux très sérieux se posèrent sur le ventre de Thalyana.
"Y a quoi dedans ton ventre?" fit-elle avec curiosité en se tendant vers la présence qu'elle sentait.
Elle resta cependant prudemment à la porte, au cas où.
-
Entre deux bâillements, Thalyana parvint à voir que la fillette lui faisait non de la tête. Elle en fut rassurée. Ce n’était pas forcément la section la plus indiquée pour les errances d’une enfant empathe…
La petite fille la regardait maintenant avec une perplexité intense, forçant Thalyana à remonter un peu plus ses barrières. Elle lui envoya cependant un petite pichenette de réprobation amusée. Si elle était si puissante, il était important qu’elle apprenne au plus vite à garder ses émotions pour elle.
« Dans mon ventre? Tu sens que j’ai quelque chose dans mon ventre? Tu es Empathe, n’est-ce-pas? » questionna-t-elle, souriante.
Elle se redressa, remettant un semblant d’ordre dans ses cheveux. Elle se déplaça ensuite sur la banquette, libérant un peu de place pour la fillette. Combien de temps avait-elle dormi? Un quart de marque? Une demi-marque? Quand elle s’était installée, elle avait une marque devant elle avant de devoir retourner en consultation. Elle haussa mentalement les épaules. Si elle était en retard, personne ne lui en voudrait: elle était arrivée très tôt ce matin-là, ayant été tirée du lit aux aurores par Kalaïd. Ne parvenant pas à se rendormir, elle avait jugé bon de venir directement à la Maison de Guérison. Ayant plus de facilité à se concentrer le matin, elle avait ainsi profité d'une plus longue période d'efficacité. Véritable bourreau de travail, Thalyana supportait mal de devoir aménager ses horaires.
Elle se frotta les yeux, et repoussa une mèche folle. Elle reboutonna au maximum sa chemise et resserra un peu sa jupe. Peut-être devrait-elle porter des robes plus tôt que prévu. Cela devenait trop inconfortable de porter des jupes. Puis elle posa une main absente sur son ventre.
« Tu es venue voir quelqu’un? » demanda-t-elle en tapotant le coussin à côté d’elle. Voyant les réticences de la fillette, elle ajouta, sur un ton de confidence: « Ne t’inquiète pas… je ferai comme si je ne t’avais pas vue. »
Thalyana adora les enfants à cet âge-là, quand ils étaient curieux de tout, et prêts à apprendre tout ce qu’on était disposé à leur transmettre. C’était aussi à cet âge-là que se manifestaient parfois les premiers Dons, comme l’Empathie qui apparaissait parmi les premiers. De ce que Thalyana se souvenait de sa propre petite enfance, elle avait toujours été Empathe. Ou plutôt, elle s’était toujours sentie agressée par les autres, par leurs émotions, leurs états d’âme. Elle était incapable de se souvenir d’une époque où elle ne percevait pas les sentiments qui l’entouraient. Elle espérait que la fillette était mieux entourée qu’elle-même ne l’avait été, et qu’on avait déjà pris note de son Don.
-
Alors que Liane ne montrait qu'une curiosité très saine pour ce qui l'entourait, Thalyana lui envoya une petite pichenette mentale pour lui rappeler ce que Pluiechantante lui avait déjà expliqué: elle ne devait pas étaler ses sentiments sur les gens. La petite fille tenta de se reprendre mais sa curiosité venait d'être encore plus piquée par la réaction de la Guérisseuse. Elle dévora Thalyana des yeux avant d'oser demander ce qui la tourmentait: qu'y avait-il dans ce ventre?
Au lieu de répondre Thalyana sembla s'étonner que Liane sache qu'elle avait quelque chose à l'intérieur d'elle et elle lui retourna des questions que Liane trouva totalement inutile. Il était évident à ses yeux qu'il y avait quelque chose dans la Guérisseuse, et qu'elle-même était Empathe. Est-ce que Thalyana était handicapée? Habituée à fréquenter Pluiechantante et Riannon qui prenaient ses Dons comme une part d'elle-même, indisociable, Liane n'avait toujours pas saisi que la plupart des gens ne possédaient pas ses capacités. Puisque Thalyana lui avait rappelé mentalement les consignes de Pluie, Liane ne comprenait donc pas qu'elle pose des questions si évidentes. Mais sa nourrice lui avait inculqué un peu de politesse, et elle savait que quand un adulte posait une question, aussi débile soit-elle, un enfant était censé y répondre de son mieux. De plus, le sourire engageant de Thalyana avait quelque chose de rassurant.
Liane faillit répondre mentalement. L'image de Pluiechantante se surperposa brusquement à ses pensées, lui répétant qu'il fallait dire les mots et non les penser. Obéissante, la fille de Riannon se força à utiliser la parole normale:
"Oui, Empathe. Comme Pluie. Comme toi? Et dans ton ventre il y a quelque chose. Un Blanc?"
Dans sa courte vie, Liane n'avait vu que des Compagnons enceintes. Elle avait rapidement compris que quelque chose ou quelqu'un mettait les bébés Compagnons dans le ventre des femelles et que quand ils étaient assez grands, ils sortaient. Voyant une humaine avec une lueur de vie dans l'estomac (à peu de choses près), il lui sembla logique qu'elle ait été en quelque sorte Choisie pour porter la descendance d'un Compagnon. Si c'était bien cela, Liane était impressionnée. L'autre idée qui lui vint fut que la demoiselle avait mangé un animal vivant et que c'était ça qu'elle sentait dans son ventre. Cela ne cadrait pas tellement avec l'aura de gentillesse de Thalyana - mais Liane avait déjà vu des choses bien plus bizarres que ça.
La Guérisseuse avait libéré un peu de place près d'elle et d'un geste, elle invita l'enfant à la rejoindre. Liane hésita. Le ton de Thalyana se fit plus confidentiel, rassurant. Liane hésita encore. Elle n'avait pas le droit d'être là, elle en était presque sûre. Cependant, elle ne captait rien de dangereux venant de cette femme qui avait aidé sa maman. Elle finit par hocher la tête et se rapprocher à petits pas. Elle eut un peu de mal à s'asseoir correctement sur le banc parce qu'elle tenta de répondre en même temps.
"Ma maman et ma Pluie sont ici. Elles sont cassées. Y avait la glace partout et le sang et maman elle pleurait. Pluie elle chante tu sais. Et elle a gagné contre la glace. Elle avait dit on se bat pas mais elle s'a battue et elle a gagné. Elle est forte, Pluie. Mais... Il faut pas dire je suis là, parce que sinon Nourrice elle va dire que j'ai pas gentille avec elle. Et papa il a peur. Il dit que quelqu'un a fait mal à maman et qu'il veut pas qu'on me fait mal à moi. Tu connais mon papa toi?" se méfia-t-elle.
D'un oeil elle surveillait la réaction de Thalyana tandis que l'autre tentait vainement de se dissocier pour aller regarder ce ventre si intéressant. Le résultat n'était guère probant mais Liane n'avait envie de renoncer à aucun aspect de la conversation. Pour une fois qu'elle avait le droit de poser des questions bizarres. Elle débordait de curiosité teintée de méfiance.
-
La petite connaissait donc Pluiechantante. Thalyana avait entendu dire que la Kestra’chern s’occupait parfois d’enfants, en plus de son travail. Par goût sans doute. Après tout, Pluiechantante n'avait pas d'enfant, et elle ne semblait pas souhaiter en avoir. La fillette était donc probablement une des protégées de Pluiechantante, ce qui expliquait aussi sa relative maîtrise de son Empathie.
Thalyana dut par contre retenir un éclat de rire quand l’image d’elle enceinte d’un poulain s’imposa à son esprit. La petite fille n’avait-elle donc jamais croisée d’humaine enceinte? Dans son village, les grossesses étaient si fréquentes, que ce soit parmi les humains ou les animaux, que Thalyana avait très vite compris que d’une manière ou d’une autre, un bébé apparaissait soudainement dans le ventre des femmes, et que quand il était assez grand, il sortait.
Liane semblait impressionnée par sa propre idée. Thalyana la comprenait… vu la taille d’un poulain à la naissance, c’était une idée sacrément… impressionnante.
« Non… pas un blanc. » Elle sourit. « Tu as déjà vu des Blancs enceintes, donc? Enceinte cela veut dire qu’un bébé grandit dans ton ventre… Les humains aussi sont enceintes. Enfin, les femmes… » Soudain, elle se sentit rougir. Était-elle réellement en train de donner un cours d’éducation sexuelle à une fillette inconnue? « Euh… donc tu vois, chez les Compagnons, quand un monsieur Blanc et une madame Blanc s’aiment vraiment fort, parfois, un poulain apparaît dans le ventre de la dame. Quand il est assez fort pour le monde extérieur, il sort. Chez les humains, c’est pareil. Ta maman aussi, elle t’a porté dans son ventre, comme moi je porte ma fille. D’ici l’automne, elle sera assez forte pour sortir et venir nous rencontrer. Tu comprends? »
La petite fille ne semblait pas en confiance, et craignait un peu de venir s’assoir à ses côtés. Bizarre qu’une enfant aussi extravertie soit si craintive… Finalement, elle se décida à s’assoir, et aussi à lui expliquer la raison de se présence. Tout fut soudain bien plus clair pour Thalyana. La petite fille était donc l’enfant de Riannon. Elle s’était vaguement demandé, après qu’on ait emmené la Doyenne ici, qui s’occuperait de l’enfant, vu qu’elle n’avait aucun père connu. Mais visiblement, son père vivait aussi au Palais.
