Valdemar RPG
Palais - Collegia => Collegia => Collegium des Guérisseurs => Discussion démarrée par: Héraut Irmingarde le 18 mai 2014, 21:25:00
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6ème jour de la 5ème décade de Printemps
Irmingarde ne se rendait pas souvent au Collegium des Guérisseurs. Quasiment jamais en fait. Elle jouissait d'une santé solide, et ne s'y rendait que pour faire le plein de pommades et potions diverses et variées pour soigner ses bobos d'apprentie Héraut, comme le reste de son cercle.
Mais aujourd'hui, c'était tout à fait différent. Elle avait promis à Isabeau d'aller voir une Guerisseuse pour lui demander un remède contraceptif, alors, elle respectait sa promesse. Même s'il lui avait fallut trois décades pour sauter le pas.
Devant la porte de Thalyana, elle respira un grand coup puis toqua, attendant qu'on l'invite à entrer.
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Thalyana avait passé un début de journée normal, ce qui était très surprenant, car depuis que la petite Liane l'avait adoptée, elle la retrouvait souvent sur sa route. Invariablement, chaque après-midi, elle découvrait la fillette caché dans une pièce ou l'autre de la Maison de Guérison. Invariablement, Beltran arrivait (avec moins de promptitude que la première fois cependant) pour la ramener à la caserne. Mais aujourd'hui, elle ne l'avait pas encore vue. Probablement Beltran s'était-il octroyé une journée avec sa fille. Il fallait profiter tant que la guerre n'était pas encore là. D'après Kalaïd, elle débuterait d'un jour à l'autre.
Elle s'était confortablement installée sur sa chaise, dans une position artistique, lovée dans sa robe verte de grossesse. Elle s'était résignée à ne porter plus que cela à la Maison de Guérison, et finalement, c'était plutôt confortable. Alors qu'elle prenait des notes sur ses patients du moment, on frappa à sa porte. Elle s'étonna. Elle n'avait pourtant rendez-vous avec personne, et elle n'était pas de garde. Elle referma son petit carnet.
«Entrez?»
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Quand Mina entendit "entrez", elle obéit sagement et pénétra dans le bureau de la guérisseuse Thalyanna.
Elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion d'avoir affaire à elle, ni même discuter. Bien sûr, elle savait qui elle était. Elle savait qu'elle était la compagne d'un des lieutenants de Beltran. Et comme elle avait des oreilles et qu'il était difficile de pas entendre les ragots de Fleur de Trevale, elle savait aussi qu'elle était enceinte.
Enfin ça, même sans l'avoir entendu, elle l'aurait tout de suite compris, parce qu'il était difficile pour la jeune Guérisseuse de le cacher à l'heure actuelle.
Bien, au moins, Irmingarde pouvait être sûre que Thalyana savait comme on faisait les enfants!
Mina s'avança et s’éclaircit la voix puis:
"Pardon, j'espère que je ne vous dérange pas je... on m'a... conseillé de venir vous trouver pour... pour un remède."
Elle resta debout à côté de la chaise devant le bureau de la verte, ne s'asseyant pas avant d'y être invitée. Ses mains étaient jointes entre elle, et elle tripotait ses doigts nerveusement.
"Mais enfin, vous semblez occupée, je peux repasser plus tard hein!"
"Plus tard genre... jamais c'est à ça que tu penses?" ironisa Ezarell.
"Rooh, chut!" ronchonna mentalement Mina.
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Une Grise poussa la porte. Thalyana l'identifia tout de suite, c'était Irmingarde, la dame de cœur du Capitaine. Sans raison, ses joues rosirent suffisamment pour que cela soit visible. Venait-elle pour l'engueuler d'avoir parlé de reproduction à Liane?
Un peu gênée, elle se rassit convenablement sur son siège et écouta la demande de la jeune femme. Puis elle lui indiqua la chaise et sourit.
«Non, je ne suis pas particulièrement occupée. Je prenais simplement quelques notes sur ma journée.»
Elle repoussa d'ailleurs son petit carnet et sa mine de plomb vers un coin de la table pour bien montrer qu'elle était disponible.
« Alors, un remède? Pour quelle... maladie?»
Vue la gêne qui se dégageait de la Grise, elle n'était absolument pas venue pour un remède comme on l'entendait habituellement. Ou alors la maladie devait être particulièrement inavouable. Elle se demanda qui avaic bien pu l'envoyer chez elle.
«Et si ce n'est pas indiscret, qui t'a envoyé chez moi?»
Par principe, elle tutoyait les gens de son âge.
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Un coup d'oeil suffit à Mina pour comprendre que Thalyanna savait qui elle était. Elle semblait même mal à l'aise. Qu'était-on allé lui raconter pour que sa simple présence la fasse rougir? Cela accentua son malaise.
En plus, dommage, la verte n'était pas assez occupée pour gagner du temps...
"Raté..." s'amusa Ezarell.
Alors Irmingarde prit place, se dandinant sur sa chaise, incapable de tenir en place correctement. Thalyana prit le parti de la tutoyer, donc elle fit de même, préférant répondre directement à le seconde question, histoire d'éloigner le moment fatidique.
"C'est mon amie Isabeau qui m'a conseillé de venir te voir."
Cette révélation fut suivie d'un long silence, on aurait pu entendre une mouche voler.
"Je... je suis pas malade. C'est juste que je suis... je vis... je fréquente quelqu'un, voilà."
"Ah mais oui, ça va être tellement clair pour elle!" ironisa son Compagnon.
"Grmph..."
"Et Isabeau m'a dit qu'il faudrait que... que je prenne des précaution. Pour ne pas... ne pas..."
Pour palier à son manque de mot, elle désigna le ventre rebondi de la guérisseuse. Ce n'était pas un geste insultant bien sûr, ni une critique.
"Alors je suis venue, mais dans les faits, je n'en ai pas vraiment... besoin. Mais comme on dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir, voilà..."
Voilà oui. Mina était rouge écarlate. Elle venait juste d'avouer à la compagne d'un des principaux Lieutenant de Beltran que celui-ci n'avait pas l'autorisation de lui faire l'amour. Et on dit bonjour à la coincée de service!
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Thalyana se demanda ce que Irmingarde avait à lui dire qui la gêne à ce point. Elle ne sembla pas vouloir rester tranquille sur la chaise.
Elle prit note de la réponse de la Grise. Isabeau? Pour quelle raison Isabeau aurait-elle envoyé qui que ce soit vers elle?
Le reste du discours fut plus laborieux. Irmingarde ponctuait chaque phrase d’un grand silence. Cependant, Thalyana comprit dès la première phrase de l’explication ce que la jeune fille était venue chercher auprès d’elle. Elle attendit la fin des aveux avec un sourire encourageant sur les lèvres. Mais elle ne put empêcher un léger froncement de sourcil quand la Grise expliqua qu’elle n’en avait pas vraiment besoin. Thalyana était un peu perdue. A la fois elle voyait Beltran, et on lui avait conseillé de se prémunir des grossesses indésirables, mais à la fois elle prétendait ne pas avoir besoin de contraceptif. Et elle était maintenant rouge écarlate d’avoir parlé.
Thalyana chercha un moyen délicat de résumer la situation.
«Donc, si je comprends bien. Tu fréquentes Bel... un homme. Pour le moment, vous n’avez pas eu de rapports sexuels, mais comme tu te dis que ça peut arriver - et on ne sait jamais quand ce genre de choses arrive - tu aimerais un contraceptif? C’est ça?»
Elle sourit.
« C’est bien d’être venue en parler. Et c’est effectivement plus prudent, si tu... euh... passes beaucoup de temps avec lui, de te prémunir contre ce genre d’incident» Elle pointa elle aussi son ventre. «En plus les herbes réguleront ton cycle.»
Elle s’interrompit, l’air songeuse.
