Valdemar RPG
Valdemar => Arrière-Pays => Discussion démarrée par: Héraut Irmingarde le 30 juillet 2016, 12:44:09
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9eme jour de la 1ère décade d'Hiver 1482
Même dans ses rêves les plus dingues - et Mina se laissait rarement aller à la rêverie - jamais la jeune femme n'aurait imaginé être là, à dos de Compagnon, sur les routes, à côté de sa... de sa cousine Isabeau, partie à la rencontre de sa famille maternelle.
C'était aussi fou que le jour où elle était allée voir le doyen pour l'informer qu'elle prenait - pour la première fois! - des congés pendant le solstice d'hiver, pour raison familiale.
Toute cette histoire, malgré la mise en garde de Wylan au sujet des potentiels problèmes de sa famille, lui laissait un goût d'irréel assez prononcé. Elle n'arrivait tout simplement pas à y croire.
Dès son retour de mission à Iftel, Mina n'avait pas vraiment laissé le temps à Isabeau de se reposer, et lui avait sauté dessus pour lui apprendre la nouvelle. Là encore, elle n'était pas du genre à sauter sur les gens, mais les circonstances étaient pour le moins exceptionnelles.
Une fois passée le frénésie de la confirmation de leur lien de parenté, plusieurs projets avaient été lancés pour aller rendre visite aux Sadare dans le Nord.
Irmingarde avait songé à écrire pour annoncer son arrivée, mais certains obstacles avaient surgis. Tout d'abord ses difficultés avec l'écriture. Bien sûr, elle avait appris à lire et écrire depuis son arrivée à Haven, mais il lui manquait, et lui manquerait toujours peut-être, cette facilité pour écrire une lettre qui vient de l'habitude. Elle ne savait pas construire ses phrases, choisir ses mots. Si elle était réservée, elle préférait encore parler à voix haute.
Et puis... elle avait très envie de les surprendre. Ne pas leur laisser le temps de réfléchir à un petit discours pour se disculper par exemple, pour observer leur réaction, sur le vif, qui lui en apprendrai assurément beaucoup.
Et enfin et surtout, pour ne pas leur laisser l'occasion de l'ignorer. Elle ne demandait pas à être reconnue, pas plus qu'être accepter à bras ouvert, mais elle voulait au moins les voir, pour achever de rendre ça réel. Si il la rejetait pour de bon, que ce soit face à face. Elle n'était plus un nourrisson incapable de répondre. L'avenir avec ou sans eux lui importait peu pour le moment.
En option, on pouvait aussi ajouter les suspicions de Wylan à leur encontre. S'ils avaient des choses à cacher, intentionnellement ou non, elle ne souhaitait pas qu'ils sachent qui elle était, à savoir une apprentie Héraut fréquentant notoirement Beltran de Greenhaven, Généralissime de Valdemar...
La route avait été longue, même à dos de Compagnon. Waymeet était tout au nord de Valdemar, plus haut que la région natale de Wylan et Beltran. Mina avait d'ailleurs observée avec curiosité les alentours de cette ville. Devant restée sur la route commerciale du nord, elle n'avait pas bifurqué vers là-bas toutefois.
Le chemin leur avait laissé l'occasion de tester les relais de Hérauts pour y dormir, et l'expérience avait été plutôt sympathique pour les toutes nouvelles cousines, comme un avant goût de leur rôle de Héraut. L'hiver était rigoureux, mais elles étaient équipées pour y faire face.
Cependant, Mina n'était pas fâchée de voir arriver le bout du chemin, l'avant-veille, elle avaient - enfin! - dépassé la route de Hevensbek.
Elle tourna la tête vers Isa, juchée sur Betha, et soupira:
"Je dois avouer que je ne serai pas fâchée d'arriver à destination, j'ai l'impression que mon derrière s'est gelé à jamais..."
L'amitié qui la liait à la De Girier s'était encore renforcée par ce voyage presque plus que par le lien de famille. Isabeau, alors qu'elle revenait d'une longue mission, n'avait pas hésité une seconde à l'accompagner sur les routes pour la soutenir.
Isa, si tu veux bien

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Ce n'était un secret pour personne qu'Isabeau avait la fibre familiale. Dés son arrivée à la court, elle avait œuvré sans relâche pour la gloire de l'affaire familiale Elle avait convaincu plus d'une Dame d'adopter les parures De Girier. Puis, elle était devenue héraut. Et même là, elle avait continué à soutenir cette famille qui lui avait donné naissance. Elle avait même réussis à accrocher les bijoux familiaux au coup de la Princesse Consort. La presque-Reine de Valdemar.
On l'entendait souvent cracher sur la fainéantise des parties nobles de son arbre généalogique. Mais même vis a vis d'eux, elle avait toujours aidé ses nombreux cousins quand ils en avaient besoin. Elle critiquait son père pour les soutenir financièrement, mais finalement... La Famille, c'est la Famille.
Aussi quand elle avait découvert que les salopard qui avaient envoyé une pauvre gosse grandir dans les holds étaient de sa famille, elle avait d'abord faillit s’étouffer de rage Mais elle avait alors sa tante De Girier devant elle et elle ne voulait pas la laisser comprendre ça. En rentrant au palais, après, elle avait été prise de l'envie de faire son sac et de foncer à Waymeet pour leur hurler dessus. Mais elle avait des devoirs et elle s'était contrôlée. elle s'était raisonnée. Oui, C'était mal, ce qui était arrivé à Mina, mais maintenant Mina était une héraut heureuse. Elle avait surmonté les épreuves, avait une vocation et s'était même trouvé un bon... pas-mari. elle s'était donc concentrée sur la joie de voir l'une de ses proches amies devenir sa cousine.
Une fois de plus, les cousines avaient donc emprunté la route du nord. Mais pour une destination bien plus proche cette fois. Et sans la traversée du Mur de Glaces. Avec une future reine enceinte. Ah... La mission à Sironis...
Mina se plaignit d'avoir froid aux fesses. Isabeau, adossée à Rinnerl roulée en boule sur la croupe de Bethaniel, gloussa.
"Tu veux que je te prête ma bouillotte?"
Ladite bouillotte sortit la tète de son poil pour râler mentalement après des deux Grises.
Nan. Faudrait déplacer ma selle et je devrais attendre par terre. Dans la neige. J'ai pas de bottes, moi! C'est froids!
Isabeau gloussa de nouveau et ressortit sa carte. Elles venaient de dépasser le dernier bled du voyage, c'était là que commençaient les indication de son père Il s'agissait d'arriver au manoir et non à je ne sais quelle ferme. Elle laissa passer deux chemins d’accèses puis engagea Bethaniel dans un troisième chemin, a coté d'un grand sapin.
"D’après les indications de Papa, on y est, plus de croisement, plus de possibilité de se paumer, on suit la route du pin unique et c'est au bout..."
Non non, elles s'étaient pas du tout paumé ce matin. Du tout. D'ailleurs, tout le monde avait juré le silence.
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Il fallait bien avouer que la boule de poil d'Isabeau avait ses avantages. Mina se demandait parfois ce que deviendrait Rinnerl, quand elle aurait atteint sa taille adulte.
Kun' avait fini par repartir sur les routes, estimant que sa protégée avait trouvé sa place et n'avait plus besoin de son soutien. Elle espérait le revoir un jour au gré de ses futurs voyages en tant que Héraut.
Enfin, tout ça pour dire que le convoi Isa/Betha/Rinnerl n'était pas commun, mais gardait ses fesses au chaud.
Mina eut un rire léger devant la remarque mentale de Rinnerl, typiquement celle d'un Kyree aimant son petit confort. Puis elle rit franchement de la réflexion mentale que lui fit Ezarel et qu'elle partagea à Isabeau:
"Eza me dit qu'elle est navrée de ne pas avoir l'option arrière-train chauffant, mais que c'était une idée à prendre en compte pour la prochaine génération."
Puis elle regarda avec intérêt Isabeau lire la carte. La tâche de les diriger avait été dévolue à la jeune De Girier, mais elle ne s'y entendait pas beaucoup mieux que la Hold, et ce n'était pas peu dire! Elles s'étaient promis, en rentrant, de redoubler d'effort en Géographie. Ce n'était pas sérieux, pour de futures Héraut, que de ne pas connaître les routes d'un pays qu'elles seraient peut-être amenées à arpenter pour y faire appliquer la justice royale.
Quant Isabeau lui confirma qu'elles arrivaient à destination, le ventre de Mina se serra d'appréhension, d'angoisse, de stress. Ca y était. Bientôt devant elle apparaîtrait son passé!
Elle crut que le froid qu'elle ressentit plus durement était du à l'appréhension, mais se rendit compte que le vent s'était brusquement levé, et pire, qu'il se mit à charrier des flocons de neige qui se multiplièrent à une vitesse alarmante.
Mina lâcha un juron bien senti et ajouta, désabusée:
"Sérieusement? C'est une vengeance du ciel parce que je me suis plainte d'avoir froid aux fesses?!"
Elle leva la tête et voulu regarder le ciel mais s'en trouva empêchée par la neige qui s'infiltrait dans ses yeux. Trop impatiente d'arriver, et occupée à trouver la bonne route, Mina avait négligé de porter attention au temps, et n'avait pas vu le ciel blanc hivernal se charger de nuages.