La fillette lui demanda d’ailleurs si elle connaissait son papa, comme si c’était un gage de bonne foi. Alors qu’elle allait répondre non, les dernières paroles de Riannon lui revinrent en tête. Elle avait parlé du Roi, de Liane (qui était donc la petite fille assise près d’elle) et de Beltran. Beltran?!?! Thalyana ne put retenir sa vive surprise de traverser ses boucliers. Riannon et Beltran?
« Oui, je connais ton papa. C’est le patron de mon… du papa de mon bébé. Ne t’inquiète pas, je ne dirai pas que je t’ai vu. Après tout, tu ne fais rien de mal.» Elle s’interrompit et regarda Liane gravement. « Oui, Pluiechantante est forte, très forte. Elle a vaincu un adversaire qu’elle n’aurait pas dû être en mesure de battre…Tu… tu étais là, tu as tout vu, n’est-ce-pas? Je suis certaine qu’une enfant aussi courageuse que toi n’aurait pas pu rester sans rien faire? »
En fait, Thalyana n’en savait rien. Mais elle avait cru entendre, dans le récit que Pluiechantante avait tenté de faire lors d’une de ses très courtes périodes de pleine conscience, que Liane avait participé. Sur le moment, elle s’était dit que la Kestra’chern avait dû mêler vision mentale et réalité, comme cela arrivait parfois dans ce genre de situation. Mais maintenant qu’elle avait la fillette sous les yeux, Thalyana ne trouvait plus si improbable qu’elle ait participé au combat. D’autant qu’elle connaissait des détails qui n’avaient été divulgués à personne, pas même au Roi, car ils relevaient plus de la métaphore que de faits concrets.
Après une brève hésitation, elle ausculta rapidement la fillette de son Don. Elle ne voyait aucune blessure mentale… ou plutôt, aucune blessure mentale récente. La lutte avait donc épargné Liane. Thalyana soupira, rassurée. Mais elle comprenait maintenant pourquoi la Kestra’chern jouait les nounous avec Liane…
-
Liane passait très régulièrement au mode "très sérieuse" quand un sujet nouveau l'intéressait et que son interlocuteur arrivait à le rendre intéressant et compréhensible. Pluiechantante faisait cela très bien, mêlant jeux et instructions, et l'enfant apprenait énormément à ses côtés. La nourrice était moins douée mais avec toute sa douceur et son amour pour la gamine, elle avait tout de même réussi à inculquer quelques notions de politesse et d'autres choses encore totalement inutiles aux yeux de Liane dans la petite tête brune. Thalyana, avec sa gentillesse et sa tendance à répondre aux questions de Liane malgré le fait qu'elle pose elle-même des questions que l'enfant considérait comme totalement idiotes, semblait également sur le point de faire une bonne instructrice pour le sujet qui les intéressait. Donc Liane se sentit assez en confiance pour se confier avec simplicité et réclamer ses réponses.
Une seconde, la fille de Beltran fut très déçue. Thalyana n'avait pas de Compagnon dans le ventre. Ce n'était pas juste! Elle aurait sans doute fait un très joli poulain, vu qu'elle-même était jolie. Heureusement, Thalyana enchaînait déjà, ce qui empêcha l'enfant de repartir mentalement sur l'autre implication d'une grossesse chez l'humain, à savoir l'ingestion de créatures vivantes qui se cachaient ensuite dans l'estomac. La Guérisseuse réveillait cependant d'autres questions chez Liane qui écoutait avec un grand sérieux ses explications. Un humain - c'était sans doute tout ce qui n'était pas un Compagnon - pouvait aussi être "enceinte". Visiblement ce n'était que les "dames" qui devenaient grosses, comme les Compagnons femelles. Soudain une idée horrible la traversa:
"Ma maman elle m'a porté dans son ventre?! Mais il est pas assez gros son ventre! Et je me rappelle pas." conclut-elle d'un ton sceptique. Puis, méfiante, elle raisonna: "Comment tu mets le bébé dans ton ventre, ça fait mal non? Tu n'as pas mal?"
Une autre horrible idée lui traversa l'esprit. Elle hésita une seconde, totalement effrayée mais toujours dévorée par la curiosité. Elle n'était pas certaines que les réponses lui plairaient mais elle en avait subitement besoin. Elle espérait que Thalyana lui répondrait parce que sinon ça voudrait dire qu'elle était en colère et que Liane devrait se sauver, loin. Avec précaution, elle tenta de ranger ses idées dans l'ordre et raisonna:
"C'est ta fille dedans alors? Et ... elle te mange de dedans? Comment elle mange sinon? Et comment elle va sortir, y a pas de trou? Moi une fois, j'ai mangé des fourmis et nourrice a dit que les fourmis, et ben, elles vont me manger de dedans pour sortir et qu'il faut pas manger les fourmis. Tu as mangé quoi toi....?"
Assise tout près de Thalyana, Liane se préparait à devoir courir si elle sentait le moindre changement de mauvais augure chez Thalyana. Tout ce qu'elle perçut réellement cependant fut l'étonnement de la Guérisseuse alors que l'enfant se confiait sur ses raisons d'être à la Maison de Guérison. Liane hésita de nouveau quand Thalyana affirma connaître Beltran. Elle ne savait pas bien ce qu'était un patron mais elle décida que ça devait être bien parce que Thalyana semblait y accorder de l'importance. De plus, la future mère promettait de ne pas dire qu'elle était là (bien!) parce qu'elle ne faisait rien de mal (mais dans ce cas pourquoi ne rien dire?). Liane était un peu perdue, à vrai dire, mais Thalyana affirmait que Pluiechantante était très forte, et ça c'était exactement ce que pensait la petite fille de son héroïne.
"Oui elle est très forte. Elle a dit que ma maman était malade et elle a aidé. Ma maman elle était toute froide de dedans et y avait plus de la musique tu sais. Et la musique c'est bien. Et le froid c'était pas bien. Alors Pluie elle a fait la bagarre dans la tête de ma maman. Mais elle avait froid aussi et ça faisait mal. Puis Pluie elle chantait pour ma maman et c'était ma chanson à moi qu'elle m'apprend. Alors j'ai chanté avec elle pour dire à maman que je l'aime. Après tout était cassé et maman pleure. Et je pleure aussi. Après papa il est venu me chercher et il m'a fait des câlins. Il a dit que maman était cassée mais que ici on la répare et on répare Pluie. Alors je viens voir si ils réparent bien. Mais maman elle dort tout le temps, c'est fatigant. Et Pluie elle dort aussi. Alors je viens voir les autres gens. Y en a qui pleurent dedans, tu sais?"
La dernière phrase était un mélange de surprise et d'inquiétude, comme si elle ne comprenait pas qu'un adulte puisse être triste ou blessé. Une fois lancée et en confiance, Liane pouvait aller loin dans ses discours, surtout si elle sentait qu'on la prenait au sérieux. Et du haut de ses quatre ans, elle apporta la solution au problème qui lui semblait important:
"Il faut les faire de la musique quand ils sont tristes, ensuite ils sont contents. Pluie elle fait ça."
-
Thalyana s’amusa de la réaction sceptique de la petite fille. Elle était la même chez tous les enfants qu’elle avait rencontré. Pour un enfant de cet âge, la notion de temps était très vague et floue, et bien qu’ils grandissent, ils vivaient dans une sorte d’éternité figée, où les adultes avaient toujours été adultes, et où eux-même n’avaient jamais été très différents de ce qu’ils étaient maintenant.