«Tu as peut-être des questions que tu aimerais poser? A quelqu’un de ton âge qui ne soit pas une amie, et qui n’ira pas en parler plus loin?»
Irmingarde ressentait visiblement une certaine gêne sur la question. Ce qui était étrange, c’était qu’elle soit venue ici demander des contraceptifs tout en paraissant plutôt certaine qu’elle n’en aurait pas besoin. Ne comptait-elle pas... conclure avec Beltran?
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Sourire semblait être une seconde nature chez Thalyana, pourtant, à cet instant, son expression avenante la mettait encore plus mal à l'aise, parce qu'elle se rendait compte à quel point elle en était l’antithèse.
Plus gênant encore était le nom de Beltran qui avait faillit lui échapper mais qu'elle avait parfaitement entendu.
Elle hocha la tête et grommela:
"C'est ça oui..."
C'était bien d'être venue lui en parler?
"Oui, sans doute".
Qu'est-ce qu'elle pouvait rajouter de plus? Parler de la durée et fréquence de ses cycles? Elle n'en voyait pas vraiment l’intérêt.
"Des questions?"
Des questions, est-ce qu'elle avait des questions? Elle en avait des tas, et aucune qu'elle ne pouvait réellement poser, à part "je peux m'en aller?".
"Pas vraiment je... je ne vois pas trop, et il n'y a pas grand chose à en dire. Je sais comment ça marche, je pense que c'est suffisant..."
Ahah, oui bien sûr!
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Légèrement dubitative, Thalyana parvint tout de même à éviter une légère grimace.
« Tu es certaine ? Sens-toi libre de poser n’importe quelle question. Même les plus absurdes... »
Elle préféra ne pas insister là-dessus pour l’instant, pour ne pas risquer de braquer la jeune fille. Elle décida de revenir à un ton plus professionnel, et à des considérations plus professionnelles, elles aussi.
« Bon, pour ces herbes. Il me faudrait une estimation de ton poids. Pour savoir quelle quantité je dois te prescrire. »
Elle reprit son carnet et choisit une page vierge en haut de laquelle elle inscrivit ‘‘Irmingarde’’ de sa minuscule écriture.
« Ça se prend une fois par jour, de préférence à la même heure. Le plus simple c’est de mélanger les herbes avec de l’eau. Ce n’était pas très bon, mais pas imbuvable non plus. Sinon je sais que certaines les consomment sous forme de granulés d’herbes roulées, mais je n’aime pas trop. Il faut en prendre plusieurs, et la confection prend plus de temps pour l’herboriste. Je préfère prendre et prescrire la poudre. »
Elle s’interrompit et jaugea Irmingarde un instant.
« Dis-moi, tu connais vaguement comment fonctionne le cycle féminin ou pas du tout ? Tu as des règles régulières ou pas ? Désolée si mes questions te gênent, mais j’ai besoin de savoir. »
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"C'est gentil de ta part, mais vraiment... tu sais manifestement, comme le reste de Haven qui je fréquente, et je crois que les gens sont assez bavard à ce sujet pour aggraver les choses..."
Ce que venait de dire Mina ne serait sans doute absolument pas logique pour Thalyana, étant donné le secret médical instauré obligatoirement entre elles dans ce bureau, ajouté à la discrétion absolue de la jeune femme, et au respect de sa vie privée. Irmingarde le savait vaguement, mais ce déchainement de commérage sur son compte l'avait vacciné sur les confidences, au point de n'en parler à Isabeau que tard, et surtout pas aux autres. C'était déjà assez gênant d'être dans ce bureau, pour s'y rendre, elle avait rasé les murs.
Il y avait bien des nuances qui échappaient à la jeune femme. Par exemple, les gens n'allaient pas se mettre à colporter des ragots pour l'avoir vu ici. Parce que le commun des mortels ne faisait pas de supputation sur sa vie sexuelle, ou l'inexistence de celle-ci. Pour une personne lamdba, une jeune femme indépendante, à plus forte raison une apprentie Héraut, fréquentant un homme indépendant, qui dormaient ensemble certains soirs qui plus est, et bien... ils avaient forcément une vie sexuelle bien remplie. Et ce qu'elle avait dit à Isabeau au sujet de certains regards qu'elle croisait parfois était vrai. Il y avait de nombreuses personnes pour penser que la jeune femme, aussi Hold soit-elle, devait être sacrément experte dans ce domaine pour arriver à faire tomber le Capitaine de la Garde dans ses filets.
Bref, c'était le chaos dans sa tête.
Elle revint aux détails techniques, c'était bien ça, le technique:
"Je pèse 70 kilos, à peu près."
Elle acquiesça à son explication sur la posologie puis répondit à sa seconde question:
"Je sais que ça me tombe dessus tous les mois et que je m'en passerai bien. Pour le reste, non, je n'en sais pas plus que ça. Là d'où je viens, on ne donne pas de cours à ce sujet, la famille est juste ravie d'avoir une fille nubile à marier, quand c'est dans leur projet."
Ne serait-ce qu'imaginer une de ses belle-mère s'assoir face à elle pour lui expliquer "pourquoi son corps changeait" en détail lui donnait envie de rire. La première fois que Mina avait été indisposée, elle avait eut la peur de sa vie, elle pensait être malade, blessée, elle avait fondu en larmes. Et la seule réponse qu'elle avait eu était une serviette en coton de la taille d'une couche et une remarque glaciale: "Ca veut dire que tu peux avoir des enfants, mais dans ton cas, c'est inutile". On ne pose pas tellement de questions après une telle explication!
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«Assez bavards? Pour aggraver?»
Non vraiment, cela n’avait aucun sens pour Thalyana. Déjà parce que personne ne lui avait jamais parlé de Beltran et de sa nouvelle amie. Et elle ne voyait pas ce que des ragots pourraient aggraver. Elle s’abstint cependant de s’appesantir sur la question. Irmingarde semblait persuadée qu’on ne pouvait rien pour elle, et Thalyana n’allait pas la forcer à se confier.
«Merci...» Elle inscrivit le poids dans son carnet et effectua quelques rapides calculs.
La réponse suivante la laissa perplexe. D’où pouvait donc venir Irmingarde pour n’avoir été qu’une femme nubile à marier. Cette fois, Thalyana ne put retenir une grimace.
«Charmant... bon. Je te demande ça car il me semble important que tu comprennes ton corps. Et peut-être que ça t’aidera avec... d’autres soucis.» Elle se racla un peu la gorge. « Les règles... en gros, c’est ce dont ton corps se débarrasse quand tu n’es pas tombé enceinte, ce qu’il avait préparé pour accueillir un éventuelle fœtus. Donc tant que tu as tes règles, tu sais que n’es pas enceinte. Quand tu prends les herbes, tu empêches le fœtus de... se s’installer. Tu comprends? Donc si par hasard tu oublies de les prendre, ne serait-ce qu’un jour, tu laisses la possibilité à un bébé de s’installer. C’est... ce qu’il m’est arrivé. Même si Alder m’a dit en rigolant que c’était sans doute la volonté des Dieux, et que même si je n’avais pas oublié, je serais quand même tombée enceinte... enfin.»
Elle rosit. Il y avait une boutade qui circulait parmi les Guérisseurs: Si tu tombais enceinte avec les herbes, c’était soit que tu les avais oubliées, soit que les Dieux s’en étaient mêlé.
«Après... il y a des tas de pratiques pour lesquelles ils n’est pas nécessaire de se protéger. Donc, si tu te cantonnes à ce genre de choses, et que tu oublies, tu ne risques pas de tomber enceinte. Euh... tu vois de quoi je parle ou pas du tout?»
Elle était maintenant écarlate.