:Vous avez de la chance d'arriver à destination. Si une tempête nous tombe sur le nez, nous n'aurons pas besoin de chercher de toute urgence un abri. Certains sont morts comme ça: réagit Ezarel.
:Oh, merci, vraiment... Tu n'as rien vu arriver non plus!:
:Mais je suis un Compagnon moi, pas un Chirras!:
Mina envoya à Ezarel l'équivalent d'un roulement des yeux mental. Le Compagnon était aussi pressé d'arriver et de disposer d'une écurie convenable pour se réchauffer et se montrait un peu grognon.
"Je crois qu'il serait bon d’accélérer Isa, la neige a l'air tenace!"
Ah ça, pour être tenace! La force des chutes de neige s'était encore accrue, et le vent dirigeait les flocons dans leur visage, ralentissant leur avancée. Mina resserra le haut de sa veste autour de son cou, et le bas de son visage, et Ezarel accéléra la cadence pour tenir en rythme rendu difficile à tenir à présent.
Fort heureusement, comme l'avait annoncé Isa, elles étaient arrivées. Mina ne vit le manoir qu'au dernier moment, à cause de l'épais rideaux de flocons qui rendait la vision très mauvaise.
C'était un manoir d'une construction très classique, celui qui l'avait fait construire n'avait pas cherché à se distinguer particulièrement. De taille moyenne, en pierre, des fenêtres étroites offrant peu de prise au vent qui pouvait être - comme elle s'en rendait compte présentement - assez violent. Il semblait disposer de quelques moyens de défense, sûrement dû à la proximité de la forêt des Chagrins et de ses légendes pouvant effrayer ses voisins.
Mina aurait été bien incapable d'en dater la construction, car le bâtiment était en mauvais état, à n'en pas douter. Wylan avait évoqué un revers de fortune, et cela se voyait directement sur la demeure seigneuriale, même a demi-cachée par la neige qui s’amoncelait déjà sur les toits dont de nombreuses tuiles en ardoise étaient fissurées. Vu la saison, le lierre qui courrait le long de la façade ouest était à l'état de racine mais n'avait pas été entretenu, et les ramifications végétales s'étendaient bien au delà de leur place habituelle, s'accrochant parfois aux vitres. Les buissons et l'étendue d'herbe devant le manoir souffrait du même manque d'entretien.
Il était assez clair que jamais les Sadare n'aurait pu faire croire à un visiteur qu'ils vivaient dans l’opulence.
Isabeau avait évoqué la générosité de son père envers ses cousins Nobles, et Mina comprenait pourquoi. Sertan De Girier était peut-être un commerçant, mais il jouissait de trois fois plus de confort grâce à son talent, son sens du commerce, et ses enfants habiles à lui faire de la publicité.
Finalement, Mina s'arrêta au pas du portail rouillé qui donnait sur l'espace "vert" et le Manoir, n'osant pas aller plus loin. Ce n'était même pas par timidité, celle-ci étant provisoirement étouffée par le froid mordant qui engourdissait ses sentiments secondaires pour ne se concentrer que sur les besoins plus vitaux, du genre se réchauffer, mais par politesse. On ne rentrait pas n'importe comment chez les gens.
Normalement, leur arrivée avait du être remarquée et elle espérait que quelqu'un viendrait à leur rencontre, ou elles finiraient transformées en deux congères géantes, et ce n'était pas franchement une perspective encourageante!
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Isabeau gloussa en voyant son amie râler contre le temps:
"Probablement. Tu nous à porté malheur à force de râler..."
Ça amusait beaucoup Isa d'entendre son amie râler depuis quelques kilomètres Ça pouvait paraître paradoxale, la fermière qui râlait plus du temps et du froids que la citadine, mais Isa était prête à parier que plus que le froid, c'était la nervosité qui faisait râler sa cousine. Et elle pouvait comprendre. Elle serait dans un état de nerf pas possible, si elle avait été à sa place. Mais aussi nerveuse qu'elle soit, Mina était encore pleine de bon sens. Elle suggéra qu’elles accélèrent, et Bethaniel approuva en accélérant la cadence.
Lorsque le rideau de neige se déchira, Isabeau fut saisit de surprise. Elle était venue une fois, ici, quand elle était enfant. Elle en avait un souvenir très flou, car elle était très jeune. Mais grand dieu, elle s'en serait souvenu, si le toit avait été dans cet état. Et son père aurait payé la réfection Ça devait être plus récent
"Grand Dieux..."
Mina s’arrêta poliment à la grille, mais Isa n'hésita pas une seule seconde. De base, dans la tempête, peut de chance qu'on entende la cloche. Ensuite, elle voyait d'ici que le câble de la cloche était cassé. rien ne servait de tirer dessus. Elle se pencha pour ouvrir la grille, laissa passer son amie et referma derrière elle. Bethaniel fit encore quelques pas puis mis pied à terre avant de monter les marches du perron.
"C'est partit, hein?"
Elle monta souplement les trois marches et actionna le heurtoir.
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Nils, le majordome à tout faire des Sadare, avait vu la tempête se lever. Encore une. Depuis le début de la mauvaise saison, la région était constamment prise dans les orages, et, maintenant que la température s'y prêtait, dans les tempêtes de neige.
Avec l'aide la cuisinière il avait commencé à allumer des feux dans les chambres à coucher. En temps normal, il ne le faisait qu'en fin de journée, car la famille passait le plus clair de l'hiver dans le Petit Salon, la seule pièce du manoir vraiment agréable par temps froid. Elle était en plus facile à chauffer, car, outre sa petite taille, elle était dotée de minuscules fenêtres à l'ancienne et d'une très grande cheminée. En cas de tempête, Nils préférait allumer les feux le plus tôt possible pour éviter que les courants d'air de refroidissent l'entier de la bâtisse.
Il en était à la dernière chambre quand on actionna le heurtoir. Il laissa donc la cuisinière terminer et se hâta d'aller ouvrir. Celui qui se trouvait derrière la porte ne méritait pas qu'on le fasse attendre plus que nécessaire sous la neige.
«Je vous en prie, entrez, entrez! Ne restez pas dehors par ce froid.»
Il avisa alors un chien au pied des deux inconnus. Et quel drôle de chien! Il hésita quelques instants. Le chien de la maison était bien au chaud dans les écuries. Aucun risque que ces deux-là se rencontrent. Il ne fit donc aucun commentaire quand il entra lui aussi. Puis il avisa les Compagnons.
« J'appelle Dick pour montrer l'écurie à vos Compagnons.»
Il tira un cordon situé à quelques pas de la porte et quelques instants après un jeune homme apparu dans l'encadrement de la porte.
« J'm'en occupe tout'suite.»
Il fit un signe en direction des Compagnons et les guida vers l'écurie, marchant respectueusement un pas devant eux.
Le majordome referma la porte.
«Donnez-moi vos capes. Je vais les mettre à sécher à l'office.»
Tandis qu'il débarrassait les deux demoiselles de leur vêtement lourd de neige, il put observer leur tenue et leur visage. Saisi d'un doute, il avisa la médaille de la plus petite des deux et il sourire illumina son visage.
«Oh, mais si ce n'est pas la petite Isabeau, je suis prêt à prendre ma retraite!» Il héla la cuisinière qui descendait les marches. «Berta, va prévenir Monsieur et Madame que la fille de Sertan de Girier est venue nous rendre visite!»
Il fit signe aux deux Grises de le suivre dans la pièce d'à côté et il les installa devant le feu. Il leur servit d'autorité une tasse de thé très fort et sucré.
«Qu'est-ce qui vous amène ici, Mademoiselle Isabeau? Je vous que vous avez eu la sagesse de vous faire accompagner d'une amie. En hiver, c'est plus prudent.»
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[Je poste en premier avec l'accord de Mina.]
Le temps que quelqu'un réponde à la porte, Isabeau attrapa la bourse accrochée à l'avant de sa selle et l'accrocha à sa ceinture. Elle contenait des petits riens inutiles comme un peu d'argent, le chemin pour trouver la maison ou ses cartes de visite. Rinnerl en profita pour descendre de la selle directement sur les marches du perron. Telle un chat, elle se pressait contre le battant et a l'instant même ou celui-ci s'ouvrit, elle se glissa a l'intérieur avec une souplesse très féline qui contrastait avec son apparence désormais très lupine.
"Rinnerl! Tes manières!"
Pardon.
Mouais... Ça avait l'air bien peu sincère, ça... Mais elle adressa un grand sourire au majordome qui les invitait de toute façon à entrer.
"Merci! Le temps tourne à une vitesse dans la région..."
Elle n'eut même pas le temps de demander l'asile aussi pour leurs Compagnons que le vieux (pour Isabeau) domestique chargea un valet de conduire les Compagnons au chaud.
"Ah parfait. L'hospitalité des Sadare est toujours aussi parfaite."
D'autant que, sauf erreur de sa part, il ne les avait pas encore identifiées comme faisant partie de la famille. Elle en tous cas. Mais quand il les débarrassa de leurs capes et que le regard du domestique se fixa sur sa gorge (sur le médaillon, bande d'obsédés), Isabeau vit la lumière se faire dans son esprit.
"C'est bien moi! Je suis flattée que vous m'ayez reconnu, voilà bien longtemps que je ne suis pas venu."