« Mais tu étais alors bien plus petite. Pas beaucoup plus grosse que ça. » Elle écarta les bras pour lui montrer. « Et c’est normal que tu ne te rappelles pas. Quand on est petit comme ça, on est pas encore capable de garder des souvenirs. » Puis vint la question que Thalyana redoutait. « Non, ça ne fait pas mal. Tu sens bien, non, que ça ne fait pas mal. Et tu sais, quand le bébé vient dans le ventre, il est tout petit, comme… une petite lentille. On ne met pas le bébé dans le ventre… » Elle s’interrompit. Elle aurait bien usé de métaphore, mais elle était certaine que la petite fille se ferait des idées encore plus étranges si elle lui parlait de fleurs et d’abeilles. Autant dire les choses comme elles étaient. « Tu vois, les hommes et les femmes sont pas fait pareil. Les hommes, ils ont un zizi. Tu as vu, sur les Compagnons, non? Les femmes, elles ont un petit trou qui mène vers un endroit très chaud et confortable. Alors, parfois, quand on s’aime vraiment beaucoup, on a envie d’être encore plus proche, et serrer l’autre dans ses bras, ce n’est pas assez. Alors là, le zizi de l’homme, il grandit un peu pour pouvoir entrer dans le trou de la femme. C’est très chaud et agréable. Parfois, à ce moment-là, il arrive qu’un bébé soit conçu. Tu vois, les hommes, ils ont dans leur zizi un liquide qui contient la moitié de la recette du bébé. La maman, dans son ventre, elle a l’autre moitié de la recette. Alors, si tout se passe bien, les deux moitiés de recette se rejoignent et un bébé commence à grandir dans le ventre de la maman. Il faut trois saisons au bébé pour naître. »
La petite fille ne semblait toujours pas très à l’aise. Thalyana peinait à comprendre la crainte que la fillette ressentait. Avait-elle vécu des expériences difficiles, avec ou à cause des adultes? Heureusement, cette crainte irraisonnée était muselée par une curiosité plus grande encore. Elle semblait ravie de pouvoir poser toutes les questions qui lui passaient par la tête.
« Non, elle ne me mange pas. » Elle rit. « Je partage ce que je mange avec elle. C’est pour ça que je mange beaucoup ces jours. Et ne t’inquiète pas, elle sortira très bien. Il a un trou, entre tes jambes. Celui dont j’ai parlé avant. Entre tes jambes, tu as deux petits trous. Un qui sert à faire pipi. L’autre, il sert… bah à faire des bébés. »
Pluichantante semblait être, avec sa maman, le sujet de conversation préférée de Liane. Elle admirait la femme, l’adulait presque. Elle semblait la considérer comme une héroïne digne des plus grands Hérauts. Thalyana écouta cependant attentivement le récit de la fillette. Il permettrait peut-être de préciser un peu l’histoire que Pluiechantante avait tant de mal à raconter. Puis la petite fille parla des autres patients qu’elle avait vu, à la fois surprise et inquiète. Thalyana s’interrogea. Pourquoi de la surprise? Elle était dans un endroit où l’on soignait les gens. La tristesse et les larmes étaient donc à leur place en ce lieu.
« Oui, je sais qu’il y a des gens qui pleurent dedans. C’est mon Don tu sais. Moi, je vois et je soigne les blessures du dedans… » Entre autres choses.
Fille de barde jusqu’au bout des ongles, Liane apporta sa solution au problème. Il fallait de la musique. Si seulement les choses avait pu être aussi simple… malheureusement, la musique certains patients, mais d’autres y étaient relativement insensible. Relativement, car un Barde usant de son Don forçait son auditoire à l’écouter.
« Ça te fait du bien quand tu chantes avec Pluiechantante? Ta maman, avant, elle chantait pour les malades, et souvent des bardes viennent jouer pour eux. Mais, tu sais, la musique seule ne suffit pas toujours. Parfois, tu es trop malade pour l’entendre. »
-
Contrairement à la nourrice qui se braquait souvent quand Liane posait trop de questions, ou Beltran qui changeait de sujet quand il estimait qu'il n'arriverait pas à gérer, Thalyana ne s'offusqua pas que la petite ose remettre sa parole en doute et cherche d'autres réponses en posant des questions gênantes. Liane regarda la Guérisseuse avec un air toujours sceptique quand elle osa affirmer qu'un jour, elle avait été "pas beaucoup plus grosse que ça". Même plus petite, Liane savait bien que sa maman était trop mince pour la porter. Elle ne la portait même pas dans ses bras parce qu'elle devenait trop lourde, d'abord! Mais Thalyana semblait convaincue de ce qu'elle avançait alors Liane décida de la laisser dans sa bienheureuse ignorance. Elle savait bien la vérité, elle. De plus, la jeune femme se mettait en devoir de lui expliquer comment on mettait les bébés dans le ventre. C'était une très bonne question, que jusque là Liane ne s'était pas posée puisqu'à ses yeux, seuls les Compagnons faisaient ce miracle. Elle ne doutait pas de la parole de Thalyana puisqu'elle sentait bien un être vivant dans son ventre et qu'il n'y avait aucune raison que la Verte lui mente apparamment. Mais le visage de la petite fille montrait clairement qu'elle doutait de l'équilibre mental de sa compagne quand celle-ci affirma que les bébés étaient d'abord des lentilles. Liane connaissait les lentilles. Elle n'aimait pas ça et sa nourrice la forçait à avaler des platrées entières. Elle trouvait très bizarre qu'une lentille fasse des bébés, même plantée dans le ventre. Mais le cours continuait sur l'anatomie des hommes et des femmes et l'enfant but les paroles de son professeur impromptu. Quand Thalyana finit son petit cours, Liane fronça son visage tout sérieux et prit le temps d'assimiler les paroles. Elle réfléchit bien, décortiqua tout ce nouveau savoir, et se lança de nouveau dans sa kyrielle de question.
" Le bébé il est petit et après il grandit dans ton ventre. Et ça aussi ça fait pas mal? Si il grandit trop ça fait un trou?"
Elle voyait bien le ventre s'arrondir jusqu'à exploser et cela l'inquiétait pour la future mère. Pour le reste de la leçon d'anatomie, elle hésita une seconde puis osa:
"On fait des câlins et le zizi il fait le liquide pour faire une moitié de bébé - ça c'est le papa- et la maman elle fait l'autre moitié. Mais si elle sait pas cuisiner? Ma maman elle sait pas faire les tartes. Mon papa il sait faire. Mais il fait jamais des câlins bizarres comme ça. Et il a pas de zizi. Adrian il a un zizi lui. Mais si papa il a pas de zizi, c'est quand même mon papa?"
N'ayant jamais vu Beltran nu, Liane savait certes que c'était un homme (ça avait quelque chose à voir avec le fait de se raser devant le miroir le matin) mais n'en avait pas de preuves concrètes et cela avait tendance à l'inquiéter assez qu'on lui affirme qu'il fallait des qualités spécifiques pour être un concepteur d'enfant - qualités que ne semblait pas posséder le soldat. Quand à savoir ce qu'était un zizi, ça elle savait: les Compagnons étaient beaucoup plus équipés à ce niveau-là. Et Adrian, petit garçon Modifié, avait déjà fait pipi-fleur devant Liane, ce qui ne l'avait pas plus choquée que ça, bien qu'elle ait été intéressée par ce drôle de petit tuyau bien pratique qu'il avait. Repassant au sujet du jour, la petite fille avait encore en réserve d'autres questions:
"Si je fais un câlin à Adrian ou à papa, ils vont faire ce truc là? Je veux pas avoir un bébé moi. Moi je veux être un Blanc." Elle enchaîna immédiatement: "Dis, est-ce que faire le câlin avec le zizi c'est aussi danser avec une fille? Mon papa il danse des fois mais il fait jamais de câlins comme ça."
Comme si cela s'excluait mutuellement, évidemment. L'enfant exprima d'autres craintes que Thalyana écarta avec gentillesse. Rassurée sur l'état de l'adulte, l'enfant fit une drôle de tête quand la Guérisseuse affirma que Liane avait deux trous, un pour le pipi et un pour les bébés. Elle fit la moue. Elle ne trouvait pas ça très pratique. Très sérieusement, elle désigna le ventre de Thalyana et se toucha elle-même le nombril:
"C'est mieux si ça sort par là non? Tu risques moins de marcher dessus quand elle sort."
Soyons pratiques.
Puisque la jeune femme l'écoutait et semblait vouloir donner de vraies réponses (quoique bizarres) à ses questions, Liane se rassura et continua à faire pleuvoir les observations et les questions. Elle regarda avec admiration Thalyana quand elle parla de ses Dons.
"Tu soignes ma maman alors? Elle a beaucoup les blessures dedans. Faut recoudre des fois. Comme les chaussettes."
Après les chaussettes, elle proposa également la musique comme thérapie. Elle fut très fière d'entendre que sa maman avait eu la même idée mais assez inquiète que ça ne soit pas suffisant.
"Il faut faire la musique pour maman. Ca fait du bien dedans. Pluie elle chante pas dans la langue normale, c'est plus joli. Alors je chante avec. Elle fait des choses rigolotes. Tu veux que je chante pour toi, et pour ton bébé? Il a de touuuuutes petites oreilles si il est dans son ventre mais je peux chanter fort moi. Tu veux?"
Soudain elle sursauta et prit l'air inquiet, comme si elle venait de faire une bêtise.
"Olalala papa est pas content..."
-
Liane avait l’air relativement sceptique face aux explications de la Guérisseuse. Thalyana faisait pourtant de son mieux. Mais expliquer des notions aussi compliquées que le sexe, le désir et la reproduction n’étaient pas évidents quand l’interlocuteur avait quatre ans. Elle ne voyait pas comme dire les choses autrement, et malgré la certitude avec laquelle elle donnait sa leçon, la petite fille ne semblait pas la croire entièrement, alors que d’habitude, les enfants prenaient les explications des adultes pour argent comptant. Thalyana était certaine que si cela avait été Pluiechantante qui lui avait expliqué ces choses-là, la petite fille aurait bien mieux accepté la vérité.
