Valdemar RPG
Autres RPs => Archives => Sujets libres => Discussion démarrée par: Beltran le 13 janvier 2012, 10:25:48
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4 jours après les annonces officielles d'Arthon
Beltran avait une matinée de "libre". Techniquement il devrait être (de nouveau) plongé dans la paperasse, mais il avait fait un premier tri dans ses papiers et ceux qui ne nécessitaient pas absolument son attention, il les avait donné à son nouveau secrétaire (dépêché par le Collegium des Hérauts!) et s'était pris sa matinée. Il savait qu'Irmingarde n'avait pas de cours ce matin-là, et que même si elle était sûrement en train d'étudier quand même, il pouvait la déranger pour faire ce qu'il lui avait promis de faire: lui donner une épée et lui apprendre à ne pas se blesser elle-même.
Il s'était rendu au Collegium des Hérauts et avait soigneusement ignoré les regards surpris des élèves et des professeurs qui voyaient le Capitaine mettre les pieds dans cet endroit où il n'allait qu'en cas d'urgence. Le pas tranquille et l'air assuré du blond leur assurait qu'il n'y avait rien de grave, mais sa présence détonnait un peu dans les lieux.
Il finit cependant par arrêter quelqu'un pour réclamer qu'on lui explique où était Irmingarde. Il put ainsi la rejoindre à l'endroit où elle était et la saluer simplement:
" Bonjour Mina. Tu as l'air plus en forme. Tant mieux je viens te torturer un peu! Tu as le droit de rameuter tes ami(e)s pour participer mais je t'emmène tenir notre promesse. Et je t'ai ramené quelque chose."
Après cette présentation succincte des choses, Beltran posa une bise sur la joue de la Grise et lui fourra une épée toute neuve dans les mains.
[ Si tu veux un cours en tête à tête c'est possible, et si tu veux inviter un autre personnage au cours, c'est comme tu veux.]
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Irmingarde se trouvait ce matin là dans la bibliothèque. Elle aurait voulu consulter les chroniques, mais il fallait faire une demande, et avant tout, elle se contenterai de lire quelques ouvrages traitant des dons de façon générale. Elle avait prévu d'y consacrer sa matinée étant donné ses difficultés à lire.
Elle était donc là, assise devant une table, les yeux froncés pour déchiffrer les mots qui dansaient - à son sens - de façon cabalistique sur les pages, très concentrée. Elle sursauta donc, ou plutôt bondit de son siège quand elle entendit la voix de Beltran qu'elle n'avait pas vu arriver.
"Beltran! Tu m'as fait peur!"
Elle écouta son ordre de le suivre, un sourcil levé de surprise.
"Mais... mais je suis en train de faire des recherches sur mon Don là je..."
Nouveau sursaut quand il lui fit la bise. C'était une habitude qu'il avait décidé de prendre? Qu'il ne s'attende pas à ce qu'elle lui rende la pareille. Elle s'imaginait mal lui faire un baiser sur la joue!
Quand elle sentit une arme se glisser dans les mains, Mina s'écria:
"Oh non je n'y crois pas, tu es venu me chercher pour ça..."
Elle voulu poser son front sur les paumes de sa mains de façon dramatique avant de se souvenir qu'elle avait une épée à la main, et balbutia:
"Maintenant, je suis obligée?"
Elle tenta un regard de Kyree battu tout en sachant que cela ne ferait jamais franchir le Capitaine de la Garde. Il serait inflexible sur sa formation aux armes, et il fallait bien admettre qu'elle en avait besoin.
La jeune femme se leva de mauvaise grâce pour aller déposer son livre à sa place exacte, puis revint, traînant des pieds, l'épée dans la main, en maugréant:
"Tu as de la chance, j'ai mis un uniforme "cas désespéré" aujourd'hui, il n'y avait rien d'autre à ma taille à cause de poids que j'ai perdu, en attendant que l'Intendante me trouve des tenues qui m'aillent. Remarque, ça convient tout à fait, puisque JE suis un cas désespéré... Bon, je suppose que nous allons sur le terrain d'entraînement, j'espère que tu as prévu de l'eau au cas où je perdrai le contrôle des choses. Et puis je préfère être seule oui, autant éviter de me ridiculiser devant les autres... Ezarell viendra pour le surveiller et..."