Les deux grises, bien à l’abri de leurs capes réglementaires n'avaient pas encore trop souffert de la tempête. Ce fut néanmoins très agréable de suivre le domestique dans la pièce chauffée et de se laisser servir un thé qui sentait le sucre avant même qu'on le goute. Elle ôta ses gants d'équitation pour blottir ses mains autour de la tasse.
"Eh bien, je viens les entretenir d'affaires de famille. Je m'attendais à ce qu'ils viennent passer l'hiver au chaud à Haven, mais apprenant qu'ils ne viendraient pas, j'ai décidé que si la montagne ne venait pas à Elspeth, ce serait Elspeth qui irait à la montagne!"
(A Mina) Enfin quand je dis que je viens les entretenir d'affaires de famille...
Le ton vocal était enjoué, le ton mental était gentiment ironique.
"Je vous présente mon amie Mina, élue d'Ezarell, qui a eu la bonté de m'accompagner."
Elle avait faillit dire Irmingarde, c'était plus correct pour une présentation, mais, ne sachant pas si le nom de Mina ne venait pas de sa mère, elle n'aurait pas voulut sortir le chat du sac trop tôt. Le surnom était mieux pour garder un chouia d'anonymat à la Boutefeu.
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Quand Isabeau lui confirma que ses râleries les avait condamné à subir la neige, Mina ronchonna:
"Et après on s'étonne que je sois pas porté religion..."
Le froid et l'arrivée soudaine de la neige les fit accélérer, et Isa ne s’embarrassa pas à rester derrière le grillage et pénétra dans la propriété. Après tout, se dit Irmingarde, elle était presque chez elle ici. La jeune femme suivit son amie volontiers, pressée d'être au sec sinon au chaud. Descendre de Compagnon la fit gémir le temps que les fourmis dans ses fesses daignent s'en aller.
Assez rapidement, un homme d'un certain âge, un domestique, vint leur ouvrir et leur proposa de rentrer dans trop se poser de question, uniquement soucieux que les nouveaux arrivés ne prennent pas froid. Malgré elle, Mina tiqua de la facilité avec laquelle on pouvait entrer chez les Sadare et le fit savoir mentalement à Isa.
:Okay nous sommes des apprentis Hérauts et donc on peut nous faire confiance, mais on rentre quand même ici comme dans un moulin!:
Pas étonnant alors, dans ces conditions, qu'ils puissent avoir quelques menus ennuis, d'après Wylan.
Un jeune homme qui devait être le palefrenier les rejoignit pour s'occuper des Compagnons avec respect. Mina passa sa main dans la crinière d'Ezarel et lui souhaita de passer un bon moment au chaud. En général, les Compagnons étaient extrêmement chouchouté à l'extérieur de Haven.
Enfin, elle suivit Isabeau et le domestique à l'intérieur. Alors qu'on les débarrassait de leurs capes glacées et humides, et qu'Isabeau était reconnue comme la fille de Sertan, le regard de Mina s'accrochait partout, tous les meubles, les tableaux, les détails. C'était idiot, parce que rien ne pourrait lui rappeler quoique ce soit, puisqu'elle avait quitté cet endroit à seulement quelques semaines...
Mina n'avait pas vraiment eu l'occasion de voir Isabeau évoluer au milieu de siens, des gens de son rang. elle était remarquablement à l'aise, et Irmingarde se sentait d'autant plus gauche.
Poliment, elle trempa ses lèvres dans la tasse de thé et fit mine d'aimer. En réalité, elle détestait le thé aussi sucré, mais elle appréciait spontanément le domestique. Elle lui sourit alors qu'Isa lui faisait sa remarque ironique mentale.
Puis Isabeau fit les présentations, lui laissant la possibilité de se présenter sous son nom complet, si elle le voulait. D'après Wylan, la vieille cuisinière était certaine de ce qu'il était arrivé, mais elle ne savait pas ce qu'il en était de l'homme en face d'elle.
Elle préféra garder cette information pour plus tard.
Un de ses yeux était sans cesse fixé sur les portes d'entrée du petit salon, alors qu'elle réchauffait ses mains autour de la tasse, et son corps près du feu ronflant.
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«Je n'aurais jamais pu oublier une enfant aussi charmante que vous!» la complimenta-t-il avec un sourire.
Pendant que les jeunes femmes se réchauffaient au coin du feu, il fouillait un coffre à la recherche de chaussons d'intérieur fourrés pour les deux jeunes femmes. Il finit par trouver ce qu'il cherchait et revint près d'Isabeau. Sans rien dire, il leur présenta les deux paires de chaussons puis répondit à la jeune noble.
« Oui. Cette année ma Dame ne se sentait pas assez en forme pour voyager, alors Monsieur a galamment proposé que tous restent ici. »
Il avisa le gros chien qui avait suivi les deux jeunes femmes. Il faillit faire une remarque, mais celui-ci vint s'installer près de feu sans s'ébrouer. Il se souvenait vaguement d'une histoire concernant la jeune de Girier et un jeune loup qu'elle aurait recueilli. Ce devait être l'animal en question.
Quoi qu'il en soit, tant que l'animal restait dans cette pièce, qui était plus ou moins l'office où les trois domestiques de la maison passaient leur temps libre, cela ne poserait aucun problème.
« Je suis certain que sieur Sadare sera ravi de vous voir. Et j'espère que les affaires familiales qui vous amènent ici ne sont pas trop graves.»
Tandis qu'il finissait sa phrase, la cuisinière entra dans la pièce les mains chargées d'une assiette débordant de tartines.
« Mon Seigneur et Ma Dame vous recevront dans le Petit Salon quand vous vous sentirez prêtes à les y rejoindre» annonça-t-elle gaiement. Sous-entendu: quand les deux femmes auraient cessé de dégouliner partout.
Elle continua sa course vers les deux jeunes femmes. Puis elle s'arrêta brusquement. Ses yeux s'agrandirent.
« Dieux!»
Ses jambes se dérobèrent et elle s'effondra au sol. L'assiette, étonnamment, ne se brisa pas, et seules une ou deux tartines finirent leur courses sur le dallage.
«Berta!»
Le majordome l'avait rejointe et l'éventait.
« Cette silhouette... ces cheveux!» murmura-t-elle faiblement en pointant Irmingarde du doigt.
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Quand le domestique s'approcha d'elle avec des chaussons d'intérieur, les sourcils d'Irmingarde se haussèrent de surprise. Elle n'avait pas l'habitude d'autant de prévenance.
Puisque visiblement c'était normal, elle retira ses bottes fourrées en grimaçant, remua ses doigts de pied près du feu quelque secondes et les glissa dans les chaussons avec un soupir ravi.
:Je vais me plaindre à Beltran qu'il ne m’accueille pas comme ça quand je vais le voir dans ses quartiers, le faux noble!:
Ou pas. Galant comme il l'était, il serait capable de le faire.
Le thé n'était pas à son goût, mais avait le mérite de la réchauffer, et de lui donner le coup de fouet.
Quand le domestique évoqua la gravité des affaires qui les amenaient, Mina lança un coup d’œil significatif à son amie, sans toutefois prendre la parole. L'appréhension lui nouait le ventre et la rendait encore moins loquace que d'ordinaire.
Elle entendit des pas s'approcher et une montagne de tartine apparut avant que Mina n’aperçoive derrière le visage d'une femme d'un âge certain qui devait être la cuisinière. Ignorant la nourriture - de toute façon, elle aurait été bien incapable d'avaler quoique ce soit - elle fixa la cuisinière, et celle-ci stoppa nette sa course en lâchant une exclamation de surprise. Puis elle en tomba au sol!
Cela aurait pu être drôle, d'autant plus que l'habile cuisinière avait réussit à ne perdre dans l'affaire que deux tartines dont Rinnerl se régalerait sûrement, si Mina n'avait pas été aussi surprise aussi, renversant du thé brûlant sur le bas de son pantalon gris, depuis son genoux droit jusqu'à son pied. La brûlure qui suivit fut extrêmement douloureuse et la jeune femme glapit en sautant sur ses pied, tirant sur le tissus pour qu'il se décolle de sa peau certainement brûlée. Mais elle ne se laissa pas le temps de se plaindre plus longtemps, trop intéressée par la réaction de la domestique.
Elle se doutait qu'elle devait ressembler à sa mère, puisqu'elle ne tenait de son père que son teint olivâtre et ses yeux marrons (enfin elle n'avait pas poussé l’enquête plus loin, parce qu'elle n'avait pas vraiment le droit de dévisager son père). Mais elle ne pensait pas que la ressemblance fut si flagrante pour qu'elle saute aux yeux de la cuisinière.
Elle avait pensé que son prénom aurait pu, éventuellement, mettre la puce à l'oreille des Sadare, mais de toute évidence, il y avait bien plus évident.
L'émotion la submergea un instant, et elle fut heureuse d'avoir profité de son long voyage jusqu'ici pour travailler son bouclier, selon les conseils de Wylan, afin que rien ne lui échappe.
Enfin, Mina se leva, passant devant Isabeau à qui elle lança un regard mi inquiet, mi amusé, et s'accroupit près de la cuisinière, récupérant le plateau de tartine et questionnant:
"Mhh... Berta c'est ça? Vous allez bien?"
Elle avait initialement prévu d'être distante, mais impossible de rester de marbre devant l'émoi d'une domestique qui ne lui avait rien fait.