Il était quand même touchant de lire la crainte sur le visage de l’enfant, alors qu’elle s’inquiétait de la probable douleur que causait une grossesse.
« Il ne peut pas trop grandir. Quand il est assez grand, il sort, tout seul. Donc ça ne peut pas faire un trou, quoi qu’il arrive. » *Même si parfois, on doit en faire un pour aider l’enfant à sortir…*
La leçon d’anatomie n’avait été que partiellement comprise par l’enfant. Mais elle semblait avoir saisi l’essentiel. Malheureusement pour Thalyana, Liane était à l’âge où ce que l’on ne pouvait pas voir n’existait pas, comme le sexe de Beltran. Elle ne l’avait jamais vu, donc Beltran n’en avait pas.
Rougissant, Thalyana affirma d’une voix faible. « Si si, je t’assure que ton papa a lui aussi un zizi… »
Elle ne commenta pas le reste de la réponse, trop gênée pour formuler une réponse que la petite fille comprendrait sans ambigüité.
Thalyana ne doutait absolument pas que Beltran fasse "des câlins comme ça" et c’était presque rassurant que la fillette s’en sache rien. Cela signifiait qu’il s’abstenait d’amener des conquêtes quand il s’occupait de sa fille. Fille qui mélangeait un peu tout, avec une candeur touchante.
« Non, danser ce n’est pas pareil… » *Même si l’un peut mener à l’autre* « Et ne t’inquiète pas. Déjà, tu es beaucoup trop petite. Avant tu dois devenir grande. Ensuite, c’est un câlin très spécial, que tu n’auras pas envie de faire avant longtemps. Pareil pour Adrian. »
Elle ne fit aucun commentaire sur l’idée absurde et affreuse d’un Beltran faisant un "câlin comme ça" à sa fille. Elle espérait sincèrement que jamais Liane ne répéterait de tels propos à son père. Elle n’avait pas du tout envie d’avoir à s’expliquer avec le Capitaine. Elle n’aurait peut-être pas dû en dire tant à Liane, mais Thalyana savait qu’il valait mieux répondre aux questions des enfants. Cela stimulait leur curiosité de manière positive.
Liane, qui avait attentivement écouté ses explications, semblait trouver l’idée d’un accouchement par voie basse hautement perturbante.
« C’est drôle que tu montres le nombril… tu sais, le bébé ne peut pas sortir par là, c’est pas un trou. C’est le reste du tuyau qui te donnait à manger dans le ventre de ta mère. Mais tu sais, tu n’as aucune chance de marcher sur le bébé… il ne tombe pas sans prévenir. Ton corps te dit que le bébé va bientôt arriver, alors tu fais venir un Guérisseur ou une sage-femme - c’est une femme qui a l’habitude d’aider les dames à accoucher - et il surveille que tout se passe bien. »
Non, Thalyana n’avait pas soigné Riannon. Enfin, pas personnellement. Elle avait assisté Charwin, mais il avait refusé qu’elle pratique, jugeant le cas trop dangereux pour elle. Alder avait dû demander au Guérisseur de la ménager. Elle ne détrompa cependant pas la fillette. Il était un peu difficile d’expliquer le déroulement d’une séance de soin.
« Oui… même si les chaussettes se réparent plus facilement. »
Liane proposa de jouer de la musique pour sa mère. L’attention était touchante. Mais Thalyana doutait de son utilité… pour le moment. D’ici quelques jours, la musique pourrait soulager la Doyenne des Bardes. Mais en ce jour, c’était de repos et de calme dont elle avait besoin.
Suivant le fil désordonné de ses pensées, Liane proposa de chanter pour Thalyana et son bébé.
« Je suis certaine que si tu chantes, elle entendra. »
Puis Liane sursauta, l’air très inquiet. Elle avait senti la présence de son père. Thalyana baissa légèrement ses barrières pour chercher Beltran. Elle sentit que quelqu’un d’inquiet parcourait les couloirs de la Maison.
Avec un sourire, elle le héla quand il passa près de la porte.
« Capitaine Beltran, ici. »
Puis elle fit un sourire rassurant et complice à Liane.
-
Beltran était en train de s'entraîner avec quelques hommes quand un soldat, l'air très gêné, était venu l'interrompre car une femme souhaitait lui parler. Inquiet de ce que ça pouvait être, le Capitaine s'était vaguement essuyé et avait rejoint la nourrice de Liane qui l'attendait dans le couloir. Elle se tordait les mains et d'un air coupable, elle lui apprit que Liane s'était encore sauvée et qu'elle n'arrivait pas à la retrouver. Comme cela arrivait régulièrement, elle n'était pas tellement inquiète pour sa santé mais puisqu'elles étaient encore peu habituées à la caserne et aux soldats, elle avait peur que Liane ne prenne peur en croisant des grands musclés armés jusqu'aux dents. Inquiet à son tour, Beltran avait envoyé la nourrice fouiller les jardins où l'enfant avait l'habitude de traîner, un soldat à la recherche de la petite dans les nombreuses salles de la caserne, et lui-même avait pris le chemin de la Maison de Guérison, se disant qu'une petite fille comme ça pourrait bien avoir envie de voir sa mère même si elle était malade.
Une fois arrivés chez les Guérisseurs, il avait été introduit dans la chambre de Riannon. Il l'avait regardé quelques minutes avant de s'éclipser sans bruit. Un Guérisseur avait regardé pour lui dans la chambre de Pluiechantante. Pas de traces de l'enfant. Cependant, un apprenti, l'entendant parler avec le Guérisseur en charge, vint timidement lui apprendre qu'il avait vu une enfant se diriger vers les salles du fond. Elle se cachait donc peut-être dans une salle de repos en attendant qu'on la trouve. Sans perdre de temps, le père inquiet suivit la direction indiquée. Il eut la surprise de voir une porte s'ouvrir sur une jeune femme qu'il connaissait. L'aimée de Kalaïd exerçait toujours à la Maison de Guérison. Elle héla le Capitaine et se retourna pour sourire à quelqu'un. En quelques grands pas, le soldat fut là.
Il salua très poliment la jeune femme:
"Bonjour à vous, Guérisseuse Thalyana. J'espère que vous allez bien? Je cherche ma fille. Liane. Elle s'est encore sauvée. On m'a dit qu'elle serait... Ah Liane...!"
Un coup d'oeil derrière elle lui indiqua ce qu'il voulait savoir. Il prit l'air sévère et toisa la petit fille qui prenait l'air penaud.
"Jeune demoiselle, il faut arrêter de nous faire peur comme ça! Ta nourrice te cherche partout et moi aussi." Puis soudain il s'abaissa à son niveau et tendit les bras: "Allez, viens me faire un câlin, maintenant tout va bien."
Levant la tête vers Thalyana il eut un sourire quelque peu gêné:
"J'espère qu'elle ne vous a pas dérangée..."
-
Le sujet était incroyablement complexe aux yeux de Liane. Elle s'inquiétait d'un rien, son imagination mettant en relief tous les possibles dangers relevant du fait d'avoir un bébé dans son ventre. Elle épargna à Thalyana les questions encore plus gênantes de "où il fait caca le bébé" et "est-ce qu'il vomit aussi dans ton ventre? c'est dégoûtant alors dedans? Pourquoi ça sent pas mauvais?"... Mais uniquement parce que le temps que ces questions atteignent son cerveau, elle en avait déjà d'autres qui franchissaient ses lèvres et la Guérisseuse enchaînait les réponses.
Quand Thalyana affirma que Beltran avait un zizi, Liane la regarda avec étonnement:
"Tu as déjà vu le zizi de mon papa toi?"
L'enfant fut tout de même rassurée que la danse n'ait pas de rapport avec les bébés et l'idée qu'elle soit trop petite, comme Adrian, la vexa légèrement mais puisque même Pluiechantante lui disait qu'elle grandirait, elle accepta les faits sans trop de mauvaise foi. Il fut un peu plus difficile pour elle de comprendre le fonctionnement de l'ombilic et elle finit par conclure que si le Guérisseur était là, tout irait bien donc personne ne devait s'inquiéter. C'était un raisonnement logique qui empêchait forcément que quelque chose tourne mal. Comme par exemple que le bébé tombe par terre et s'écrase. Liane hocha la tête avec sérieux:
"C'est bien les Guérisseurs alors."
Cela concernait également les capacités magiques de Thalyana pour recoudre les esprits comme des chaussettes. Liane ne remettait aucunement cela en question et était même plutôt admirative que la future mère sache repriser des chaussettes mentales. C'est donc avec gentillesse qu'elle lui proposa de faire de la musique pour elle et son bébé à naître. La musique était faite pour faire plaisir, et elle aimait bien la jeune Guérisseuse bien qu'elle soit très étrange. Mais avant qu'elle ne se soit décidée sur quelle chanson elle voulait proposer à son auditoire, elle sentit la présence de Beltran. Il était inquiet et elle se doutait que c'était mauvais signe pour elle. Et avant qu'elle n'arrive à s'éclipser discrètement, Thalyana se leva et la trahit de la pire des manières qu'il soit.