« Je suis désolée de te demander ça, mais... tu sais où tu vas avec Beltran? Tu sais qu’un jour il voudra... et j’espère que toi aussi tu voudras. Mais si une quelconque raison t’empêchait d’avoir envie, parce que tu as peur, que tu ne te sens pas prête, il n’y a pas de honte à avoir... Personne ne te jugera. D’ailleurs, malgré ce que tu sembles penser, personne ne parle de toi et de Beltran. Enfin, plus maintenant. Et surtout, les gens ne racontent absolument pas ce que tu penses qu’ils disent. Moi... moi c’est différent .J’avais eu un jour une conversation sur l’amour avec le Capitaine. Alors j’étais trop heureuse de pouvoir lui renvoyer ses stupides paroles à la figure...»
Le discours de Thalyana était flou. Mais elle ne savait comment dire à la jeune fille que personne ne se faisait d’idée sur ses soirées avec Beltran, et qu’elle n’était pas le sujet de conversation principal.
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Moui, de toute évidence, Thalyana ne comprenait pas ce que voulait dire Mina...
:Pas étonnant, tu ne te comprends pas toi même!: analysa son Compagnon.
La grimace de la guérisseuse quand elle parla de son éducation sexuelle plus que sommaire la fit légèrement sourire. Elle avait l'habitude que des choses évidentes pour certains lui soient totalement étrangère et elle s'expliqua:
"Je viens des Holds".
C'était la réponse universelle. Et cela expliquait beaucoup de chose quant au caractère de la jeune femme.
Elle écouta avec curiosité l'explication de Thalyana. Quand celle-ci parla de volonté des Dieux, elle grimaça. Qu'est-ce que ça pouvait la rendre folle l'intervention des Dieux dans la vie de tout le monde. Mieux valait pour eux qu'ils ne tentent pas de la transformer en incubateur géant quand... quand les choses deviendraient plus sérieuses.
Oh, Mina aimait beaucoup les enfants, elle les adorait. Elle avait un peu élevé ses nombreux petits frères et soeurs, elle s'était occupé des Pages. Les enfants l'enchantaient, ils étaient tellement innocents, tellement naturels. Mais elle n'en voulait pas. C'était une responsabilité trop énorme. Elle l'avait toujours su, et s'en rendait d'autant plus compte depuis que Beltran devait garder Liane. Sa fille était une petite fille joyeuse et adorable, un peu trop curieuse, mais mignonne. Et Mina fuyait volontairement toute possibilité de rassemblement "familial" avec elle et Beltran. Elle n'était rien pour l'enfant, elle ne voulait pas s'imposer. Tout ça l'effrayait.
"Tu ne sembles pas regretter cet oubli, conscient ou non, c'est l'essentiel. Quant à moi, je ne pense pas que j'oublierai, Dieux ou pas."
La suite du discours de Thalyana fit rosir la Guérisseuse, mais ce n'était rien à côté du teint de Mina qui était écarlate.
"Moui je vois exactement de quoi tu parles. Exactement."
Et encore, son embarras n'était rien à côté de celui qui suivit quand Thalyana lui posa des questions plutôt très privées. Par tous les Dieux, sérieusement, cette conversation devenait vraiment dangereuse... Pourtant, prise au dépourvu par la franchise de ces questions, elle répondit avec honnêteté:
"Désolée, je suis un peu paranoïaque, mais je déteste être le centre de l'attention, je l'ai été malgré moi, donc depuis... Et non, je ne sais pas où je vais, jusqu'où, ni comment. Je sais bien que ça arrivera, parce que, sérieusement, je ne peux pas lui demander de vivre avec moi une histoire platonique! C'est un homme... heu... expérimenté, pour qui le... le sexe est une bonne façon de montrer son... attachement."
Au nom de tous les Kyree des Pelagirs, dire une telle chose, à haute voix, elle en était mortifiée! Et encore, elle ne lui dit pas qu'elle avait aussi parfaitement conscience que de coucher avec Beltran n'était pas tellement une obligation, elle ne le voyait pas comme ça, parce que si elle écoutait son corps, ce traître était tout à fait partant pour la chose lui!
Dans un sens, Thalyana avait raison en proposant de répondre à ces questions du fait de son statut détaché. Mina ne pourrait jamais dire ça à Isabeau par exemple.
"Cela dit... tu as l'air de connaître Beltran, tu sais donc que jamais il ne m'obligera pas à faire quoique ce soit contre ma volonté. Mais je ne sais pas où je vais, non. Je sais que je suis là, à te demander ces herbes parce que finalement c'est une chose assez facile à faire, les prendre tous les soirs, ce n'est pas aussi important que... bref..."
Elle ne rajouta rien sur ce sujet, parce que ne savait pas quoi dire.
Elle préféra rebondir sur l'anecdote de la discussion que Thalyana avait eu avec Beltran:
"Quel genre de paroles stupides le Capitaine a-t-il tenu devant toi? Si tu as le droit de le dire?"
Elle ne voulait pas vraiment trahir des propos confiés sous le sceau du secret.
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Les Holds? Ça expliquait pas mal de choses. Même au fin fond de son village de bûcheron, elle avait entendu parler de cette ethnie aux moeurs totalement contraires à la philosophie du pays. Même parmi les plus conservateurs du village, aucun ne pouvait rivaliser avec eux en matière d’obscurantisme.
Quant à son oubli... non, maintenant elle ne le regrettait plus. Mais pendant les premières décades, elle s’était maudite, ainsi qu’Isabeau, pour ne pas avoir eu le cran de ‘‘faire le nécessaire’’.
« Non... même si au début, j’avais la ferme intention de ne pas le garder. Avec la guerre, Kalaïd au front, la solitude... Mais Isabeau m’a convaincue de la garder. Finalement, ça se termine plutôt bien. Et ne t’inquiète pas, si les Dieux veulent que tu tombes enceinte, ça arrivera, oubli ou pas.»
Malgré l’affirmation de la Grise, Thalyana doutait fortement qu’elle ai compris à quoi la Guérisseuse faisait allusion. Surtout si elle avait grandi chez les Holds. Mais il ne servait à rien de s’attarder là-dessus. Elle découvrirait sans doute assez tôt ces choses-là.
« Pis je doute que toi tu en aies envie... d’une histoire platonique. Ou je me trompe? Si vraiment tu étais certaine de ne jamais vouloir aller plus loin, tu ne serais pas venue ici. C’est donc que quelque part, tu en as envie, même si ce n’est pas pour tout de suite.»
Elle s’amusa que la Grise se sente obligée de défendre Beltran et son honneur. Évidemment, jamais Thalyana n’avait même songé que le Capitaine puisse contraindre de quelque manière que ce soit la jeune fille. Et elle était contente que Irmingarde se montre honnête. Par contre, elle s’empressa de la corriger sur un point.
«Si tu ... découches souvent, je te conseille de les prendre le matin. Simplement parce que après un bon dîner, un peu d’alcool, tu n’y penseras plus. Sans compter que tu n’as peut-être pas envie de devoir demander un verre d’eau juste avant de... enfin... pendant que vous prenez soin l’un de l’autre.»
Jolie manière de dire séances de baisers torrides et autres caresses sensuelles.
Puis la Grise détourna la conversation en lui demandant de lui rapporter les paroles de Beltran. Thalyana gloussa.
« Ce n’était pas une conversation médicale, si c’est ça que tu sous-entends. Non. J’étais allée dans son bureau pour lui demander de m’intégrer comme Guérisseuse dans ses troupes. Pour... enfin... pour ne pas être séparée de Kalaïd. Nous...» Elle sentit ses joues la brûler. «Nous sommes Liés. Et pour moi, c’est très difficile à vivre quand il est loin de moi. Bref... Nous avons eu une passionnante conversation sur le devoir, les Dieux et l’amour. Il a fini par me dire, d’un ton très dépité (je pense que ça n’allait pas fort entre vous à ce moment-là) qu’il doutait que l’amour soit une bonne chose. Alors tu vois, je n’ai pas pu m’empêcher de le chambrer quand je l’ai revu. Je veux dire... il me dit clairement que non, l’amour, très peu pour lui, et je le retrouve deux saisons plus tard à faire la cour en public à sa belle. Avoue que ça méritait quelques petits commentaires.»