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"Mon Oncle a toujours été aux petit oignons pour ma Tante. J’espère qu'elle se remettra vite."
Hypocrite. Si la pauvre femme allait mal, elle n'était pas sure que lui ramener sa petite fille renier lui fasse du bien... Et elle n'avait aucune honte. karma, tout ça... si tu veux pas que ta petite fille de 20 ans revienne te voir pour te demander des comptes, tu l'abandonne pas à sa naissance dans un village de bouseux connus pour leur mépris des femmes et le mariage des enfants. C'est le minimum.
Nils lui en demanda machinalement plus sur les affaires qui la menait ici. Isabeau haussa les épaule.
"Il n'y a pas mort d'homme, ne vous en faites pas."
On pourrait cependant argumenter sur mort de femme. y avait il prescription pour la mort de Kylbeth?
Sur ce, une autre domestique entra, annonçant que les maîtres de maison les recevraient bientôt. Paaaarfait. Puis elle s'effondra de surprise. Interloquée, Isabeau resta à l'écart, laissant Nils et Mina se mettre au chevet de la pauvre femme. Étant trop loin, elle n'entendit pas le murmure de la vielle dame. elle se tourna alors vers Rinnerl et son ouïe incomparablement meilleure que la sienne.
Elle a dit « Cette silhouette... ces cheveux!».
Isabeau retint le sourire triomphant qu'elle avait envie d'afficher. Mouahahahaha. Mina ressemblerait-elle vaguement à la fille de la maison, tragiquement morte dans la fleur de l'age? Elle s'adressa mentalement à sa cousine:
Mouahahahaha. Je crois qu'ils vont avoir du mal à nier si tu ressemble à ta mère que tu en fait tomber la cuisinière... Cousine.
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La vieille cuisinière articula encore
«Kylbeth...»
Nils se tourna vers la compagne de la jeune de Girier et la dévisagea un bref instant. Oui, en y regardant bien, il y avait quelque chose chez elle qui rappelait Kylbeth. Mais elle était bien trop bronzée et musclée. Kylbeth avait toujours été une jeune femme très fine et raffinée, et celle-là avait l'air d'une paysanne. Il ne comprenait donc pas l'émoi de la vieille cuisinière.
Betra avait réussi à s'assoir par terre et maintenant de grosses larmes roulaient le long de ses joues.
«Snifff... je comprends maintenant... sniff... les questions... sniff...»
«Quelles questions, Berta?»
«Y a un homme... sniff... il te ressemblait... au marché... il m'a posé des questions... sniff... sur la mort de la petite...» Elle s'interrompit pour se moucher bruyamment.
Derrière elle, un homme âgé d'une quarantaine d'années s'arrêta juste avant de passer le seuil et s'adossa contre le montant de la porte, faisant signe aux gens dans la pièce de ne pas interrompre la vieille femme.
«Je lui ai raconté... tu sais Nils, ce qu'on se disait... qu'elle était peut-être enceinte... sniff... et qu'elle était morte à cause de ça... sniff...» Elle se tourna vers Mina. « C'est pour vous... sniff... qu'il posait... sniff... ces questions...»
Orderic, car c'était lui, dévisagea avec intérêt la Grise qui accompagnait Isabeau de Girier. Lui aussi lui trouvait un air de famille. Elle avait la même chevelure de Kylbeth, la même implantation de cheveux. La même que lui d'ailleurs.
Il poussa un soupir à fendre l'âme, et la vieille Berta se retourna alors.
« Jeune Monsieur, je ne vous avais pas entendu arriver... sniff... Pardonnez-moi...»
«Ce n'est rien Berta... J'espère juste que Mère supportera le choc.» Il s'avança dans la pièce, l'air à la fois timide et confiant. «Je me présente. Je suis Orderic Sadare... votre oncle, j'imagine?»
Lui ne doutait pas un seul instant que la jeune femme soit celle que Berta pensait. Après tout, la vieille femme avait été comme une seconde mère pour Kylbeth et il y avait des choses qu'une mère même adoptive sentait mieux que quiconque. De plus, au fond de lui, il avait toujours su que toute cette histoire finirait par éclater au grand jour. Il avait vécu dans la peur d'un scandale public depuis lors, et il était soulagé que tout se passe finalement en privé.
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Oui, définitivement, il y avait un air de famille puisqu'elle surprit un regard curieux de la part de Nils.
Mina ne put cacher un fin sourire sur son visage quand elle entendit la remarque mentale d'Isabeau.
:Cousine...:
Mais elle se concentra à nouveau sur la cuisinière qui n'avait pas finit de ne pas s'en remettre! Elle balbutiait des bouts de phrases et Mina comprit qu'elle évoquait sa rencontre avec Wylan.
Elle vit clairement un homme inconnu arriver dans la pièce. Alors que la cuisinière finissait son récit, il ordonna de ne pas l'arrêter. Mina le dévisagea et quand la cuisinière posa sa question, c'est au nouvel arrivé qu'elle répondit:
"Oui, c'est pour moi qu'il a enquêté."
L'homme soupira et fit quelque peu paniquer la cuisinière qui semblait mortifié. Mina, elle, ne fut pas impressionnée une seconde par l'air et la chanson de son oncle. Elle se releva lentement, posa le plateau de tartine sur une table proche, et l'observa avec hauteur.
Puis elle se tourna vers Isabeau comme pour puiser un peu de courage chez son amie avant de répéter:
"J'imagine..."
Elle s'approcha de son oncle et fronça les sourcils:
"Moi aussi j'ai imaginé quantité de choses. Vingt années, ça laisse pas mal de temps à cogiter. Surtout là où on m'avait envoyé. Tonton."
Que son oncle essaye réellement d'être avenant avec elle ne comptait guère sur l'instant. Elle lui donnait la quarantaine, il savait qui elle était, il avait son âge quand c'était arrivé. Et il n'avait rien fait.
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Orderic arriva pendant les divagations de la vielle femme. Conformément à ce qu'elle avait promis à Mina, Isabeau cessa de ricaner intérieurement de la situation pour se concerter sur son grand cousin. Elle avait promis à Mina d'observer et d'interpréter les réactions des Sadares pour elle. Déesse... Maintenant qu'elle savait, elle ne pouvait que voir les ressemblances entre lui et son amie. Comment avait-elle put passer à côté si longtemps? Il n'est de pire aveugle que celui qui ne regarde pas. Ils auraient pu passer pour père et fille.
Alors que l'héritier Sadare s'avançait avec ce qui pouvait passer pour de l'humilité (chez un noble), Mina se redressa de tous ses petits centimètres. Elle chercha du courage auprès de la De Girier qui le lui offrit, accompagné d'un petit décodage, d'un ton mental neutre:
Ne te vexe pas de son attitude. Il ne te prend pas spécialement de haut, pour le moment.
Elle la laissa tirer sa première flèche contre son oncle. Elle semblait penser qu'Orderic savait forcement comment ses parents avaient géré le problème de l'enfant, ce dont Isabeau n'était pas sure du tout. Elle aurait même plutôt supposé qu'on lui en avait dit le moins possible. Elle était déjà surprise qu'il ait sut assez de la situation de sa sœur pour reconnaître directement la grise. Elle choisis donc de contextualiser légèrement la remarque de Mina:
"Vous savez sans doutes, cousin, qu'Irmingarde a été envoyé dans les Holds. Là où on marie les fillettes à 12 ans. A des hommes murs."
Elle observait attentivement son Cousin pour ne rien rater de sa réaction.
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« Chez... chez les Holds?!?» Il eut l'air profondément choqué.« Je...» Il eut l'air de chercher ses mots. «On m'avait dit que l'enfant avait été envoyé dans un temple de Thenoth, le seigneur des Animaux... Ou peut-être était-ce la Dame des Pleurs... je ne me souviens plus. Quoi qu'il en soit, j'ai toujours cru que tu... vous aviez été confiée à un temple. Ce ne serait pas la première fois qu'on cacherait un enfant adultère de cette manière. Par contre, les Holds...» Il essayait de comprendre. «Peut-être... je ne sais pas, ma sœur était très romantique, comme beaucoup de jeunes nobles. Peut-être l'a-t-elle demandé? Non... c'est ridicule. Elle était suffisamment lucide pour savoir que c'était une idée... une mauvaise idée. Et puis, elle n'a pas eu son mot à dire dans cette histoire. Surtout pas à la fin. »
«Jeune Monsieur, vous n'avez pas à vous justifier de la sorte...»
«D'une certaine manière si. Après tout, j'ai laissé faire. Mais je n'imaginais pas... Comment Père a-t-il pu faire cela? Pensait-il vraiment rendre service à... vous rendre service?»
Il secoua la tête, l'air à la fois atterré et désespéré. Il s'avança dans la pièce pour se rapprocher de Mina et de la vieille cuisinière. Celle-ci se remit péniblement debout. Elle le regarda avec l'air de quelqu'un qui venait de comprendre qu'on lui avait menti des années durant. Et même si elle avait soupçonné la vérité depuis longtemps, elle souffrait d'en avoir la confirmation.
«Ma petite Kylbeth est bien morte en couches alors... comment... Comment avez-vous pu me le cacher. Mon bébé...» Un sanglot interrompit ses paroles.
