Aujourd’hui, pour le bibliothécaire, il y avait leçon d’écriture. Ce n’était pas la première fois et probablement pas la dernière qu’il servait de maitre de lecture pour adulte. La loi assurant l’apprentissage même aux plus basses naissances avait beau avoir été édictée depuis des siècles, il restait toujours quelqu’un pour y échapper d’une manière ou d’une autre. Barrn était alors là pour remédier au problème sans faire de commentaire ou chercher à connaitre la raison de cette ignorance. Il était plus important pour lui qu’on y remédie plutôt que de chercher à rabaisser celui qui ne savait pas. Ce n’était pas sa faute s’il ne savait pas quels étaient ses droits.
Ainsi donc, le kyree avait préparé, avec l’approbation d’Isabeau, une sélection de livre sur lesquels sa nouvelle élève et lui allaient travailler. N’ayant pas encore rencontré la jeune femme, il avait paré à toutes les possibilités, que ce soit sur ses capacités ou sur ses goûts. Quel intérêt d’apprendre à lire, si ce que l’on lisait ne nous était d’aucun attrait ? Pratique ou non, il fallait, selon Barrn, que la lecture puisse être un plaisir. D’autant qu’il était plus facile d’apprendre en s’amusant. Et il ne serait pas non plus dit que le bibliothécaire était un monstre du travail. Quoi qu’il en soit, la jeune femme n’avait rien à craindre de Barrn ou de ces leçons.
Son élève se présenta à l’heure dite à la bibliothèque. Barrn avait indiqué une heure à laquelle il savait que les lieux seraient peu occupés afin qu’ils puissent étudier en paix sans être dérangés pour une raison ou une autre. La jeune femme paraissait hésiter. Elle s’avançait timidement en regardant autour d’elle avec l’air de s’attendre à ce qu’on l’attaque par surprise.
Barrn quitta son siège où il consultait les registres, et se dirigea vers elle. Il annonça sa présence par un petit grognement qui pouvait être comparé à un léger toussotement humain, car ses pattes de velours ne produisaient aucun son sur le sol et il ne voulait pas faire sursauter sa visiteuse déjà hésitante.
Bonjour. Seriez-vous Soyara ? demanda-t-il poliment, bien qu’il soit pratiquement sûr de la réponse.
Barrn se rendit compte que l’humaine était apeurée bien plus qu’il ne l’avait deviné. Elle semblait le craindre. Nul doute qu’elle n’était pas habituée à côtoyer des êtres tels que lui. Cela, le kyree le comprenait parfaitement. Il n’y avait pas beaucoup d’individus de sa race dans la ville. Certes quelques uns évoluaient au Palais mais Soyara n’avait pas du les voir, ou peu, ou encore de loin. Les “gros chiens” pouvaient facilement faire un tel effet aux humains un peu frileux ou non familiers de tels êtres.
Elle sembla se reprendre cependant. Barrn avait-il rêvé ? Probablement pas. Mais elle devait être rassurée. Que cette peur soit une ombre du passé ou seulement une appréhension passagère vite effacée par l’air inoffensif du bibliothécaire, elle avait disparut. Etait-elle encore présente ? Cela par contre le kyree l’ignorait.
Dans le doute, Barrn préféra se montrer prévenant. Il n’approcha pas la jeune femme afin de ne pas lui faire peur et continua à lui parler d’une voix douce. Il ne pouvait guère faire autrement que de s’adresser directement à son esprit cependant, il savait que c’était déroutant pour ceux qui n’y étaient pas préparés mais n’y pouvait rien. Ainsi était sa nature et son Don.
Ne vous inquiétez pas, tant que nous parvenons à nous comprendre, l’accent n’est pas un handicap. Il ne fait qu’ajouter à votre personnalité.
Il se voulait rassurant et ignorait s’il y parvenait. Gratifiant l’humaine d’un sourire de kyree qu’il espérait être en mesure de la mettre à l’aise, il l’invita à le suivre d’un signe de tête.
Quant à me décevoir, là encore vous n’avez guère à vous en inquiéter. Dites vous que ce n’est ni pour moi ni pour votre maitresse que vous apprenez à lire, mais pour vous-même. Cela vous ouvrira de nouvelles perspectives.
Lui-même se souvenait avec plaisir de l’époque où il avait apprit à lire grâce à l’aide d’un vieil humain solitaire qui l’avait accueillit chez lui. C’était une des plus belles choses qu’il avait eut dans ce monde.
Le bibliothécaire se dirigea vers une table un peu à l’écart sur laquelle trônait une sélection de livres. Il prit lui-même place dans un siège adapté à ses besoins et désigna le siège à côté de lui pour que Soyara y prenne place.
Dites-moi, avez-vous déjà côtoyé un peu les livres ? Y’a aurait-il un type particulier qui vous attire ?