Beltran fit son apparition et commença à gronder son enfant. Liane baissa la tête, toute triste, levant ensuite de grands yeux innocents (et quelque peu accusateurs) sur la Guérisseuse. Déjà Beltran se calmait et lui offrait les bras. La petite fille s'y précipita et se serra contre le soldat malgré l'odeur de l'entraînement encore bien présente.
"J'ai pas embêté. Elle a un bébé dans son ventre et elle sait que tu sais faire les bébés aussi. Tu m'as fait moi, hein papa? Elle dit que tu as un zizi pour faire les bébés aussi. Et tu vas pas faire un bébé avec Mina hein papa?"
Elle chercha le soutien de Thalyana dans ses explications.
-
Thalyana se demandait comment elle avait pu se laisser embarquer dans une telle conversation. Elle n’avait nullement prévu de discuter de procréation, et encore moins de l’outillage et de la capacité de Beltran à faire des enfants. Des images plus que gênantes s’imposaient à elle, et elle se demandait comment elle serait la prochaine fois qu’elle se retrouverait face au Capitaine. Elle n’était pas certaine d’être capable de lui parler sans bafouiller.
« Non… » Elle était maintenant écarlate. « Mais tous les hommes en ont un. » Sa voix était un peu faible. Elle ne comptait jamais être en mesure de confirmer ses dires sur le Capitaine.
L’arrivée du Capitaine Beltran mit un point final à leur discussion sur la reproduction et les bébés, ce qui convenait parfaitement à Thalyana. Elle s’amusa de voir Beltran s’énerver d’abord, puis serrer tendrement son enfant contre son coeur. Si on lui avait un jour dit qu’elle verrait le Capitaine Beltran en pleine démonstration d’affection, elle n’y aurait pas cru. D’ailleurs, elle doutait que Kalaïd la croit. Après tout, la paternité du Capitaine avait été un secret jusqu’aux derniers évènements, et seuls ceux qui fréquentaient la caserne avait pu voir que la fillette s’y était installé.
Beltran se tourna vers elle, prêt à s’excuser du comportement de sa fille. Thalyana sourit.
« Non, ne vous inquiétez pas. Elle m’a beaucoup aidée à reconstituer les évènements de… de l’autre jour. C’est une petite fille très intelligente et très sensible… »
Malgré le regard accusateur que la petite fille lui avait lancé, elle sembla oublier bien vite l’offense de sa dénonciation et prit déjà Thalyana à témoin alors qu’elle questionnait son père.
La jeune Guérisseuse ne put empêcher le rouge de lui montrer aux joues. Elle se releva en se tortillant les mains, l’air profondément mal à l’aise. Ce n’était pas une conversation qu’elle voulait avoir avec le supérieur de Kalaïd… Elle imagina la tête de son compagnon quand elle lui raconterait qu’elle avait expliqué la reproduction à la fille de Beltran.
« Elle m’a demandé ce que j’avais dans le ventre… elle avait senti ma fille à travers son Empathie. Et une question en entraînant une autre, j’ai fini par lui expliquer comment fonctionne la reproduction… » Maintenant écarlate, elle s’éclaircit la gorge avec peine. « Elle pensait que seuls les Compagnons pouvaient être enceintes. » Elle ponctua sa phrase d’un petit rire. « Hum… quoi qu’il en soit, elle ne m’a pas dérangée… » Elle passa sous silence ce qui concernait le "zizi" de Beltran. Elle n’allait pas aborder ce point. Jamais.
Tentant de changer discrètement de sujet, elle lui parla d’un voix légère:
« J’ai cru voir que… vos soucis de cœur sont derrière vous.»
Elle ne serait plus la seule à être gênée dans cette histoire!
-
Une fois Liane serrée contre lui, Beltran mit une seconde à profiter de la situation avant de s'inquiéter de ce que l'enfant avait bien pu faire subir à la pauvre Guérisseuse. Il se releva, sa fille toujours dans ses bras et la cala contre sa hanche. Elle s'accrocha à lui comme un koala à son arbre et toisa la jeune femme avec l'assurance d'un petit mammifère protégé par son géniteur. Lequel géniteur pâlit légèrement lorsque Liane se lança dans la description de ce qu'elle avait appris sur la reproduction. Le visage rouge de Thalyana confirma ses soupçons: ce genre de discussion n'avait absolument pas lieu d'être avec lui dans les parages. Cependant, il connaissait Liane. S'il ne répondait pas à ses questions, il en avait pour la journée entière à la faire taire. Pire, elle risquait de chercher des réponses auprès d'autres gens. Il se voyait mal expliquer à un noble ou même à un de ses soldats pourquoi sa fille tentait de savoir s'il avait un zizi ou non.
Gêné, le Capitaine répondit tout d'abord aux premiers commentaires:
"Elle en sait souvent plus qu'on ne le croirait pour ... cet âge. Je n'aurais jamais cru qu'elle comprenait autant de choses. C'est... instructif." Il hésita: "Est-ce qu'elle... souffre de ce qui s'est passé avec Riannon?"
Liane ne s'intéressait pas à la situation de sa mère ou de Pluiechantante pour le moment. Elle tira la manche de Beltran pour attirer son attention alors que Thalyana s'empêtrait dans ses justifications concernant le petit cours de sexualité de la fillette. Il semblait qu'elle évitait certains aspects des questions de Liane, mais cela arrangeait plutôt le soldat. Cependant, Liane n'abandonnait pas son idée.
"Hein papa que tu fais pas un bébé à Mina? Hein? Et tu as pas un zizi mais tu es mon papa? ... Comment tu sais c'est une fille?" demanda-t-elle du haut de son perchoir à la jeune Guérisseuse.
" Non je ne fais de bébé à personne. Et si, je suis un homme, j'ai ... j'ai..." Beltran était incapable de prononcer le mot d'enfant malgré ses années d'expérience de caserne et la fréquentation de milieux peu recommendables. "Je suis un vrai homme. Comme un Compagnon mais en humain. D'accord?" Il espéra que ça suffirait à l'enfant qui se calma un peu mais continua de fixer Thalyana en attendant une réponse qui la satisferait. Elle se tendit vers le ventre de la future mère pour comprendre comment elle savait que c'était une fille. Aux yeux de Liane, être fille ou garçon dépendait de la décision des parents, pas de la biologie.
Beltran quant à lui passa de bien pâle à bien rose à la question de Thalyana. Il se râcla la gorge, indécis et finit par répondre:
"Disons que ces derniers temps... des petits bouts de femmes ont décidé de me rappeler que je suis un homme avant d'être un soldat. Je n'ai pas eu... le choix." Il hésita puis ajouta: "Mais je ne crois pas que je le regrette."
"Dis papa, je peux rester avec elle, elle est gentille. Et je vais faire la musique pour le bébé. Et pour touuuuus les gens ici qui sont tristes. D'accord?" interrompit Liane qui n'en avait absolument rien à cirer des histoires de coeur de son père tant qu'il n'y avait pas de bébé en vue.
Soudain le cerveau du blond fit "tilt". Beltran était un soldat. Il repérait le poids d'une dague dans une manche, l'éclat mortel d'une épingle empoisonnée dans un chignon, le discret mouvement du poignet d'un lanceur d'étoiles, le scintillement mortel dans les yeux d'un assassin. Mais Beltran était un soldat qui ne fréquentait guère les femmes enceintes. Il n'avait ni remarqué la tenue particulière de Thalyana, ni réagi à ce qu'elle venait de lui apprendre. Et cela venait de le heurter comme un marteau sur le crâne. Thalyana, la Liée de Kalaïd était enceinte. D'un bébé. D'un bébé, probablement avec Kalaïd comme géniteur. Il la regarda d'un oeil neuf.
"Et vous... le jour où vous annoncerez aux hommes de Kalaïd qu'il va être papa, vous allez vous retrouver avec une cohorte de tontons adoptifs pour votre enfant. Liane n'est là que depuis quelques jours et c'est déjà une princesse, je crains que votre petite ne devienne la mascotte de la moitié de l'armée avant même de naître."
-
Thalyana trouvait touchant le tableau formé par Liane et son père. La petite fille semblait ravie de pouvoir profiter de la présence de son père, et ne regrettait nullement de l'avoir attiré jusqu'ici. A croire qu'elle avait fait exprès. Ce qui était probablement le cas.
Un peu rêveuse, Thalyana superposa en esprit l'image que Kalaïd portant sur la hanche une petite fille aux cheveux châtain clair et aux yeux gris. Elle ne put s'empêcher de sourire à cet image. Enfin, elle se réjouissait d'avoir sa fille. Elle était certaine que son Lieutenant serait adorable avec un bébé dans les bras.