«Mon père craignait que vous ne sachiez pas tenir votre langue. Et que vous... vous ne cherchiez à nous convaincre de garder l'enfant.»
La vieille cuisinière regarda Irmingarde et la prit dans ses gros bras dans une étreinte à la fois brutale et affectueuse.
«Mon petit... mon bébé.»
«Berta... je crois que vous allez l'étouffer.»
Il avait l'air mal à l'aise, ne sachant comment se comporter.
Nils, le majordome regarda la scène d'un air perplexe. Il ne savait plus très bien ce qu'il était censé faire ni dire. Il finit par se déplacer pour rejoindre Isabeau, un peu à l'écart de la scène.
« J'imagine que vous êtes contente?» Le ton n'était pas accusateur, juste curieux et un peu las.
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Mina avait promit d'écouter les remarques d'Isabeau, parce qu'elle lui faisait confiance pour décrypter ce qu'elle ne comprendrait pas. Alors, elle essaya de se montrer moins injuste, ce qui ne lui fut pas difficile quand il apprit où elle avait été elévé. On ne pouvait pas jouer l'effarement ainsi. Il était plus choqué que le majordome. Sa surprise lui tira cette réponse:
"Je ne sais pas, il faudrait lui demander, je crois savoir qu'il est là?"
Elle estimait n'avoir aucun compte à rendre sur ce qu'elle avait vécu pendant seize ans dans les Holds. Elle n'était pas du genre à se confier en règle générale, ça n'allait pas changer avec son oncle. Et puis, il n'y avait rien à en dire, tout le monde savait quelle genre de vie austère on menait là-bas. Et sinon, Isabeau était là pour le rappeler.
La suite lui prouva qu'elle n'avait pas non plus à se montrer trop clémente quand Oderic expliqua à la cuisinière les raisons de leur silence.
:Sérieusement, vous avez un problème avec les scandales publics... Je déteste ça aussi, mais pas au point d'aller fourrer un enfant dans les Holds et faire souffrir autant de personne!:
Faire cette réflexion mentalement à Isabeau plutôt que directement à Oderic prouvait qu'elle comptait sur sa cousine pour dire les choses peut-être plus... diplomatiquement, noblement?
Et de toute façon, elle aurait eu du mal à parler, puisqu'elle fut soudainement enlacée par la cuisinière.
Mina ne savait pas quoi faire. Les bras le long du corps, elle était pétrifiée et incapable de répondre à cet élan d'affection maternel. Elle n'avait jamais connu ça, elle ne connaissait pas.
Il y avait l'amitié d'Isabeau, l'amour et le tendresse de Beltran, et le lien indéfectible entre Ezarel et elle, mais ça, c'était nouveau.
Si plus tard on cherchait une arme pour réduire à néant Irmingarde, le Héraut Boutefeu, il suffirait d'envoyer quelqu'un lui faire un câlin.
"Je... heu... Berta?"
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Pince sans rire, Isabeau ne put s’empêcher de dire à son amie:
Je pense qu'on peut dire qu'il est surpris.
La jeune femme était malgré elle soulagée de voir Orderic réagir normalement. Ce choc et cette culpabilité, elle s'en délectait. Pas méchamment, pour une fois. Mais parce que ça mettait du baume sur la blessure qu'avait constitué la découverte de l'histoire de Mina. De cette cousine envoyé grandir dans une des pires zones du Royaume. Bon, pas la pire. Elle avait été nourrie et logée. Mais bon. Les Holds, quoi.
Les Holds n'étaient pas les seules régions à pratiquer le mariage des enfants. D'autres marches mariaient leurs enfants très jeunes. Mais eux le faisaient entre enfants du même âge. Ce n'était quand mémé pas la même chose.
Les paroles mentales de Mina la rappelèrent à la conversation principale et elle essaya d'expliquer ce qu'elle comprenait des problèmes de scandales.
"C'est une question de réputation et de respectabilité. A la base, un seigneur a la responsabilité d'un coin de campagne. Il doit le faire prospérer, le défendre tout ça Pour ça, il faut un suzerain digne de confiance. La confiance que porte le peuple à son suzerain est fonction de la respectabilité ce celui-ci. Et la respectabilité de la famille du suzerain rejaillit sur celui-ci. D’où le besoin maladif de cacher les conduites honteuse."
Sertan de Girier se devait de conserver sa respectabilité pour se faire respecter de ses métayers. A l'opposé, son atelier le suivait moins pour sa respectabilité que pour ses compétences. Si Isabeau avait été fille mère, ça aurait beaucoup plus impacté le domaine que l'atelier. C'était aussi pour ça que malgré des années de soutient, le domaine des Seigneurs De Girier était toujours aussi déficitaire. Les paysans, s'ils avaient confiance en Sertan, n'en avaient aucune en ses frères.
"Pis bon, ça a dégénéré au fil du temps, bien sûr. Et il y a l'effet sur le marché du mariage. Ils espéraient que Kylbeth survivrait et pourrait se marier. Pour ça, il fallait tout garder secret. Je ne justifie pas la chose. Mais c'est comme ça que je la comprend."
Puis Mina subit une attaque de Câlin de la vielle femme, pleine de bonnes intentions. Isabeau la vit tout de suite se tendre. C'est sûr que c'était pas dans ses habitudes. Au moins Berta était une Femme, Orderic à sa place serait déjà bien cramé. Le majordome lui avait posé une question, mais Isabeau était d’abord concernée par son amie, qui vivait un moment des plus stressants. (et qui avait le pouvoir de tous les faire cramer).
"Une Seconde, Nils, s’il vous plait."
Isabeau se dépêcha de les rejoindre et de les séparer, gentiment mais fermement (Elle avait de la force la vielle!).
"Pardon Berta, mais Mina n'a pas l'habitude de ce genre d'effusions du nord. Je comprends que vous soyez bouleversée, mais essayez de ne pas l'enlacer, s'il vous plaît."
Elle revint ensuite au Majordome. Il disait quoi déjà… Ah oui, une connerie sur le fait qu’elle était contente. La jeune femme leva les yeux au ciel et répondit d'un ton extrêmement sarcastique.
"Sinon, ouais, je suis ra-vie. J'ai la confirmation que c'est bien ma famille, certes éloignée, qui a expédié ma meilleure amie grandir au fin fond des Holds comme on se décharge d'un colporteur encombrant. Je suis extatique, j'adore avoir honte de ma propre famille."
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Orderic Sadare regarda Isabeau libérer son amie. Même lui était parfois mal à l'aise sous les assauts maternels de la vieille cuisinière. Il tenta de reprendre le fil de la conversation.
«Mon père est là oui. Avec ma mère...» Son regard se fit plus dur. « J'ai bien compris que vous êtes là pour vous confronter à nous. Vous en avez parfaitement le droit. Mais je vous prierai d'épargner ma mère. Elle est très fragile et je sais qu'elle a cru à la même histoire que moi. Si vous désirez faire un scandale, je vais demander à Père de vous rejoindre dans son bureau. Vous pourrez alors hurler à loisir.»
Nils grimaça discrètement à la réponse d'Isabeau.
« Je ne parlais évidemment pas de cela. Mais vous m'en voyez désolé.»
Orderic se tourna vers Nils.
«Merci de conduire ses demoiselles dans le bureau de mon père. Je vais aller l'avertir.»
Il s'éclipsa de la pièce, l'air toujours un peu choqué. Le bruit de ses pas se fit petit à petit lointain.
Le majordome disposa l'assiette de tartines et la théière sur un plateau avant d'annoncer: «Veuillez me suivre, s'il vous plaît.»
De retour dans le hall, ils empruntèrent l'escalier montant à l'étage. Ils bifurquèrent à gauche et le majordome leur ouvrit la porte. Il leur fit signe de s'installer avant d'attiser le feu et de ressortir. Elles entendirent bientôt des bruits de pas dans l'escalier, puis la porte s'ouvrit sur Aspar Sadare. C'était un homme plutôt grand, aux cheveux châtains et aux yeux marron. Son visage s'ornait d'un collier de barbe soigné. Il s'inclina brièvement en entrant.
« Isabeau, j'espère que votre père va bien. Héraut, je vous salue.»
Puis il vint s'assoir en face des deux jeunes femmes.
« Orderic m'a dit que vous vouliez m'entretenir d'un sujet d'importance. En privé. J'espère que l'affaire n'est pas trop grave. Berta nous a fait un succulent gâteau avec les pommes de cette année, et ce serait dommage de le faire attendre. »
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Isabeau était au mieux de sa forme!
Mina eut envie de l'enlacer pour la remercier de dire des choses pareilles, car elle ne possédait pas cette verve et ce naturel pour dire des choses mortifiantes.
Orderic leur demanda d'épargner sa mère à qui on n'avait, de toute évidence, servit le même mensonge qu'au lui.
:Tient, je dois dire que je m'attendais pas à ça... Ca doit être sympa, les réunions de famille...: dit-elle mentalement à Isabeau, sarcastique.
Tout ça, son oncle surpris, sa grand-mère fragile et tenue dans l'ignorance, la cuisinière un peu trop maternelle, et le patriarche visiblement responsable de son sort, plongèrent Irmingarde dans le doute et la perplexité.
A chaque fois qu'elle avait imaginé cette confrontation, toute la famille Sadare savait, pour elle, et n'en avait cure.