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"Isabeau sait se montrer persuasive! Mais pour le reste, je préfère croire que je suis entièrement maîtresse de mon destin et surtout de mes choix. Je ne sais peut-être pas ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas."
Vu comment Isabeau avait réagit à sa remarque sur l'ingérence scandaleuse des Dieux dans la vie de tout un chacun, Mina n'était pas tentée de relancer le débat. Dans un pays où les cultes étaient si nombreux, et dirigé par des Hérauts qui plus est, les croyances étaient fortes. La jeune femme n'était absolument pas agnostique, elle avait ses croyances, ses certitudes, mais sa pratique religieuse était faible, trop mise à mal par son libre-arbitre et son caractère indépendant. Et elle avait beaucoup de mal avec ce fatalisme tranquille prôné par beaucoup d'habitants sur les interventions divines. Thalyana semblait partager ce sentiment général.
Tout ça n'empêchait pas Irmingarde de se détendre peu à peu. A la remarque de la guérisseuse sur ses envies enfouies, elle soupira et avoua du bout des lèvres quelque chose qui l'ennuyait beaucoup, même si elle doutait sur la jeune femme puisse lui proposer une solution.:
"C'est évident que je ne me suis pas engagée dans cette histoire à la légère. J'ai quelqu'un dans mon crâne qui s'est fait un plaisir de m'expliquer deux trois choses.."
:Roh, pourquoi ça me retombe dessus?: s'exclama son Compagnon.
:Parce que c'est faux peut-être?:
:Pas du tout!:
:Alors pourquoi tu te plains?: lui demanda Mina.
:Pour la forme.: répondit Ezarell avec un naturel désarmant.
Elle secoua la tête, amusée, et continua:
"Notamment tout un laïus sur les messages que faisait passer mon corps, qui était prêt à des tas de choses, contradictoires avec ce que je pense, ce qui se passe dans ma tête. Mais ça, c'était bien avant que les choses ne deviennent sérieuses, et j'avais oublié un élément capital..."
Mina se mordit les lèvres, réfléchissant à la façon de se confier sans passer pour une pyromane nympho.
"En plus de tout le reste, toutes les difficultés que je m'impose toute seule, j'ai un don dangereux, tu sais peut-être que je suis une Boutefeu. Et... et bien... mon don s'emballe un peu quand les choses deviennent sérieuses. Franchement, je risque de mettre le feu à son appartement dès qu'il me touche! Alors que que c'est relativement innocent pour le moment! Et laisser parler mon corps, ce serait risquer de perdre le contrôle, de déclencher un incendie! Ça complique encore plus les choses..."
Ouep, ils étaient plutôt mal barrés les tourtereaux, entre celle qui avait peur de ses propres réactions, et l'autre qui attendait une autorisation qui ne venait pas, s'interdisant de la brusquer.
La façon de Thalyana d'illustrer leurs soirées était assez poétique, et Mina acquiesça:
"Le matin donc, ce n'est pas un problème."
Quand la guérisseuse lui parla de son lien pour la vie, Mina se senti désolée pour elle. Elle la comprenait, dans un sens, elle-même liée à un Compagnon.
"J'imagine que ta situation n'était pas simple, il est inenvisageable pour moi d'imaginer être séparé d'Ezarell, je suppose que c'est un peu comparable."
Les Compagnons n'étant pas de simple chevaux, Mina espérait que cette comparaison ne serait pas comprise de travers.
"Quant au reste... Je n'ai pas été très... diplomate avec lui quand il m'a ouvert son cœur c'est certain..."
:Quand il a été incapable de cacher à quel point il voulait te...:
:Non mais ça suffit! Espèce de... dévergondée!:
"J'imagine, oui, qu'il n'était pas à l'époque d'un tempérament romantique. Et je comprends que tu ais été tenté de lui faire ravaler ses paroles. Juste punition pour s'être autant laisser aller devant toute une délégation officielle!"
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«Hum... tu as pensé à en parler à... un professeur de Don? Non, je ne pense pas. Et je comprends que tu n’en aies pas envie. Je...»
Thalyana était au fond une personne très rationnelle. Elle pensait qu’une bonne compréhension des mécanismes physiques aidait à mieux soigner, à mieux guérir et à mieux vivre dans son corps. Elle pensait aussi que si on expliquait les choses calmement, de manière posée et dénué d’émotion, on aidait le patient à comprendre sa situation, et qu’il trouvait ensuite plus facilement tout seul les moyens de contourner le problème. Dans ce cas précis, elle se doutait bien que cela ne suffirait pas. Irmingarde était trop prude pour oser même imaginer quelle pourrait être la solution.
« Ne te braque pas, s’il-te-plaît. Je ne fais pas ça pour te gêner, mais pour t’aider. Le désir... le désir est un sentiment puissant, et comme la peur ou la colère, il influe très étroitement sur nos Dons. Je t’assure que j’ai toutes les peines du monde à ne pas ressentir les émotions de Kalaïd quand... quand nous faisons l’amour.» Il fallait qu’elle arrête d’éviter ce mot. « Dans mon cas, cela ne prête pas à conséquence, parce que cela... euh... dirons-nous, m’encourage plutôt.» Elle était totalement écarlate. «Donc, je comprends parfaitement ton problème. Mais... ton Don est quand même plus dangereux que le mien... je me disais...» Elle prit une grande inspiration. « Tu sais qu’on dit que le désir, c’est comme le feu, il peut brûler. Il est parfois lent à démarrer, mais une fois qu’il s’est embrasé, on ne peut l’éteindre qu’en arrêtant de le nourrir. Tu me suis? Donc en fait, toi ce que tu fais, c’est que tu le nourris continuellement, sans jamais arriver à cours de combustible. Euh... tu vois ce à quoi je fais allusion? Bref, je crains qu’à force de te retenir, tu emmagasines une telle énergie sexuelle qu’effectivement, tu feras tout brûler. Alors évidemment, si tu le souhaites, je peux te recommander un Guérisseur ou quelqu’un qui te donnera des cours de relaxation, de contrôle des émotions. Mais... mais cela ne règlera pas le problème de fond. Je ne vois que deux solutions - et aucune n’implique que tu arrêtes de voir Beltran, ce serait presque pire - soit tu fais ça avec lui... soit tu fais ça seule. Il n’y a pas besoin de pénétration, je précise. Il suffit juste que tu fasses retomber la pression... bref, que tu te fasses plaisir...»
Thalyana venait de parler masturbation et pratiques sexuelles annexes. Elle n’en revenait pas. Ces derniers temps, il lui semblait qu’elle passait son temps à parler de sexualité, d’abord avec Liane, puis maintenant avec Irmingarde. Bientôt, elle en était certaine, Isabeau viendrait la voir pour lui demander comme faire pour sa nuit de noces. Sans parler de tout ceux qui lui demandaient quand elle avait trouvé le temps de tomber enceinte, elle, une fille si sage, si prude.
Elle raconta donc son entrevue avec Beltran, et elle fut presque soulagée que la Grise trouve ses moqueries justifiées.
«Oh, moi je l’ai trouvé très touchant, humain pour une fois. Il est si froid d’habitude. Si carré. Si honorable... Je pense que les hommes ont apprécié de voir que leur Capitaine est un humain comme les autres.»
