Fin 6ème décade d'automne
Jehanne reconnu le premier signe au troisième jour sans pouvoir avaler quoi que se soit avant le milieu de l'après-midi. Elle était aller se regarder dans un miroir mais elle semblait pareille à elle-même. Fermant les yeux et se rappelant qu'elle avait consciencieusement prit les herbes de la guérisseuse pour éviter justement... cela. A quand remontait ?... Lorsqu'elle avait rouvert les yeux elle avait enfilé son uniforme et était partie travailler. Prétextant de la paperasserie elle s'était enfermée dans son bureau avant de se rendre dans une maison de guérison ou on lui avait confirmé le diagnostique.
Jehanne n'avait aucun mal à mettre une date sur cet évènement précis qui avait amené à cette situation précise. Au soir de la mort du Sombre. Fatigués de bataille, de sang et de morts, Wylan et elle s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre. Chacun cherchant le réconfort d'un autre corps vivant et aimé. Ils avaient fait l'amour avec la tendresse et la délicatesse des épuisés et des blessés. Comme si l'autre était un cristal fragile et précieux. Ils avaient renvoyé la mort au loin. Et sans le savoir créé la vie.
Depuis le miroir lui renvoi toujours la même image d'elle-même mais il lui est presque impossible de se toiser. Elle ne voulait pas y lire ses propres interrogations. Et autant être honnête la lieutenante ne s'est jamais imaginée enceinte. On ne cavale pas très bien après les bandits de tout poil avec une baudruche de trois kilos et plus sur le ventre. Certes elle pouvait mettre sa carrière, sur le terrain tout du moins, en pause durant un an mais ensuite ? Autant dire qu'issue d'une banale union non-durable, l'histoire aurait été pliée. Mais c'était Wylan. Et il avait son mot à dire. Le problème était quand aurait-elle l'occasion de le voir ? Il pouvait se passer encore plusieurs décades avant qu'ils ne puissent se voir. Et elle n'avait aucun moyen de savoir combien. Dans quelques décades elle n'aurait plus le courage de tuer, n'ayons pas peur des mots, ce bébé. Dans quelques décades elle devrait le mettre devant le fait accompli quel qu'il soit.
Désemparée par la situation, elle avait finalement décidé de se tourner vers le seul qui puisse contacter son amant. En passant par des canaux non-officiel elle avait finalement obtenu ce rendez-vous avec Alemdar. Pour l'occasion elle avait choisi une tenue aussi "civile" qu'elle le pouvait, pantalon et bottes marrons, chemise crème et surcot bordeaux. Elle s'était assurée d'avoir une table à l'écart et le tenancier était un ami de son frère, il se plierait en quatre pour qu'ils ne soient pas dérangé. Malgré tout la garde ne peut s’empêcher de s'inquiéter.
Lorsqu'elle aperçoit l'Attitré venir vers elle, elle se lève avec une maladresse peu habituelle. Se maudissant alors que le peu de confiance en elle-même qui lui reste s'envole. Et Jehanne déteste cette valse d'hésitation en elle. Elle se sent faible et vulnérable. Elle serre un instant les poings pour se reprendre.
"Merci de bien vouloir me rencontrer. Que... que voulez-vous boire ?"
La jeune femme fait un signe au tavernier qui s'empresse de prendre la commande du Héraut. Jehanne quand à elle se rassoit et... se tait. Cherchant en vain les mots pour commencer.