La situation présente rendait les choses différentes.
Mina échangea un regard lourd de sens avec Isa, et suivit le majordome dans un bureau.
La jeune femme s'assit et fixa les flammes qu'elle s'amusa à faire croître et décroître à l'envie, et enfin, Aspar Sadare apparut.
Il avait fière allure, et les mêmes yeux qu'elle. Il était aussi naturellement charismatique. Sa façon de s'exprimer reflétait celle de son fils, en plus orgueilleux.
Mina se tendit, le dos bien droit dans son fauteuil, et ne répondit pas à son salut.
C'était la première fois qu'on l'appelait par son titre avec cette solennité, et venant de quelqu'un qui lui était finalement apparenté de si près, c'était... cocasse.
Mina prit la parole directement, voulant mettre au clair cette histoire une bonne foi pour toute.
"Vous nous voyez désolées de devoir vous éloigner de tels plaisirs, mais j'ai peur que la tarte soit froide à votre retour."
Elle fixa son grand-père sans les yeux, sans ciller:
"Je n'ai pas vraiment eu besoin de me présenter depuis que j'ai mis le pied ici, mais visiblement, je dois le faire devant vous. Mon nom est Irmingarde, originaire des Holds. Mais si j'en crois votre fils, j'aurai du être une simple orpheline de temple?"
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Isabeau se radoucit à la grimace de Nils:
"Je reconnais qu'Orderic à une meilleure réaction que ce à quoi je m'attendais."
Mentalement, elle gloussa à la remarque de Mina sur les réactions de famille.
Bienvenue dans mon monde, Chérie. Et je me dois de te prévenir que tu es invitée aussi aux prochaines... Tu viendras avec Micha et moi. On finit en général dans un coin à dire du mal de tout le monde, c'est drôle, tu verras.
Elles suivirent Nils dans le bureau de son Oncle et Mina commença à faire joujou avec le feu. Ce qui n'avait nullement dérangé Isa dans des campements et des abris de héraut la rendit soudainement nerveuse dans cette baraque décrépie.
Fait Gaffe, s'il te plait. Vu la gueule de la maison, je ne jurerais pas que les cheminées soient correctement ramonées. Je préfèrerais sortir vivante de cette bicoque.
Son oncle arriva ensuite et les salua. Isabeau lui rendit son salut.
"Mon Père va bien, il vous envoie ses salutation."
Bon, ok, il avait mis deux jours à calmer suffisamment sa colère pour lui écrire une lettre qui ne soit pas un monceau d'injures (lettre finalement inutile devant l’accueil chaleureux de ce pauvre Nils). Mais sinon, ça allait.
Pour la suite, la jeune femme se tut et laissa sa cousine parler. Comme précédemment, elle se concentra sur les réactions de son Oncle.
-
Aspar regarda un instant Irmingarde sans comprendre. Puis il posa son regard sur la petite de Sertan. Il hésita brièvement entre deux attitudes. Le plus simple serait de nier en bloc. Mais la présence d'Isabeau rendait cela très compliqué. Si elle était là, c'était parce qu'elle était sans doute au courant. Et qu'elle n'avait pas le moindre doute. Il était donc obligé d'adopter l'autre attitude possible.
Son regard revint se fixer sur Irmingarde. Il poussa un long soupir et laissa ses épaules s'affaisser.
«Je vois.»
Il détailla un instant la jeune femme. Oui. Elle ressemblait à sa mère. Elle avait les mêmes cheveux, et quelque chose dans la silhouette générale, bien qu'elle soit plus solide que Kylbeth. Elle avait aussi des yeux très reconnaissables. Les siens.
Alors elle avait été Élue. C'était une bonne chose. Elle n'avait pas eu à se marier sans doute. Elle avait pu échapper à son triste destin.
Il serra les lèvres, l'air presque contrarié. Puis il poussa un nouveau soupir alors qu'il ouvrait un tiroir. Il en sortit un minuscule portrait, qui tenait dans la paume. Il le posa devant la jeune Héraut. La peinture miniature représentait une ravissante jeune femme aux longs cheveux bruns et aux yeux doux.
«Je...»
Il baissa les yeux sur le portrait.
«Je pense que ça vous revient...»Il s'interrompit, cherchant ses mots. «Kylbeth m'avait demandé de vous donner ce portrait. Quand il a été clair pour tout le monde qu'elle ne s'en sortirait pas. Je... j'ai préféré ne pas le faire. Je me suis dit que votre père ne vous le donnerait sans doute pas. Et qu'il finirait brûlé.»
Il releva la tête, l'air plus décidé.
«Je ne m'excuserai pas. À quoi bon de toute manière? J'ai regretté cette décision toute ma vie, mais je ne pouvais plus rien y changer.»
-
Quand Isabeau lui fit la promesse de l'initier aux arcanes du monde des De Girier, Mina laissa mentalement transparaître son scepticisme quant à la drôlerie de la chose. Ce sentiment ne concernait pas Isabeau, c'est juste qu'Irmingarde doutait savoir rire de cette façon là. Mais il ne fallait jamais dire jamais, non?
La suite de la confrontation se passa dans le bureau. Quand Isabeau lui demanda de faire attention au feu, Mina s'excusa:
:Désolée.:
Certains de ces tics avec le feu étaient inconscients, surtout quand elle était stressée.
Aspar Sadare fit alors son apparition, et les présentations furent faites. Il eut besoin d'un temps de réflexion pour faire le lien entre elle et sa défunte fille. Temps durant lequel Mina ne baissa pas les yeux, toujours fixés sur lui, attendant qu'il parle.
De toute évidence, l'orgueil et la tristesse menait un combat acharné chez Aspar dont les réactions étaient pour le moins étranges.
Elle le regarda chercher quelque chose qu'il posa devant elle. Quand Mina vit le portrait, elle l'attrapa vivement pour le regarder de plus près. Son coeur se serra, puis toute sa poitrine et elle eut du mal à trouver de l'air. C'était la première fois qu'elle voyait sa mère, et les dieux savaient qu'elle l'avait imaginé, essayé de lui donner corps!
Vaguement, elle entendit son grand-père rajouter autre chose, mais ne réagit pas tout de suite. Pendant bien une minute entière, elle resta silencieuse, regardant le portrait pour en graver chaque détail dans sa mémoire. Puis, elle le passa à Isabeau.
Enfin, ce qu'avait dit Aspar fut clair et Mina se leva brusquement, tendue:
"Vous avez sans aucun doute raison, mon père l'aurait brûlé, peut-être même devant moi, plus grande, histoire de me punir."
Elle fit quelques pas dans la pièce avant d'ajouter:
"Pas d'excuses alors? Alors que je ne suis, de toute évidence, pas la seule à avoir été dupée? Même votre femme et votre fils n'était pas au courant! Et vous n'avez pas d'excuses?!"
Elle lança un regard consterné à Isabeau, l'implorant à comprendre comment pouvait raisonner le patriarche des Sadare.
"Vous saviez où vous m'envoyiez, et vos regrets, j'en ai rien à faire! Si vous aviez vraiment regretté, vous auriez cherché à savoir, ou seriez venu me chercher, je ne serai pas là à vous tirer les mots de la bouche! Vous savez combien de fois j'ai rêvé, quand j'étais petite, que quelqu'un viendrai me chercher pour m'emmener chez ma mère? Et puis après j'ai arrêté de penser à ça, parce que j'avais compris que je pouvais toujours courir, que ça n'arriverai pas et que je serai condamné à supporter mon père, et mes frères et soeurs... Alors vos regrets... c'est rien du tout à côté de ce que moi, j'ai vécu. C'est sûr, vos excuses changeront jamais mon passé mais... vous n'avez aucune explications à me donner? Rien du tout?"
Sur ces derniers mots, sa voix se brisa.
Des années de rancunes qui sortent, c'était douloureux.
-
Isabeau soutint le regard de son Oncle, y ajoutant une touche de défi. Vas-y. Vas-y ose nier, mon grand. Ose et regarde ta vie s'effriter sous tes mains. Son fils d'abords. Sans doute sa femme. Puis toute ta parentèle. Et enfin tes vassaux. Isabeau et son Père n'avaient pas encore rependus la nouvelle. Mais s'il osait foutre Mina dehors, ils le détruiraient. Les dieux avaient déjà bien commencé le travail, au vu de l'état de la maison, mais ils se feraient un plaisir de donner le coup de grâce.
La Tension baissa d'un cran quand il céda et offrit à la Grise un portrait de sa mère. Isabeau retint un flamboiement de rage a l'idée de cette ignorance de plus aux volontés de Kylbeth. Elle posa simplement sa main dans le dos de son amie, en un discret geste de réconfort. Elle se félicita également de ne pas avoir laissé sortir sa rage, puisque Mina confirma que le portrait, dans les Holds aurait été brulé. Bon. Dans ce cas...
Puis il refusa de s'excuser. Isabeau se redressa, furieuse et incapable de le cacher, cette fois. Elle laissa Mina cracher sa réponse et pris sa suite quand la voix lui manqua:
"Ah vous lui devez clairement une explication! Pourquoi diable les Holds! Pourquoi ne pas vous en être tenu à ce que vous avez raconté à votre femme et votre fils et l'avoir confié à un bon temple!"
En parlant, elle avait gentiment passé le bras autour des épaules de Mina.