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"En parler à un Professeur? Comme Jalena? Oh non, c'est déjà assez difficile d'en parler ici, j'en serai incapable! "
Elle imaginait la scène: "Bonjour Jalena, dis-moi, avant même de m'apprendre à mettre le feu à toute sorte d'objet, je voudrais que tu me dises comment ne pas cramer Beltran quand il a les mains baladeuses...". Par tous les Dieux, c'était ridicule!
Quand Thalyana commença à lui proposer une solution en commençant par lui demander de ne pas se braquer, cela eut bien sûr l'effet contraire. Mina se tendit, attendant la suite qui ne tarda pas à venir. Elle devint rouge tomate quand la guérisseuse lui parla de sa propre vie sexuelle avec Kalaïd. Sérieusement? Elle allait être incapable de ne pas les imaginer la prochaine fois qu'elle les verrai ensemble! Et puis, le plus grand risque des étreintes de Thalyana et du Lieutenant étaient de redoubler leur propre plaisir en se le renvoyant à la figure, pas de se cramer! Ce que la verte admettait, d'ailleurs.
Elle écouta la suite, au départ, avec grand intérêt. Parce qu'après tout, son analyse se tenait parfaitement, d'un point de vue technique. Même si elle avait bien du mal à s'imaginer débordante d'énergie sexuelle, elle! L'idée lui donna envie d'éclater de rire. Franchement, elle?
De la relaxation? Pourquoi pas, le principe la séduisait, même si on en revenait au problème de base, celui de devoir expliquer pourquoi elle devait se calmer. Elle s'imaginait, au milieu d'un groupe de relaxation, à devoir se présenter et s'expliquer. Après une femme expliquant qu'elle avait besoin de relaxation parce qu'elle avait peur de la guerre ou de la mort, elle devrait expliquer, elle, qu'elle devait faire des exercices sur elle-même à cause de son appétit sexuel dévastateur. Ah ah...
Par contre, le reste de la discussion la laissa... perdue. Mais de quoi parlait Thalyana? En dehors de la proposition de s'envoyer en l'air histoire que ce soit fait une bonne fois pour toute, merci du conseil, elle ne comprenait absolument rien. Retomber la pression, de quoi toute seule, comment? Mais qu'est-ce qu'elle racontait?
Sa perplexité se lit sur son visage et elle balbutia:
"Désolée mais... je vois pas de quoi tu parles. Ca me fait déjà plaisir quand je suis avec lui."
Dans son crâne, elle sentit la consternation manifeste de son Compagnon qui, cependant, ne prit pas le risque de lui expliquer pourquoi.
Quant à la discussion autour du caractère de Beltran, Irmingarde haussa les épaules:
"Tant mieux si grâce à ça il gagne un peu d'humanité auprès de sa caserne, même si je pense qu'il n'en a pas besoin, il es très respecté habituellement, le reste, c'est un détail."
Un ensemble de détail qu'elle aimerait garder dans leur sphère privée.
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Thalyana poussa un profond soupir
« Pourquoi ça tombe toujours sur moi?» marmonna-t-elle.
Elle regarda Irmingarde, un peu las.
« Bon... tu as déjà expérimenté le désir, d’après ce que j’ai compris. Mais visiblement, tu n’es pas allé très loin dans tes découvertes...» Elle leva les yeux au ciel. «On m’avait toujours dit que les Hérauts étaient des débauchés... même si ce n’est pas le cas, je m’attendais quand même à ce que tu aies eu quelques discussions de filles...»
Comment expliquer le désir, la libido, les préliminaires et la masturbation à une fille aussi... ignorante. Thalyana tritura un peu les plis de sa robe, cherchant la meilleure manière d’aborder le sujet.
« Faire l’amour, ce n’est pas seulement l’acte de pénétration. Il y a des tas de choses autour: les baisers, les caresses, les euh... hum...» Elle n’allait pas y arriver. «Bref, différents moyens de se montrer son affection. Mais ces différentes marques d’affection peuvent euh... être localisées différemment en fonction de l’effet désiré.» Elle jeta un regard désespéré à Irmingarde. «Je ne suis pas certaine d’être plus claire, là en fait. Bon.» Elle prit une grande inspiration. « Si tu ne te sens pas prêtes pour la pénétration, tu peux satisfaire ton désir et ton appétit par d’autres pratiques... que ce soit Beltran qui te les prodigue, ou toi-même. Je me doute bien que cela te fait déjà plaisir de passer du temps avec lui... ce dont je te parlais, c’était de ressentir un plaisir plus euh... charnel. Après, je me dis que jamais tu n’oserais demander ça à Beltran... j’imagine qu’il faudra qu’il découvre ça tout seul... Reste, du coup, que tu pourrais soulager toute cette tension sexuelle toi-même. Par... euh... des caresses? Il n’y a rien de honteux ou de choquant là-dedans. Presque tous les hommes s’y adonnent, et pas mal de femmes, bien qu’elles aient plus de peine à l’admettre.» Elle s’interrompit. «Sérieusement, tu n’as jamais découvert par toi-même que si tu te caresses dans certaines zones, c’est agréable? Par exemple en te lavant?»
Elle-même avait découvert relativement jeune les merveilles de son propre corps. Malgré sa gêne vis-à-vis du sujet, elle n’avait jamais ressenti de honte à agir ainsi. Après tout, c’était son corps, elle en faisait ce que bon lui semblait.
«Je pense que c’est une bonne chose d’explorer son propre corps. Et comme ça, tu découvriras par toi-même ce que c’est, vraiment, le désir, l’envie... et peut-être tu comprendras mieux ce que j’entends par énergie sexuelle, et pourquoi je dis que tu l’emmagasines constamment. Personnellement, je te conseille...non. Je te prescris un long bain seule, pour découvrir un peu ton corps. Sérieusement, tu ne peux pas ignorer à ce point ton corps. Je me doute que ton éducation Hold n’est pas la seule raison de cette ignorance, mais cela ne me regarde pas...»
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La consternation d'Ezarell fut de toute évidence partagée par Thalyana, et Mina ne put s'empêcher de répondre:
"Ben quoi?"
Zut quoi, c'est vrai, c'était si grave de pas comprendre le sens de ses conseils?!
"Les hérauts des débauchés? C'est pas totalement faux, dans la mesure où nous risquons nos vies, alors beaucoup veulent vivre la leur... intensément. En tout cas c'est l'idée. Après, des discussions de filles, j'en ai entendu quelques unes, pas trop le choix, ça bavarde beaucoup au Collegium. Pour autant, je ne vois pas de quoi tu parles."
Elle fronça les sourcils, attentive, quand Thalyana se mit en devoir de lui faire un cours sur la sexualité. Cela faisait longtemps qu'elle avait baissé les bras en imaginant pouvoir retrouver un teint d'une couleur normale.
Toutes ses explications sur la pénétration, les caresses, elle voyait assez bien de quoi elle parlait. La pénétration, parce qu'elle savait parfaitement comment l'acte sexuel était censé se dérouler. D'ailleurs, rien que d'y penser, elle en avait des sueurs froides. Bien malgré elle, elle connaissait Beltran par cœur. Et franchement, y'avait de quoi avoir peur!
Les caresses parce qu'elle en avait effectivement entendu parler parmi les étudiants gris, même si ça restait flou. Là où Thalyana avait raison, c'est qu'il était inimaginable qu'elle demande ce genre de chose au Capitaine, et lui ne ferait rien sans qu'elle l'y autorise, autant dire qu'il étaient bien au pied du mur.
Non mais... une minute... Thalyana parlait réellement de se caresser... seule? Quoi?! Et si elle n'avait jamais remarqué que ça pouvait être bien?
La jeune femme considéra sérieusement l'idée de se lever et de sortir du bureau, sans dire au revoir, histoire d'aller se cacher dans un coin.