« Je crois qu'elle souffrait davantage avant, quand Riannon était... enfin... avant que la Kestra'chern ne vienne l'aider. Ah, mais peut-être vouliez-vous parler de blessures mentales? Dans ce cas, non.»
Liane était toute heureuse de pouvoir enfin poser ses questions à son père. Cette histoire de zizi semblait la perturber au plus haut point. Mesquine, Thalyana s'amusa de la gêne du Capitaine à répondre. Doutait-il lui aussi de la présence d'un zizi dans son pantalon? Alors que Beltran bégueyait une réponse, elle ne put s'empêcher de pouffer. D'autant que lui venait maintenant à l'esprit l'image de Beltran avec le "zizi" d'un Compagnon
Beltran rosit à la remarque de Thalyana sur ses affaires de coeur, et cela fit plaisir à la Guérisseuse. Pour une fois qu'elle n'était pas la seule à rougir!
« Ah? Il m'avait plutôt semblé que c'était vous qui aviez pris la décision de baiser la main de votre dame en public, abandonnant là la délégation venue vous accueillir...» fit-elle malicieusement remarquer.
Elle avait d'ailleurs trouvé la scène fort amusante. Beltran, qui trois saisons plus tôt, avait prétendu que "l'amour n'était pas une bonne chose" s'était retrouvé à faire la cours à sa belle devant la moitié de l'armée et une partie des notables du Palais.
Liane semblait avoir déjà oublié la "trahison" de Thalyana et demandait à rester avec elle. La jeune fille n'était pas certaine d'être d'accord, elle avait des patients à voir, des remèdes à préparer... elle n'avait pas forcément le temps de s'occuper de Liane. Bien que à entendre Liane, c'était elle qui comptait prendre soin de Thalyana, et surtout de son bébé. Et des patients...
« Liane, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée. Enfin... j'adorerais que tu chantes pour nous... Mais pour les patients, ce n'est peut-être pas le meilleur moment de la journée. Mais si tu veux, je demanderai qu'on fasse venir quelqu'un pour jouer de la musique à ta maman.»
Soudain, Beltran sembla comprendre qu'elle était enceinte. Il n'était décidément pas très vif pour les choses sortant du cadre militaire.
« Certains ont été un petit plus rapides à comprendre que vous... le jour de votre retour déjà, j'ai eu le droit à quelques regards entendus. » EIle rit. « Quand j'essaie d'aller m'entraîner, je tombe toujours sur un des rares soldats au courant - je pense qu'ils se passent le mot - et évidemment, il me lance de nombreux regards désapprobateur et fait tout pour me dissuader de pratiquer les armes. Alors oui, quand enfin toute la caserne sera au courant, ma vie deviendra un véritable enfer pavé des meilleurs intentions du monde... Après, je suis heureuse que ce soit une fille. Ils n'essaieront pas de lui apprendre le maniement de l'épée longue à quatre ans, et quand elle sera plus grande, elle aura une armée entière pour protéger sa vertu...»
-
Agrippée à Beltran comme si sa vie en dépendait, Liane ne perdait pourtant pas une miette de ce qui se passait autour d'elle. Vaguement vexée qu'elle ne soit plus le centre de la conversation depuis que son père avait pointé le bout de son nez, elle tenta de reprendre le contrôle de la situation en insérant ses questions dans la conversation d'adultes. Elle n'en avait rien à faire qu'on parle d'elle devant elle, elle, ce qu'elle voulait c'est qu'on parle avec elle. Thalyana venait de rassurer Beltran sur l'état psychologique de son enfant. Liane n'avait pas de cicatrices visibles du dernier affrontement. Les cauchemars qui la tourmentaient encore venaient de plus loin dans le temps. Pour le reste, elle savait que sa mère était entre de bonnes mains et elle avait beau lui manquer, elle ne s'inquiétait pas outre mesure.
"Je ne sais jamais, avec elle" se plaignait pourtant Beltran à Thalyana. "Elle peut devenir terriblement sérieuse tout d'un coup... et se mettre à parler de l'utilité d'avoir une queue si on est un chat... ou me demander qui veut me tuer avec une épée. Je ne sais jamais ce qui est important à ses yeux. Si... tout ça lui laisse autant de traces qu'à un adulte."
Parce que cette chose gigotante dans ses bras était bien attachante mais totalement illogique et étrange. Pour Beltran les bébés passaient au stade d'enfant magiquement puis au stade adolescent ou adulte, du jour au lendemain. Que Liane grandisse par ce qu'on lui apprenait le dépassait un peu et il ignorait si les bestioles de moins de 10 ans avaient des vrais sentiments ou se contentaient d'imiter les adultes. Un peu plus de temps avec sa fille lui avait fait comprendre qu'elle raisonnait à sa manière et elle comprenait plus qu'il ne le croyait mais c'était un monde nouveau et vaste qui s'ouvrait devant lui avec sa nouvelle paternité officielle. Un monde vaste et dangereux auquel personne n'avait ajouté de mode d'emploi. Il avait hâte que Riannon se réveille et reprenne son rôle de maman. Et en même temps, malgré tous ses problèmes, avoir sa fille avec lui le remplissait d'une émotion chaude et étonnante et les journées lui réservaient de multiples surprises.
Liane se mettait en devoir de rendre la vie insupportable à son père et à la Guérisseuse en posant des questions que personne n'avait vraiment envie d'entendre. Beltran s'embrouilla dans ses réponses, peu aidé par Thalyana - il lui voua une haine éternelle d'au moins deux minutes pour ça d'ailleurs - avant qu'un sujet encore pire ne soit abordé par la future mère. Beltran était sûr que les femmes menaient des complots contre lui pour lui gâcher sa journée. Complot sûrement mené d'une main de maître par Wylan en coulisses. Wylan ET Fitz. Au moins.
"Je ne sais pas trop ce qui m'a pris." grommela le soldat avec embarras. "Elle était là, et c'était... Je ne sais pas. Je devais la voir. Arthon voit ma tête bien plus qu'il n'en a envie, il pouvait attendre deux minutes." conclut-il, de mauvaise foi, comme si tout ça n'était qu'une discussion de plus sur la manière d'attacher une gourde à un cheval harnarché pour la guerre. (Sujet très important au demeurant.)
Insensible à la gêne de son père, Liane réclamait de nouveau de l'attention. Elle avait visiblement préparé un plan très précis de ce qu'elle avait décidé de faire de son après-midi et Beltran eut comme l'impression qu'il n'avait pas son mot à dire dans tout ça. Heureusement, avant qu'il n'oppose son veto, Thalyana expliqua à l'enfant que ce n'était pas possible pour le moment. Liane se renfrogna:
"Mais ils ont besoin maintenant tu sais." insista-t-elle avec de grands yeux tristes. "Sinon c'est trop tard. Et ton bébé il aime la musique maintenant aussi. Hein papa? Tu chantes avec moi pour le bébé de la Verte?"
Liane n'était pas très douée pour retenir les noms. Elle préférait en inventer ou se baser sur les uniformes. La "Blanche" pouvait tout aussi bien être Irmingarde que son Compagnon ... ou n'importe qui en uniforme. La Verte englobait à peu près toutes les guérisseuses. Mais là, c'était "sa" Verte pour le moment. Et la distinction était évidente.
Et sa Verte était enceinte, ce qui venait seulement d'apparaître au Capitaine. Comprenant que son père avait la cervelle un peu ramollie (mais ce n'était pas grave, c'était quand même son papa), Liane soupira grandement.
"Beaucoup de soldats estiment qu'une femme enceinte est plus précieuse qu'un trésor. C'est tellement ... loin de notre quotidien. Je sais que monter à cheval est permis jusqu'aux derniers mois... si vous pouvez m'assurer que votre état vous permet de manier les armes ... avec précaution... je m'arrangerais pour que personne ne vous empêche d'accéder aux installations. Mais je ne peux pas arrêter les regards, par contre."
Il serra Liane contre lui avec tendresse et d'une voix étrange pour le Capitaine, c'est à dire tendre et non retenue, il salua l'arrivée d'un bébé fille:
"Je crois que vous vous bercez d'espérances si vous croyez qu'ils ne vont pas lui apprendre le maniement de l'épée avant quatre ans. Ils vont d'abord vous la gaver de sucreries et de rubans, ensuite ils la convaincront que la vie à cheval est la seule digne d'être vécue, et elle aura une armée entière de chaperons quand elle voudra grandir un peu. Regardez celle-là..." fit-il avec un sourire en ébourriffant Liane qui râla: "Je suis sûr qu'elle a pris au moins trois kilos depuis qu'elle est arrivée à la caserne tellement ils la gavent de sucre, un de mes capitaines lui a déjà offert un petit arc, elle ne quitte plus les étables ... sauf pour venir vous embêter ici... et elle a décidé que l'armurier était plus interessant que sa nourrice. Une deuxième comme ça à la caserne et je peux monter une crèche avec mes soldats..." fit-il d'un ton faussement désapprobateur.