-
«Vous croyez vraiment qu'on m'aurait laissé vous emmener? Et comment aurais-je fait pour ne serait-ce que parvenir jusqu'à vous? Un Hold qui se terre dans sa ferme peut tenir des décades avant d'avoir besoin de se ravitailler...»
Aspar Sadare soupira.
«Non, les excuses ne servent à rien. À ce stade, elles ne changeront plus rien. Et m'excuser serait attendre le pardon. Or, je ne le demande pas. J'ai fait ce qui m'a semblé le mieux à l'époque. Même si c'était stupide. Même si j'ai pris cette décision sans prendre le temps d'y réfléchir convenablement... Je n'ai pas le droit de demander pardon.»
Il se tourna à moitié sur sa chaise et laissa son regard se perdre dans les flammes.
«Comprenez bien, j'étais le seul au courant qu'il y avait un père. Enfin... j'étais le seul à connaître l'identité du père. Je lui ai arraché la vérité... à la fin... quand... quand il était clair qu'il n'y avait plus d'espoir. Pour moi, avant de faire de ce bébé un orphelin, peut-être valait-il mieux voir si sa famille paternelle pourrait le prendre en charge. Surtout que j'avais deviné tout de suite qu'il était de basse extraction. Sinon nous nous serions dépêché de les marier, et cela Kylbeth le savait bien. Quand j'ai appris qu'il s'agissait d'un Hold... Jusqu'au dernier moment, je comptais vous confier à un temple, en effet. Mais... Je me suis dit... je me suis dit qu'une famille Hold valait sans doute mieux que pas de famille. D'autant que celui-ci semblait être plutôt progressiste. Il était venu à Haven. Il avait courtisé ma pet... ma petite fille. Normalement ces gens restent chez eux. Ils ne voyagent pas. J'espérais...» Ses épaules s'affaissèrent. «J'espérais sans doute quelque chose d'irréaliste.»
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Le coeur de Mina se gonfla de reconnaissance envers Isa qui continuai de prendre sa défense avec passion. Dans cette histoire, elle ne gagnerai peut-être pas une famille maternelle, mais au moins, et surtout, une cousine inestimable.
Quant à Aspar, ses arguments avaient un sens. Il est évident que les Holds ne laissaient quasiment jamais entrer d'étrangers. Elle avait été une exception, car elle était un bébé, et il y avait de l'argent. Cependant...
"Si vous aviez voulu avoir des nouvelles, vous auriez pu. Peu de monde extérieur est accepté dans les Holds, mais le Héraut affecté aux Marches Sud y a ses entrée, c'est la loi. Lui peut faire des rapports, se renseigner... Mais ouais, vous avez raison, on refera pas l'histoire, et oui, c'était stupide. Mon père était venu à Haven pour y vendre un surplus de marchandise qui s'arrache à prix d'or sur les marché, vu sa rareté. Ce n'est pas sa prétendue modernité qui l'a attiré, mais sa cupidité."
Mina fit quelques pas dans le bureau et soupira:
"Vous avez espéré un miracle, et au fond, j'ai eu de la chance."
Elle désigna son uniforme.
"Mon enfance dans les Holds m'a aussi rapidement appris à ne pas trop rêver, alors même si je suis déçue, ça ira."
Elle regarda par la fenêtre et vit la neige continuer à tomber.
"Je crois que nous allons avoir besoin de votre hospitalité pour cette nuit... J'ai bien comprit que votre femme avait une santé fragile, aussi, lui dites pas qui je suis si vous pensez que ça peut lui porter préjudice. Dites-lui seulement que nous sommes des Grises piégées par la neige. "
Elle vint se placer à côté d'Isabeau, lu laissant tacitement le soin de continuer à traiter des détails de leur hébergement.
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Isabeau fusilla du regard son oncle en entendant la désillusion dans la voix de Mina. C'est de votre faute si elle ne rêve pas! Voila ce que l'on pouvait lire dans ses yeux. Elle se retint d'enfouir son amie dans une étreinte de réconfort, sachant qu'elle n'était pas spécialement fan de ce genre d'effusions. A la place elle lui pris la main.
"Je suis sure que maintenant que tu est là, les Sadares vont te reconnaître. Tu es Heraut, l'une des plus puissante du cercle, tu es l'amie de la Reine, témoin à son Mariage... Et puis zut, après ton enfance de rêve, justement, ils te doivent bien cela! Et de toutes Façon, tu sais bien ce que mon Père à dit. Quoi qui se passe, dés son retour, il te reconnaîtra comme sa nièce."
Une lueur mauvaise brilla fugacement dans l’œil de la jeune femme. Il n'y avait pas tant de nièces possible dans l'arbre généalogique de Sertan de Girier. Et vu comme Mina ressemblait à sa mère opportunément disparut l'année de sa naissance, toutes les Fleur et les Dame de Girier de la Capitale ne tarderaient pas à faire le rapprochement... Dut elle les y aider.
"Je pense pas que lui dire à ta grand mère qui tu es soit préjudiciable, en plus, au vu de la réaction de la cuisinière, elle risque de te reconnaître. Lui porter le même choc est pas une bonne idée. Après, on peux ne pas s'étaler sur ta petite enfance. Juste lui dire que tu recherchait ta famille et que tu l'as retrouvée."
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«J'ai fait ce qui me semblait le mieux. Ce n'est pas grand-chose, je le sais, mais c'est ainsi. Quant à écrire... je ne savais pas très bien qu'écrire. Et... les lettres vous auraient-elles été données? J'en doute.»
Aspar se trouvait des excuses, il le savait. Il avait très vite été pris de remords d'avoir envoyé sa petite-fille chez les Holds. Mais sa décision avait été motivée par ce qui lui avait semblé à l'époque de très bonnes raisons. Un enfant avait le droit de grandir avec ses parents, et de connaître son origine.
La fille de Sertan de Girier semblait être une amie féroce, elle défendait en tout cas Irmingarde de toutes ses forces. Et visiblement, son père était au courant, aussi.
«Je suis d'accord avec Isabeau. Ma femme sera au contraire ravie d'apprendre que... que sa petite-fille a tout fait pour retrouver sa famille. Elle n'a jamais supporté l'idée qu'on vous ait envoyé au loin. Elle s'en veut encore... moi aussi, parfois.» Il soupira. «Et évidemment que nous allons la reconnaître. Comment pourrions-nous faire autrement? Qui ne serait pas fier d'accepter un Héraut dans sa famille?» À peine finissait-il de prononcer ces mots qu'il comprit qu'il venait de commettre une maladresse. «Qui ne serait pas fier d'accepter une jeune femme telle que vous?»
Il n'avait pas voulu sous-entendre que si Mina n'avait pas été Héraut, elle n'aurait pas été digne d'entre dans la famille. Mais il était certain que c'était ce que ces deux demoiselles allaient comprendre.
Il soupira, se préparant mentalement à la scène qui allait suivre. Sa femme, d'abord surprise, si heureuse que la lettre de Kylbeth ait finalement ramené sa petite-fille au bercail. Ils s'étaient inquiétés, quand seize ans après sa naissance, elle n'avait pas pris contact. Puis le temps avait passé. Ils s'étaient persuadés que l'enfant ne voulait rien avoir à faire avec eux.
Soudain, il fronça les sourcils.
«La lettre... je... j'ai bêtement pensé que c'était par elle que vous êtes arrivée ici. Mais je vois bien que non.»
Il eut l'air soudain soucieux et triste. Il ouvrit les tiroirs de son bureau, visiblement à la recherche de quelque chose. Il trouva rapidement ce qu'il cherchait. C'était un morceau de papier, plié, usé. Il le déplia doucement et le tendit à Mina.
«C'est... c'est le brouillon. La version finale était moins... moins brouillonne. Mais...»
À toi qui n'es pas encore né,
Cela fait maintenant plus de deux saisons que tu grandis en moi. Ta présence me comble de bonheur. Tu es déjà un bébé très fort, tes coups sont déjà vigoureux. Je suis si heureuse!
Tu n'es pas encore né, mais j'ai déjà commis une grande faute envers toi. Tu ne connaîtras sans doute jamais ton père. Et tu ne connais pas ta mère.
Vois-tu, je suis la fille du seigneur Sadare. Et en tant que telle, je n'ai pas le droit de te garder. Une fille noble ne peut pas être une mère célibataire.
La décision a été prise aujourd'hui de t'envoyer dans un établissement religieux. Là-bas, on prendra bien soin de toi, tu seras éduqué, nourri. Et tu pourras vivre ta vie loin de la honte.
Mon enfant, si tu me lis, tu as seize ans aujourd'hui. Et sache que cela fait seize ans que je pense à toi. Seize ans que je t'attends. J'espère que tu trouveras la force en toi de me pardonner, et que tu viendras me rencontrer. Mais si tu n'y arrives pas, sache que cela ne diminue en rien l'amour que je te porte.
Avec tout mon amour
Kylbeth Sadare
******
Il guida ensuite des deux jeunes femmes dans le Petit Salon. La pièce était chaleureuse et baignée d'une lumière orangée. Une vieille dame, les jambes couvertes d'une courtepointe brodée, discutait avec Oderic. Elle se leva pour accueillir les nouvelles venues. Puis Aspar se pencha sur elle pour lui murmurer quelques mots à l'oreille.