"Heu... en se lavant, on se lave non, qu'est-ce que tu veux faire d'autre? Et dans les Holds, l'eau est précieuse, et un bain dure tout au plus quelques minutes, mieux vaut être rapide et efficace, si on ne veux pas finir par être récuré au gant de crin parce qu'on est pas assez propre. J'ai jamais vraiment eu le temps de... partir à la découverte de mon corps, non."
Ah, les Holds, une fabrique à frustrés!
"Me prescrire un bain? Pardon? Pourquoi?"
Bon, la lumière commençait par se faire dans sa tête. Très mal à l'aise, elle avait une idée de ce que suggérait la Guérisseuse. Et c'était...
"Hors de question."
S'il y avait des choses que Mina ne savait pas, il y en avait qu'elle savait parfaitement. Par exemple, avec son passé et la seule expérience - non consentante- qu'elle avait eu, elle savait que découvrir sa sexualité serait très difficile. Et que celui a qui incomberait cette tâche ardue serait important pour lui. Et que quand elle trouverait cette personne, elle s'en remettrait entièrement à lui. C'était important, et symbolique.
"J'ai choisi de lui faire confiance, et de me confier à lui, il est hors de question que... j'expérimente des choses dans mon coin, toute seule. Le but de la chose s'est pas de se faire plaisir mutuellement?"
Bonjour, je m’appelle Irmingarde, et je suis une incorrigible romantique sans le savoir. Et totalement à côté de la plaque, aussi.
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« J’ai parlé de découvrir ton corps. Pas de prendre ton pied avec la brosse pour le dos...» Elle rougit. «Pardon. Mais je voulais dire prendre le temps de le regarder, de le toucher, d’explorer. De comprendre.»
Thalyana venait de prendre la décision d’aller parler à Beltran. Elle préparerait un discours qu’elle réciterait sans s’interrompre, sans le regarder dans les yeux, puis repartirait aussi vite que possible. Puis elle se cacherait pendant une décade au moins, pour ne pas risquer de le croiser. Il fallait qu’il y aille doucement avec elle. Mais il fallait qu’il avance. Sinon ils n’iraient nulle part, et Irmingarde perdrait le contrôle.
Elle soupira bruyamment à la réflexion de Mina.
« Oui, le but est bien de donner du plaisir à l’autre, mais aussi d’en avoir. Et je t’assure que tu donnes énormément de plaisir à l’autre en ressentant du plaisir. Même sans Empathie. Or, ressentir du plaisir, ça s’apprend, malgré tout ce que ces crétins de Bardes essaient de prétendre. Aucune première fois n’est génial, et la deuxième est rarement mieux. Je t’assure, je me souviens parfaitement, pour moi c’était il y a moins d’une année. Et moi je connaissais les aspects techniques, mais aussi ceux plus... euh... bref. Donc je ne te parle pas de te masturber toute seule régulièrement. Je te parle d’explorer, de tester, sans forcément aller plus loin que la simple constatation ‘‘ça j’aime’’ et ‘‘ça j’aime pas’’. Tu comprends? Je conçois que l’idée de pratiquer seule ce que tu considères comme devoir se faire à deux te gêne. Très bien. Mais, par les Dieux, sais-tu au moins à quoi ressemble cette partie de ton corps? Si tu préfères, je te fais un schéma et je t’explique à quoi correspond chaque élément du dessin. Mais cela ne remplacera jamais la connaissance que tu peux acquérir en t’y intéressant par toi-même. Et il n’y a pas que l’entrejambe à explorer. Beaucoup de femmes aiment qu’on leur caresse les seins, ou les cuisses, ou derrière les genoux. Ça, effectivement, tu le découvriras mieux avec l’aide de Beltran. Mais pour ton sexe, je suis désolée de te dire que les hommes ont beau prétendre s’y connaître, ils ne s’intéressent qu’à un aspect très précis. Donc Beltran ne pourra jamais t’expliquer ce que tu ignores.»
Thalyana se leva soudain. Elle avait besoin de marcher. La petite venait de bouger dans son ventre. Or cela ne faisait que depuis la veille qu’elle avait commencé à manifester sa présence. Aussi la Guérisseuse n’y était toujours pas habituée. Et cela la mettait toujours dans un état de surexcitation bizarre.
«Dis-moi Irmingarde. T’es-tu déjà regardée nue dans une glace? Pas en coup de vent. As-tu déjà pris le temps d’observer ton corps en détail? Parce que ça aussi, c’est important. Connaître son corps, accepter sa propre nudité. Tu sais bien, j’imagine, qu’on fait l’amour nu? Que tu verras Beltran dans toute... toute...» Elle avait les joues en feu. «Dans toute sa splendeur.» Elle fixa Irmingarde. «Si tu refuses de suivre mon conseil et de prendre un bain, fais au moins ça. Prends un quart de marque, seule avec un miroir. Si je me souviens bien, il y a un très grand miroir dans la salle de bain des officiers. Va là, personne ne l’utilise en journée. Tu te déshabilles, et tu te regardes. Tu observes. Tout ton corps, chaque parcelle. Ça a l’air débile, je sais. Mais vu que tu es visiblement très mal à l’aise avec toi-même, je pense que c’est un début raisonnable. Peut-être qu’ensuite ça te fera moins peur de... faire connaissance avec toi-même de manière plus approfondie.»
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L'expression d'Irmingarde méritait qu'on l'immortalise, au minimum. Un sourcils levé, le regard totalement étonné, la bouche légèrement entrouverte...
Elle se rendait bien compte que sa totale ignorance commençait à énerver Thalyana. Mais pas dans le sens méchant, bien sûr. Juste que la Guérisseuse tombait des nues et ne comprenait pas comment on pouvait en arriver à un tel stade de pudibonderie. Elle se sentit tout de même vexée:
"Bien sûr que je sais à quoi je ressemble, je me suis déjà regardée dans une glace tout de même! "
Elle ne répondit pas à ses paroles sur ce que Beltran lui ferait découvrir, ou pas. C'était déjà bien assez gênant de l'imaginer face à elle, parce que ça la... secouait de l'intérieur. Comme quand il la touchait alors qu'il n'était même pas dans la pièce. Curieux.
"Et voir Beltran nu ne sera certainement pas une nouveauté pour moi, au cas où tu l'ignores, et ce n'est pas quelque chose qui a été crié sur les toits, lors de notre mission, quand Beltran a failli brûler, il s'est retrouvé sans vêtement, sans aucun vêtement. Et je suis restée avec lui en attendant les secours, donc je sais, je me souviens parfaitement..."
Elle déglutit.
"Mais si tu insistes, si tu trouves ça important, je veux bien aller me planter devant un miroir..."
Et avoir l'air totalement ridicule, eut-elle envie de rajouter.
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Thalyana était en effet un peu exaspérée. Comment pouvait-on être aussi obtus? Elle en avait vue des patientes pudiques, mais à ce point, cela frisait le ridicule. D’autant que Irmingarde ne semblait rien écouter de ce que la Guérisseuse lui disait, et que le peu qu’elle entendait, elle le rejetait en bloc.
«Je te parle pas de te regarder dans une glace, mais de t’observer et de d’étudier. Tu fais exprès de tout comprendre comme ça t’arrange?»
Thalyana continua à faire les cents pas alors qu’elle écoutait Irmingarde qui lui assurait qu’elle avait déjà vu Beltran nu. Nu peut-être, mais pas nu comme Thalyana l’entendait.
«A nouveau, j’ai pas dit seulement nu... je voulais dire en érection.» Cette fille possédait-elle un traducteur automatique qui lui retranscrivait la conversation comme cela l’arrangeait?
Elle se caressa le ventre en soupirant. Elle ne devait pas s’énerver. Vu l’état de ses barrières, elle allait contaminer Irmingarde, et tout ceci finirait très mal. Le plus simple à ce stade était d’aller parler à Beltran... voire de lui envoyer quelqu’un. La Kestra’chern peut-être? Non, elle ne pouvait pas, à cause de la confidentialité de cette conversation. En parler avec Beltran était limite, mais il était directement concerné.