Liane regardait le ventre de Thalyana, concentrée. Elle souriait vaguement puis elle se retourna vivement vers son père, qui faillit la faire tomber. Il la rajusta sur sa hanche alors qu'elle empoignait son col et lui déclarait très sérieusement au visage:
"Moi j'habite à la caverne avec toi. Et on chante des chansons à tes soldats. Et tu peux danser avec la Blanche. Et comme ça moi je viens faire la musique à maman et Pluie et elle " elle désigna Thalyana: "Elle fait des bébés et elle me montre comme ça je sais tout. Nourrice elle est pas intéressante, elle sait pas faire les bébés."
La fillette se débattit pour descendre des bras qui la retenaient. Beltran hésita puis la reposa sur le sol. Liane fila vers la banquette et s'assit très sagement dessus.
"Elle s'appelle comment ta fille?" demanda-t-elle alors que Beltran allait lui enjoindre de s'en aller avec lui.
"Désolé, je n'ai pas encore compris comment lui faire comprendre que certaines choses ne se font pas..." s'excusa le Capitaine, un peu penaud.
Oui, Beltran de Greenhaven avait trouvé le moyen de prendre un air penaud. Merci Liane.
-
Thalyana se demanda comment elle en était venue à parler d'éducation avec Beltran de Greenhaven, chef des armées du pays. Comment pouvait-elle l'aider? Elle était enceinte, simplement enceinte. Le mode d'emploi n'apparaissait pas magiquement dans l'esprit des femmes quand émergeait la vie dans leur ventre. Elle avait bien surveillé des cousins quand elle était plus jeune, mais on ne lui avait jamais demander de leur inculquer quoi que ce soit. Thalyana avait certes son avis sur la question, mais elle ne pouvait garantir qu'elle serait de bon conseil.
«Mais tout est important pour elle. Comme pour vous tout à de l'importance. Après tout, c'est de son monde dont elle vous parle. Le plus simple est encore de répondre. Elle ne gardera finalement que l'essentiel en grandissant, le bien, le mal, l'honneur, mais aussi la curiosité intellectuelle. Elle grandira aussi avec la certitude d'être aimée et écoutée. En plus, les enfants mettent souvent le doigts sur des choses qu'on ne voit plus, ou qu'on ne veut pas voir. Même si ce qu'elle vous raconte vous paraît absurde, ou pas de son âge, répondez-lui. Mieux vaut qu'elle obtienne une réponse de vous plutôt qu'auprès d'un autre... ou qu'elle se fasse des idées bizarres.»
Liane semblait très douée pour se faire des idées bizarres. Son monde était très compliqué, peuplé de choses mystérieuses et magiques, là où un autre ne verrait rien que de très banal.
Beltran de son côté semblait ne pas se remettre de son coup de folie, lors du retour des troupes. Thalyana le trouva beaucoup moins impressionnant, intimidant. Il n'était au final qu'un homme un peu plus réservé et pudique que les autres. Qui faisait quand même la cours aux jeunes filles en fleurs. En public! Le prétexte trouvé par le Capitaine amusa beaucoup la Guérisseuse.
«Ça je n'en doute pas. Mais ils ont tous été tellement surpris que vous ayez des sentiments, comme tout le monde...»
Vraiment, la fillette était trop mignonne. Elle insistait pour chanter maintenant, comme si la vie de quelqu'un (la sienne probablement) en dépendait. Son Empathie rendait son discours plus convainquant encore, car elle avait dû percevoir quelque chose qui la poussait à vouloir aider tous ces gens... ou pas.
« On peut aller dans la salle de repos si tu veux. Tu pourras chanter pour ceux qui sont là. Et ensuite tu rentreras avec ton père, d'accord? Je suis certaine qu'il a très envie de chanter avec toi. Ou de te donner des cours de danse.» Elle lança un regard malicieux à Beltran.
Beltran tentait vainement de garder la main mise sur la conversation, et malgré les interruptions incessantes de l'enfant, il continuait à se remettre gentiment du choc que lui avait causé la révélation de sa grossesse. Au moins se montrait-il serviable. Elle était heureuse de trouver chez le chef des armées un peu du bon sens qu'il manquait aux autres. Elle avait craint qu'il insiste lui aussi pour la renvoyer à des tâches plus en accord avec l'idée que les gens se faisaient de la maternité.
«D'autant qu'en tant que Guérisseuse, il me semble que je suis mieux renseignée sur ce que peut ou ne peut pas faire une femme enceinte. Merci.»
Thalyana trouvait le Capitaine et sa fille vraiment touchants ensembles. Pas étonnant que les soldats deviennent un peu gâteux avec ses deux-là à la caserne. Et elle ne doutait pas que Liane profite de toute la sympathie qu'elle attirait pour les mener par le bout de nez. Une vraie petite femme.
«Les soldats font de très bons pères. Ils connaissent la valeur des enfants, et ça leur donne une raison de se battre... et de survivre. Pour autant, je crains qu'ils ne soient déçus. Elle aura très vraisemblablement de l'Empathie, alors la vie de mercenaire... Mais elle apprendra les bases du combat, j'en suis certaine. Entre un père et un grand père combattant, elle n'aura guère le choix.» Elle poussa un long soupir. «Sans compter effectivement ses nombreux parrains auto-proclamés. Et son éventuel parrain, vu que je suis certaine que ce sera forcément un soldat. Je laisse à Kalaïd le soin de le désigner.»
Elle avait déjà choisi la marraine. Enfin, elle s'était un peu choisie seule, ou par le biais du hasard. Bref, le petit têtard avait une marraine.
Le jeune femme dut contenir un éclat de rire quand Liane affirma que la nourrice ne savait pas faire les bébés. Elle ne connaissait peut-être pas la théorie, mais la pratique, par contre... Elle lança un regard amusé au Capitaine alors qu'elle rougissait un peu, sans trop savoir pourquoi.
Liane revint s’asseoir à ses côtés, après un duel de haute lutte avec son père, duel qu'elle remporta sans coup férir. Sa question fit rire Thalyana, et la réaction de Beltran plus encore. Elle s'amusait beaucoup, finalement.
« Je ne vois aucun problème à cette question.» Elle se tourna vers Liane. «Tu sais, dans beaucoup d'endroits, un bébé ne reçoit pas tout de suite de prénom. On attend qu'il naisse, et souvent encore quelques jours, pour le connaître, tu vois...» * Enfin... surtout pour voir s'il va survivre* Répondre sérieusement à une question n'impliquait pas forcément de tout révéler.«Mais comme je la connais déjà...» *et qu'elle devrait survivre vu qu'elle est en très bonne santé, et moi aussi*«...j'ai déjà pu choisir son nom. Elle s'appelle donc Amalia. Comme ça on reste avec les voyelles "a" et "i" dans la famille.» Elle sourit. Elle n'avait réalisé ce fait qu'après avoir décidé de lui donner ce nom. «C'est un nom de noble. J'espère qu'avec lui elle aura une bonne vie.»
Elle n'était pas certaine de croire à ces histoires de prénoms qui influençaient le caractère. Pas contre, elle était persuadée qu'un nom de noble ouvrait les bonnes portes.
Elle se releva en proposant sa main à la fillette.
«On va dans la salle de repos alors?»
Demander l'avis de Beltran ne lui avait même pas effleuré l'esprit.
-
Beltran ne savait pas forcément pourquoi il se confiait ainsi sur l'éducation de sa fille à cette Guérisseuse quasi inconnue. Peut-être parce qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche et semblait moins apte à lui assener des vérités atroces et forcément idiotes qu'à lui suggérer plus sympathiquement ce qui devrait être logique pour un père. Beltran n'avait jamais demandé à être père. On lui avait rapporté un bébé - maintenant une vraie fillette- et il avait dû composer avec ça.
"Mais elle pose des questions vraiment gênantes." soupira le soldat sans que cela n'émeuve plus que cela l'enfant dans ses bras.
Vraiment gênant, était aussi son propre comportement vis à vis d'Irmingarde. La demoiselle lui avait fait bien comprendre en privé que ce genre de démonstration n'était pas vraiment attendue de la part du commandant des armées. Il leva un sourcil et prit (légèrement) la mouche:
"Bien sûr que j'ai des sentiments. Je suis humain. Je sais juste me concentrer sur mon travail quand il le faut."
Le ton était plutôt sec - vexé ou surpris, ou entre les deux.
Liane détourna l'attention en affirmant qu'il était important qu'elle chante. Beltran pâlit un peu à la réponse de Thalyana. Lui, chanter avec Liane? Mais la Barde, c'était Riannon, pas lui! Et danser... Bon, ça il l'avait promis à Pluiechantante mais il attendrait bien évidemment d'être loin des regards. Pour ne pas décevoir la gamine, il rebondit sur une seule partie des paroles de la Guérisseuse:
"Tu leur chantes un peu et on rentre à la caserne. Que va dire le Caporal Jehan si tu ne vas pas l'aider à soigner les chevaux alors que tu lui as promis?"