Quand les deux jeunes femmes purent à nouveau voir son visage, ses yeux brillaient. Elle s'approcha de Mina pour les prendre les mains.
«Oh... bienvenue à la maison!»
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La pomme de tombe jamais bien loin de l'arbre, et Sertan de Girier semblait être à l'image de sa fille, ce que Mina ne manquerait pas de découvrir, assurément!
"Je cours pas après la reconnaissance, j'ai pas besoin qu'on claironne que je suis une Sadare, ce genre de chose, je voulais juste... des réponses, des noms, des visages, des histoires."
La mention de son statut de Héraut la fit tiquer, mais il se rattrapa aux branches, et elle ne renchérit pas. Elle fut un peu perdue, plutôt, quand il évoqua une lettre dont il lui tendit un brouillon.
C'est avec encore plus d'émotion que pour le portait que Mina découvrit la belle écriture de sa mère. Des mots adressées à elle, des mots que jamais elle n'avait espéré lire, la preuve que sa mère l'avait aimée. C'était comme si elle lui parlait, par delà la mort. La main qui tenait la lettre tremblait presque convulsivement.
La jeune femme dut se retenir assez violemment de pleurer. Elle ne pleurait pas souvent, et quand ça arrivait, c'était assez ridicule, à son sens. Elle refusait de craquer de cette manière face à Aspar Sadare.
Et à ce chagrin, cette émotion, s'ajoutait une haine viscérale envers son père, qui avait du recevoir cette lettre, qui avait des informations, et qui n'avait rien dit.
Elle puisa sa la force dans son lien avec son Compagnon, dans le soutien d'Isabeau, puis balbutia:
"Ca n'aurai servit à rien de toute manière, je ne savais pas lire. Et puis c'est à peu près l'âge auquel j'ai quitté les Holds, c'est peut-être arrivé après..."
De toute façon, elle n'aurait jamais cette réponse car elle ne demanderai pas de compte à son père.
Elle replia la lettre qu'elle rangea dans une poche de son uniforme.
"Je vais garder ça."
Ce n'était pas une proposition, juste une information.
Isa lui donna mentalement son avis et Mina lui répondit:
:Tu as sûrement raison. Dis donc, niveau contact prestigieux, tu crois que je leur dit de qui je suis la compagne?:
Il n'y avait rien de plus à dire pour le moment, et Mina suivit son grand-père à la rencontrer de sa femme. Elle ne porta pas grande attention à Oderic.
Aspar murmura quelques mots à sa dame. Mina ne sut pas ce qu'il lui dit, mais cela suffit pour qu'elle lui prenne les mains avec une grande tendresse, ainsi qu'un très grand calme. Ca la décontenançait.
"Bonsoir madame... je voudrais pas déranger."
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Isabeau ne cessait de lever les yeux au ciel que pour recommencer. grand dieux, ce festival de mauvaises excuses... Ouiiiiiiii je pensais bien faiiiiiiiiiiire. Ouiiiiiiiiiiii Qui ne serait pas fier d'accepter un Hérôôôôôôôôôôôôôt... Grands Dieux, ce mec confirmait tous les préjugés qu'avait engrangé Isabeau en 20 ans de mépris de la noblesse...
Il sortit un brouillon de lettre, faisant hausser les sourcils une fois de plus à sa nièce, qui consultât néanmoins le document.
Isabeau fronça les sourcils devant la lettre. C'était manifestement un brouillon, en effet. Et Si le père de Mina était du genre à brûler un portrait, il était du genre a en faire autant d'une lettre. L'histoire de son oncle était crédible. Mais de la a être vrai... Elle allait sortir un sarcasme quand elle fut prise de l'envie de vérifier par elle même, elle toucha un coin du papier et activa son don de lecture et vit une jeune femme alitée entrain d'écrire. Un peu gênée de son cynisme excessif (quand Aspar aurait-il eu le temps de préparer ça?!), elle contacta Mina:
Il a été lâche et stupide de t'envoyer chez ton père, je pense qu'il a gardé le portrait plus pour avoir une image de sa fille que pour le protéger de ton père, mais pour la lettre, je pense qu'il est sincère. Me demande pas pourquoi. Et s'ils t'ont laissé une lettre avec le nom de ta mère, je pense qu'ils voulaient vraiment te reconnaître une fois adulte. C'est pas a cause de tes contacts ou de ton élection, ça date d'avant.
Isabeau se retint de glousser à la question mentale de Mina:
Non ma chère. je sais pas comment ils réagiraient. Peut être très bien, mais sinon... Dégoûtés devant ton <<<manque de morale>>> ou avide de marier leur petite fille au Généralissime? Dans les deux cas, vous avez pas besoin de ça.
Ils allèrent ensuite présenter Mina à sa grand mère, manifestement très émue. Mina aussi devait être émue, puisqu'elle s'excusa du dérangement, ce qui était bien la dernière réaction a laquelle s'attendait Isabeau. Elle envoya une petit bourrade mentale affectueuse à son amie, l'encourageant à se décoincer devant cette vielle dame qui avait toutes les étoiles du ciel dans ses yeux à l'idée de la rencontrer. Et elle qui s'excusait...
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«Mais tu ne déranges absolument pas! Oh... je suis si heureuse!»
Elle continuait de tenir Irmingarde comme si la lâcher signifiait la perdre une deuxième fois. Tout en continuant de regarder la jeune femme, elle s'adressa à son fils d'une voix impatiente.
«Orderic... Va donc chercher Gena et les garçons! Où sont-ils d'ailleurs?»
«Les garçons je ne sais pas. Ils traînent sans doute dans la salle de jeu. Je ne sais pas comment ils font d'ailleurs, elle doit être glaciale.»
«Allons, va les chercher!»
«Si tu veux, mère.»
Orderic sortit de la pièce et quelques instants plus tard, on entendit ses pas dans l'escalier.
«Assieds-toi prend place!»
Dame Liobbe tira Irmingarde jusqu'au petite canapé qu'elle avait quitté pour les accueillir et elle la fit s'assoir à côté d'elle, aveugle à la présence d'Isabeau. Elle prit enfin le temps de regarder la jeune femme correctement.
«Oh... tu es si jolie. Tu as hérité des cheveux de Kylbeth. Et tu es Héraut! Comment se nomme ton Compagnon? Dans combien de temps seras-tu un Héraut confirmé? Es-tu fiancée? Et comment es-tu arrivée jusqu'ici avec ce temps?»
Elle prit enfin conscience de la présence d'Isabeau.
«La fille de Sertan! Viens t'assoir. Prends le siège d'Orderic! Vous êtes venues ensemble? C'est plus prudent!»
Elle sourit, manifestement ravie de la situation.
Un quart de marque plus tard Orderic arriva avec sa femme et ses deux fils, qu'il présenta comme Jonas et Simon et qui avaient plus ou moins l'âge des deux Hérauts.
Liobbe déclara soudain que c'était le plus beau jour de sa vie et s'effondra en sanglot sur l'épaule de Mina. Il fallut les efforts conjugués de tous pour qu'elle se reprenne suffisamment et qu'ils puissent passer à table.
[Je vous laisse clore ;-)]
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:Ahah, mon père n'a pas réussi à me marier, alors je doute que qui que ce soit réussisse à m'y contraindre!:
Après cette remarque mentale amusée qui détendait légèrement l'atmosphère plus que troublée, Mina fut emportée par des retrouvailles presque trop chaleureuses pour elle.
Liobbe était une femme moins exubérante dans son affection que la cuisinière, mais néanmoins assez... envahissante, du moins pour Mina qui n'aimait pas particulièrement qu'on la couve comme un oeuf.
Elle ne savait plus où donner de la tête, à quelles questions répondre.
Elle balbutia:
"Heu... Mon Compagnon s'appelle Ezarel. Et non, je ne suis pas fiancé."
Elle lança un coup d'oeil amusé à Isabeau et la laissa meubler la conversation, se contentant de répondre quand Liobbe lui posait directement une question.
Quand sa grand-mère éclata en sanglot, Mina tapota maladroitement son dos, ne sachant trop que faire d'autre.
Le diner fut bienvenu pour que chacun puisse respirer à nouveau, et lancer le début d'une nouvelle ère dans la vie d'Irmingarde... Sadare.
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Oh je me doute, mais ils pourraient être chiant, quoi...
Isabeau sourit, amusée. Elles étaient pas cousine pour des prunes!
Le reste de la soirée fut... ben pas normal, une soirée ou une petite fille bâtarde arrive n'est pas une soirée normale. Et pas calme non plus. Mais ça se passa bien. Isabeau soutint la conversation quand elle sentait que Mina e avait besoin, tout en lui laissant le premier plan quand nécessaire.
"Oui, a deux, on est plus forte. Mais ne sous-estimez pas votre petite fille! C'est une des guerrières les plus redoutables du cercle!"
Liobbe était très émue et ça, ça réchauffa le cœur d'Isabeau. C'était Aspar, avec qui elle n'avait pas de liens du sang qui avait merdé. Sa famille a elle n'y était pour rien. Ils avaient voulu juste la confier à un temple. La blessure de la jeune femme cicatrisait au fil de la soirée. Elle glissa même au majordomes excuses, avouant qu'elle n’espérait effectivement pas un si bon accueil.
[RP CLOS]