«Ce qui est important pour moi, c’est que toi tu te sentes bien dans ton corps, que tu acceptes ton désir et que tu avances. Ah... et que tu libères un peu cette tension sexuelle avant de mettre le feu. Mais j’imagine que tout ce que je t’ai dit, tu vas l’oublier sitôt la porte passée. Je ne vais donc pas m’acharner.»
Elle retourna derrière son bureau. Elle se pencha pour écrire une note dans la dernière page du carnet qu’elle déchira.
«Tiens, donne ça à l’herboriste. Il te donnera ce qu’il te faut. Après il te suffira de repasser le voir pour qu’il te redonne le remède.»
Elle tendit le papier à la jeune fille.
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La tension était palpable et Mina se braqua. Elle savait que c'était un dialogique de sourd mais...
"Thalyana... Tu analyses les choses à la lumière de ce que tu sais, de ton expérience, de la façon dont tu aimerais que les choses se passent, dans un monde idéal. Ca ne me choque pas, parce que c'est ton travail, ta raison de vivre et je vois bien que tu ne veux que m'aider mais... je ne comprends pas de travers! J'ai vécu seize ans de ma vie dans les Holds, j'ai été élevée par des femmes dont aucune n'était ma mère, pour qui je n'étais qu'une bâtarde, tout juste bonne à les seconder pour les tâches qui les répugnaient! Et elles ne m'ont pas appris ce qu'était le corps d'une femme, le sexe, et encore moins le plaisir, parce que cette notion là est inexistante pour elles! Tu penses que ça existe les mariages heureux là d'où je viens? Je n'en ai jamais vu. Là-bas, on ne fait pas l'amour, on se reproduit, et on sert de... réceptacle à l'homme tout puissant, quand ça le démange, c'est tout, qu'on soit d'accord ou non d'ailleurs. On ne vaut pas plus qu'un meuble! Comment veux-tu que je sois à l'aise après une telle éducation? Ce n'est pas parce que j'ai entendu mes condisciples parler de sexe que ça devient plus évident pour moi, que je suis pas terrifiée lorsque Beltran me touche. C'est limite si je ne rentre pas en combustion spontanée, et je ne sais PAS comment contrôler ça! Parce qu'en plus, mon corps me pousse à lui sauter dessus comme une... bref..."
Elle croisa les bras comme une enfant vexée. Elle était en colère aussi, un peu contre elle-même en même temps. Et quand elle était dans cet état, elle était dramatiquement honnête:
"Et je suis pas sotte, je sais ce que c'est, une érection, et oui, je l'ai vu aussi, voilà. Il était habillé, mais y'avait aucun doute à avoir, ça a été à l'origine de sacré problèmes d'ailleurs, et c'est sûrement après ça qu'il t'a dit à quel point l'amour était inutile."
Quand la guérisseuse lui dit qu'elle allait sûrement se foutre de ses conseils, Mina s'énerva à nouveau:
"Pour qui tu me prends? J'ai écouté tes conseils, et je ne vais pas les oublier parce que j'en ai envie... Mais franchement, franchement, qu'est-ce que tu espères? Que je vais sortir d'ici et aller me tripoter dans un bain parce que tu me l'a prescrit? Je suis une abominable coincée, prude, ignorante, je suis comme ça, et Beltran le sait. C'est déjà un grand pas pour moi de venir chercher ces plantes, parce que ça veut dire que j'envisage sérieusement les choses..."
Elle attrapa d'un geste sec la prescription que Thalyana lui tendit.
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«Comme une femme amoureuse. Tu allais dire quoi? Chatte en chaleur, pute? Tu vois, c’est ça que j’essaie de te faire comprendre. Le problème c’est que tu renies ton désir, que malgré toi, je pense, tu persistes à le voir comme quelque chose de mal. Alors je comprends parfaitement que ton éducation, ta vie ne t’ait guère permis de t’épanouir sur la question. Mais là... admets déjà que tu en as envie et que CE N’EST PAS QUELQUE CHOSE DE MAL!»
Elle trouvait plutôt sain que la Grise ce soit énervée, bien qu’elle déteste les cris. Au moins, elle disait les choses, les expliquait. Et ce faisant, elle réfléchissait sans doute plus qu’on se contentant de bafouiller non en rougissant.
Elle regarda Irmingarde avec un sourire navré.
«Désolée... j’étais énervée parce que tu me donnais l’impression tout rejeter en bloc sans même prendre un instant pour l’envisager. Et tu crois que c’est facile pour moi à cause de ma profession... Ça n’a rien avoir. Ce n’est pas facile pour moi! Tu crois que j’aime parler de ça? Que je suis à l’aise? Que je n’ai jamais eu de craintes, d’angoisses, d’idées débiles sur la question? Être Guérisseur ne t’apprend pas à être à l’aise avec ça. C’est simplement que je me suis laissé la possibilité d’envisager des choses que j’aurais rejeté en bloc il y a une année encore. Tu sais où je suis née? Dans un minuscule village paumé au milieu de la forêt. Là-bas, il n’existe ni contraceptif, ni éducation sexuelle, ni personne pour te renseigner. Certes, les femmes bénéficient d’un minimum de respect de la part de leur mari, mais elles sont cantonnées à des travaux domestiques, et ne s’en plaignent pas. Ma mère... elle ne m’a jamais parlé de tout ça. Et mon père... sais-tu qu’il m’a dit qu’il allait tuer Kalaïd pour m’avoir mise enceinte sans m’avoir épousée? Et encore, ils sont plutôt ouvert d'esprit par rapport aux autres. Ce n’est pas parce que la capitale est avancée que le reste du pays l’est partout. Alors non, Irmingarde, ce n’est pas un sujet facile pour moi...» Elle s’interrompit un instant. «L’éducation que tes parents te donnent, tu as le devoir de la rejeter en grandissant, si elle ne te convient pas. Mais pour cela, il faut déjà admettre qu’elle était mauvaise, inappropriée. Puis... et bien, il faut s’autoriser des comportements qu’ils auraient réprouvés. Changer ses schémas de pensée, c’est difficile. Mais Irmingarde, commence déjà par accepter que le désir n’est pas quelque chose de mal. Quand je t’entends parler, j’ai l’impression que tu te résous à envisager de faire l’amour comme on consent à se faire arracher une dent...»
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En fait, Irmingarde était la raison même de vivre des Kestracher'n. Le genre de personne pour qui un orgasme serait juste libérateur et changerai sa vie.
"Je sais, je sais que ce n'est pas mal... Qu'est-ce que tu crois? Je sens que c'est... agréable, tellement que je pourrais le laisser m'embrasser des heures entières! C'est addictif, j'en crève tellement d'envie que ça me consume! Et je déteste ça, parce que ma tête n'est pas du même avis que mon corps, je suis déchirée. Je n'ai aucun contrôle et je déteste l'idée de me laisser totalement aller."
Puis Thalyana lui raconta son passé à elle, son histoire. Mina comprenait ce qu'elle voulait dire en comparant leur enfance, leur éducation. Elle lui disait en gros qu'elle n'avait pas à subir son éducation, à la porter comme un fardeau, qui l'empêchait de vivre.
"Tu sais alors à quel point c'est difficile d'aller à contre-courant, de briser toute l'éducation qu'on a eu. Je n'ai jamais aimé mon enfance, ni l'éducation que j'ai reçu, mais ça fait parti de moi. Je dois me battre contre une partie de moi-même, ça ne se fait pas du jour ou lendemain, et ça ne deviendra pas évident parce que je m'observe sous toutes les coutures. Et quand je t'écoute parler d'à quel point les première fois ne sont pas franchement fabuleuses, tu avoueras que tu ne vends pas du rêve."