Les chevaux - ou le seul moyen de garder Liane dans de bonnes dispositions dans un endroit plus ou moins fermé le temps que les adultes fassent des choses importantes. Pour le reste, Beltran évita soigneusement le regard de Thalyana.
Il ne s'y remit que lorsqu'ils parlèrent de la grossesse de la Verte et de sa capacité à aller s'entraîner aux armes. Bien que partageant l'avis de beaucoup d'hommes sur la grossesse (à savoir qu'il préférait la savoir à l'abri chez elle plutôt que sur un terrain d'entraînement), Beltran connaissait assez les femmes pour savoir que leur caractère différait autant que chez les hommes et que rien ni personne n'empêcherait Thalyana de s'entraîner si son état le lui permettait. Il hocha la tête sans mot dire, refusant les remerciements. C'était normal. Et il avait besoin d'un Kalaïd de bonne humeur, alors il ne voulait pas tenter le diable en refusant ce petit service à celle qui portait sa fille.
Beltran hésita une seconde quand Thalyana affirma que les soldats faisaient des bons pères. Il était loin de se considérer comme "bon". "En apprentissage" convenait mieux, même s'il faisait son possible pour être au meilleur de sa forme pour sa petite Liane.
"Kalaïd prendra peut-être un Héraut comme parrain. Ils sont encore pires que les soldats." plaisanta le Capitaine sans pourtant sourire.
Liane reprit le contrôle de la situation. Elle ne supportait pas d'être ignorée et elle ne savait pas ce qu'était un parrain ou les avantages liés au rôle de soldat, alors il fallait ramener la conversation vers des terrains plus amusants. Beltran pâlit de nouveau quelque peu devant les paroles innocentes de sa fille. Il finit même par s'excuser auprès de Thalyana pour la curiosité un peu invasive de l'enfant. Cependant, Thalyana se mettait en devoir de répondre à Liane comme si cela ne la gênait pas.
Liane regarda le ventre de Thalyana, puis Thalyana, puis Beltran puis de nouveau Thalyana avec un sérieux mortel, presque comique tellement il était profond. Elle déclara:
"C'est joli Amalia. Elle sera jolie comme toi et elle aura pas peur des chats. D'accord?"
Elle se leva et glissa sa petite menotte dans la main de Thalyana:
"On va à la salle de repos. Tu veux je chante quoi?"
Beltran soupira et s'apprêta à suivre le mouvement, puisque le puissant chef des armées n'avait pas son mot à dire devant deux petites femmes de la Maison de Guérison.
-
Thalyana haussa les épaules, elle ne pouvait pas grand chose de plus pour le Capitaine. Qu'y pouvait-elle, si Beltran était aussi coincé? Liane posait des questions qu'il trouvait gênante. En soi, les questions ne l'étaient probablement pas. Elle trouvait même cela plutôt sain, que la fillette ose parler de tout. Les tabous viendraient bien assez tôt.
Beltran s'offusqua un peu qu'on mette en doute l'existence de sentiments chez lui. A nouveau, Thalyana ne put que regarder son interlocuteur d'un air désolé. S'il voulait vraiment qu'on le voit différemment, il lui faudrait se montrer plus ouvert, moins droit et rigide. Elle n'y pouvait rien si l'opinion générale sur Beltran était "Juste, honorable, sûr, sans humour." Il était après tout l'homme qui avait essayé de prétendre que l'amour était une mauvaise chose. Mais sa relation avec la jeune femme ne pouvait que lui faire du bien. Peut-être parviendrait-il à admettre qu'on pouvait faire son devoir et vivre malgré tout.
Le Capitaine ne semblait pas vouloir chanter, et il tenta subtilement d'échapper à la corvée. Thalyana ne put s'empêcher de rire. Elle était certaine que Liane parviendrait de toute manière à ses fins. Beltran ne pourrait résister aux demandes de sa fille. Si ce n'était pas aujourd'hui qu'il céderait, ce serait le lendemain, ou le jour suivant. Il n'avait aucune chance.
Concernant Kalaïd, elle avait bien son opinion sur la question. Elle pariait sur Fitz... ou le capitaine lui-même. Son compagnon n'avait malgré tout que peu d'amis vraiment proches. La guerre, son caractère, tout le poussait à ne fréquenter qu'un cercle restreint de personnes. Elle sourit à Beltran.
« Il en serait capable. Quelqu'un d'encore plus honorable que lui...» Cela réduisait pas mal le champs des possibilités.
Liane était décidément fascinée par le ventre de la Guérisseuse. Les réponses de Thalyana l'enchentèrent et elle approuva le choix du nom.
«Non, elle aura pas peur des chats.» Quant à la beauté, jamais Thalyana n'aurait osé répondre.
Ravie que la "Verte" l'emmène enfin chanter, elle demanda quel morceau choisir.
«Ce que tu veux. Quelque chose de doux?»
Une fois debout, la petite main de Liane dans la sienne, elle sortit de la pièce et marcha quelques mètres dans le couloir avant de pénétrer dans une pièce éclairée par une grande fenêtre. Trois personnes s'y trouvaient; deux étaient assoupis dans des fauteuil, la troisième était debout et regardait dehors.
«Vas-y ma chérie.»
-
Beltran n'était pas très sûr d'apprécier Thalyana. Elle avait ce petit côté "je sais tout" et amusé qui le tenait aux aguets, prêt à réagir à la moindre bêtise qu'il pourrait laisser échapper (ou que Liane trahirait, inconsciente de la situation dans laquelle elle pouvait mettre son père). La Guérisseuse était pourtant bien sympathique et elle semblait ne pas être gênée par la situation dans laquelle l'enfant les mettait - ou du fait de discuter de son enfant à naître avec le grand chef du géniteur. Il hocha la tête pour répondre avec simplicité:
"Plus d'honneur que Kalaïd? Dur à trouver." fit-il d'un ton légèrement amusé.
Il appréciait son lieutenant et sa ligne de conduite, souvent tellement semblable à la sienne qu'elle semblait complèter leur association de manière quasi parfaite. Il n'évoqua pas son intention de faire monter Kalaïd dans la hiérarchie, ni de lui confier des responsabilités grandissantes au sein de l'armée, mais il n'en pensa pas moins. Le soldat n'allait peut-être pas apprécier la dose augmentée d'administration à gérer mais Beltran avait besoin d'hommes comme lui pour mener sa guerre - et contrôler la paix.
Liane avait repris le monopole de la conversation, affirmant des choses étranges d'un air catégorique concernant l'enfant à naître. Beltran la regarda avec un sourire. Ne pas avoir peur des chats était une qualité nécessaire à toute jeune fille de bonne naissance, voyons. Il nota dans un coin de son esprit qu'il fallait vérifier à quel point le petit Adrian influençait sa gamine. Il n'avait aucun problème à ce qu'elle fréquente le Modifié si lui-même ne devait pas s'en occuper plus que cela. Les probables manipulations (douloureuses) magiques dont il avait été victime le rendait presque intolérable à regarder pour le Capitaine qui, pourtant, n'accordait guère d'importance à l'ethnie, l'origine ou l'ascendance des gens.
Liane continuait son numéro de charme sur Thalyana. La réponse à sa question lui plut.
"Alors je vais chanter comme Pluie elle chante avec moi. C'est tout doux, et ça aide à dormir. Ils sont moins tristes quand ils dort hein? Comme maman?"
Une fois sa main dans celle de Thalyana, Beltran était devenu une pièce négligeable. Liane trottina près de la Guérisseuse jusqu'à la salle de repos. Une fois lâchée, elle hésita. Elle ne connaissait pas les trois personnes et c'était des adultes. Elle ne put s'empêcher d'hésiter donc, méfiante. Elle se tendit vers les patients. D'aucun d'eux n'émanait de sentiment réellement négatifs - juste de la fatigue, un peu de tristesse, de culpabilité et de la douleur. Celui près de la fenêtre semblait s'ennuyer. C'est vers lui que Liane se dirigea. Doucement elle tira sur la manche de la vieille femme.
"Je chante pour toi d'accord? Comme ça tu es mieux?"
Elle prit la main de la patiente et lui sourit largement avant de commencer à entonner un air que Pluiechantante lui avait appris en kaled'a'in. La musique parlait des nuages qui jouaient dans le vent et énumérait les senteurs que le vent leur apportait. C'était plus une comptine d'enfant qu'un véritable chant mais il était léger, répétitif et joyeux. La vieille femme - une ménestrelle- se laissa faire puis fit installer l'enfant dans un fauteuil et lui proposa de lui apprendre d'autres morceaux.
Beltran resta à l'écart avec Thalyana. Il la remercia encore une fois de s'être occupée de Liane - puis il attendit de pouvoir récupérer son enfant et rentrer à la caserne. Cela prit pas mal de temps et le soldat se retrouva étrangement ému d'observer sa fille faire sa Barde à quatre ans dans une salle de repos.
[RP CLOS]