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«C’est si mal de se laisser aller? Si tu as confiance en Beltran, est-ce que ce serait si mal?»
Impressionnant comme une bonne séance de cri avait délié les langues! Même si elle détestait ça, Thalyana devait avouer que parfois, cela avait du bon.
«Je ne dis pas que magiquement tu t’accepteras et tu renieras ton éducation en faisant simplement ça. Il n’existe pas de solution miracle. Je te propose simplement de commencer par quelque chose de simple, est-ce si difficile à comprendre? Et tu préférerais que je te raconte n’importe quoi? Comme ces crétins d’étudiants Bardes qui te vendent du rêve dans leur chanson? Je te préviens pour que cela ne t’arrête pas, pour que tu ne te dises pas: ‘‘Merde, ça marche pas.’’ Alors peut-être n’en avais-tu pas besoin, mais c’est le rôle de Guérisseur de rappeler certaines choses, même les plus débiles. On ne prend pas nos patients pour de débiles, contrairement à ce que beaucoup pensent. On répète simplement ce qui ne doit pas être oublié. Entre nous aussi, tu sais? Quand j’ai été voir quelqu’un pour ma grossesse, on m’a rappelé les débilités d’usage, celle que je redis moi aussi à longueur de temps: prendre du repos, surveiller sa santé, gnagnagna...»
Thalyana sourit. Elle était maintenant rassurée. Mais elle irait quand même discuter avec Beltran.
« Bon... je suis contente que malgré nos incompréhensions, nous soyons finalement parvenus à nous comprendre un peu. Je te propose quelque chose, libre à toi de ne pas le faire. Reviens me voir, d’ici une dizaine. On parlera à nouveau, quitte à crier pour finir par réaliser qu’on parle la même langue. Je ne promets pas de ne pas m’énerver, ou ne de pas te donner de conseils qui te paraîtront débiles. Mais je serai là pour t’écouter, si tu as besoin, pour te pousser à parler si je sens que tu en as besoin. Je ne vais pas te poursuivre. Si tu viens pas, je serai déçue, mais tu ne seras pas la première à me faire faux bond. Et puis ce sera aussi l’occasion de me dire comment tu supportes les herbes, et si je dois revoir le dosage. D’accord?»
Elle lui tendit une main conciliante.
«Parfois les désaccords ont du bon, je trouve. Finalement, j’ai compris ton problème, et j’espère que tu as écouté un peu de ma solution. Même la petite s’est senti obligée de participer en danser une gigue endiablée dans mon ventre. Dis-moi... tu es Hold, je parie que toi tu sais tricoter des vêtements de bébés. Tu veux bien me montrer? Mes résultats sont pitoyables, et ma mère habite trop loin...»
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"Ce n'est pas naturel chez moi. Le lâcher-prise. Et j'y travaille. La première fois que Beltran s'est trop approché de moi, il s'est pris un coup de genoux là où ça fait mal, très mal. Donc crois-moi, ça s'est nettement amélioré. Mais je te promets que je retiens ce que tu m'as dis. Comme tu dis, c'est ton rôle. Je reviendrais dans une dizaine, je m'y engage."
Elle accepta de lui serrer la main en souriant. Elle avait fini par réussir à trouver un compromis. Mina aimait bien Thalyana finalement. Pas qu'elle ne l'aimait pas avant, mais disons que le début de l'entrevue avait été houleux.
Puis la Guérisseuse lui demanda son aide.
"Tricoter? Ça fait longtemps que je ne l'ai pas fait et je n'étais loin d'être une artiste, je te préviens. Mais si tu as du matériel je peux te montrer les bases. Quand on connait le principe, le reste va tout seul. Bon, au début, ce le résultat sera pas fantastique, te fais pas trop d'illusion, mais tu as encore un peu temps."
Dans son crâne, Ezarell ricana:
:Tient, en voilà un conseil qu'il te serait judicieux de suivre. Tu te rends compte que tu es en train d'appliquer au tricot la méthode qu'elle te conseille pour ton couple?:
:Pardon mais tu es en train de comparer le sexe à des aiguilles à tricoter?:
:Précisément, mais c'est une image, une métaphore vois-tu...:
:Je t'en ferai bouffer des métaphores moi...:
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Imaginer Beltran se prenant un coup dans les parties fit rire Thalyana. Pauvre homme. La douleur et l’humiliation avaient probablement refroidi ses ardeurs pour un temps. Il avait dû être sacrément amoureux pour revenir vers elle après un non aussi ... percutant.
« D’accord. Tant mieux. Je n’aime pas lâcher les gens dans la nature avec des prescriptions, même aussi communes que celle-ci.»
Thalyana se rassit à son bureau, contente que tout le monde dans la pièce se soit enfin calmé.
« Je connais les bases... enfin, je crois. Mais j’ai jamais rien tricoter d’autre que des couvertures. Alors faire des chaussettes ou des cols, franchement, ça dépasse de très loin mes compétences. Et je ne cherche pas à faire des choses extraordinaires, juste des vêtements. Sérieusement, vu leur durée de vie, cela ne sert à rien de les faire trop beaux.» Elle sourit. « Mais je n’ai pas le matériel avec moi. Ce sera pour la prochaine fois je pense.»
Elle avait trop honte de ses piètres tentatives pour même envisager de les prendre avec elle ici. Elle avait sa fierté. Elle ne savait pas trop pourquoi elle s'acharnait à vouloir faire les vêtements de la petite elle-même. En ville, des tas de gens achetaient ce genre de choses. Mais là d'où elle venait, il était parfaitement infamant de ne pas être capable d'accomplir parfaitement toutes ces tâches de parfaite épouse.
« Je ne vais pas te retenir plus longtemps... j’imagine que tu es restée bien plus longtemps que tu n’imaginais. Alors bon courage avec Beltran et salue bien Isabeau de ma part. Tu peux lui dire que j’attends sa visite à elle avec impatience. Même si je me doute bien que jamais elle n’aurait le courage de venir parler de tout ça.»
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De toute évidence, imaginer le preux Capitaine de la Garde plié en deux par une douleur cuisante à l'entrejambe fut amusant pour Thalyana. Pas tellement pour Mina, pour qui ce souvenir était attaché à d'autres autrement plus mauvais, mais malgré tout, le rire de la Guérisseuse était communicatif.
"Si tu sais faire des couvertures, alors c'est que tu as assimilé le principe, après tout est question d'imagination et de... géométrie dans l'espace. Quand on a compris comment joindre une partie à une autre, ça devient plus facile."
:Ahahah...:
:Oh ça suffit, espèce d'esprit mal placé!:
"Pardon, j'étais en train de rabrouer mon Compagnon, mais si tu vois beaucoup de Hérauts, je suppose que tu as l'habitude. Bref, tu as raison, je ne crois pas qu'un bébé ait besoin de vêtements originaux ou très travaillés, si je m'en tiens à mes souvenirs, ses vêtements vont surtout servir d'éponges à vomi et autre éléments liquides encore moins appétissant..."
Oui, elle se souvenait parfaitement du nombre incalculable de fois où ses frères et sœurs lui avait joyeusement vomit dessus, et pire. Pas vraiment une période qu'elle regrettait. Encore moins qu'il lui donne envie de devenir mère. En dépit de toute la tendresse qu'elle avait eu pour ces enfants, avant qu'ils ne deviennent... de parfait petits holds!
"Garde ton matériel à portée de main, je te montrerai quand je reviendrai, si tu en as le temps. Je passerai le message à Isabeau, bien sûr."
Mina se leva, commença à partir, puis se retourna pour ajouter:
"Ah et au fait heu... merci."
Tous ces conseils était à présent dans sa tête, et les cartes dans ses mains. C'était à elle de jouer.
[RP CLOS]