Elle ne finit pas sa longue plainte car elle observait pour la première fois l'épée en écarquillant les yeux:
"Mais c'est neuf, une épée neuve, où l'a tu obtenue?"
Elle se plaça devant lui et lui demanda en penchant la tête, réprobatrice:
"Tu ne l'as tout de même pas achetée?"
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La bibliothèque, Beltran n'y mettait jamais les pieds. Non, ce n'était pas parce qu'il était insensible au charme des livres ou que le silence l'énervait, mais il y traînait en général des spécimens boutonneux et qui n'avaient jamais mis le nez hors de leurs livres même pour fantasmer sur autre chose que les guerres Tedrelles, l'arbre généalogique d'Uriens, ou ce genre de choses. Beltran aimait les livres, même s'il n'avait guère le temps de lire, mais il détestait les bibliothèques... surtout quand c'était lui qui était en position de faiblesse face à Irmingarde et que les regards des gens autour l'incitaient 1) au silence 2) à se dépêcher de déguerpir 3) à embrasser la jeune femme.
Il craqua plus ou moins sur le trois, après avoir énervé les autres gens quand Mina s'exclama qu'il lui avait fait peur et qu'il lui expliqua la raison de sa présence.
"C'est très bien, mais il peut attendre un peu ... " lui sourit-il en ignorant les curieux.
Il avait senti son mouvement de recul quand il l'embrassa sur la joue mais l'ignora et lui donna l'arme qu'il avait amenée en acquiesçant:
"Tout de suite je suis libre, tu n'as pas cours, et tu pourras me raconter ce que tu sais de ton Don."
Il attendit droit comme un piquet qu'elle aille déposer son livre, s'amusant malgré lui de la manière dont elle tenait son arme... Trahissant sa grande habitude des couteaux de cuisine... Elle réussit à plaisanter sur la situation même si elle ne semblait pas l'enthousiasmer plus que ça et il lui sourit tranquillement:
" Tous les uniformes te vont bien, et la salle d'entraînement sera en plein air près de la rivière, au cas où comme tu dis. Ezarell pourra être avec nous, elle pourra t'aider et je pense qu'elle peut être très utile pour le combat en lui-même. Et..."
Irmingarde s'était interrompue et lui aussi, et il la regarda. Subitement il ne put s'empêcher d'avoir l'air penaud et il tenta vainement de trouver une explication logique à l'épée neuve.
" Non, je ne l'ai pas achetée... pas vraiment... Bon on y va?"
Il fit demi-tour sans attendre, sous le regard amusé plus qu'ennuyé des rares lecteurs encore dans les parages.
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Tient, c'est vrai que si on se posait la question, une bibliothèque, c'était par définition très silencieux, mais encore plus quand le Capitaine de la Garde en personne débarquait pour aller chercher une grise, une épée à la main.
Irmingarde détestait positivement être le centre de l'attention et attirer les regards.
Elle écouta donc en silence tout ce que répondit Beltran, sans rechigner plus que ça, juste pressée de sortir d'ici le plus vite possible et arrêter d'être une attraction pour les autres élèves, même si ses réactions avaient l'air d'amuser le Capitaine autant que les étudiants présents.
Elle appela mentalement son Compagnon.
"Tu seras là?"
"J'y suis déjà, je vous attends, j'ai hâte de voir ça!"
"Tu es décidément d'humeur à te moquer de moi en ce moment, ce n'est pas très charitable pour moi, ta Liée."
"Je trouve au contraire que cette façon de faire avec toi donne des résultats... intéressants!"
"Ravie de savoir que je suis un sujet d'étude palpitant pour toi et tes amis quadrupèdes!"
Ezarell ne répondit pas.
Quand Beltran lui avoua ne pas vraiment avoir acheté l'arme avec une expression coupable, elle allongea le pas pour le rattraper dans le couloir - il marchait vraiment très vite, à pas allongés et sûrs - et se mettre de nouveau face à lui, marchant à reculons, et risquant à tout moment de se casser la figure.
"Comment ça, pas achetée? Tu ne l'a tout de même pas... empruntée sans autorisation?"
Ce qui était une formule élégante pour désigner le vol.
Elle dut de nouveau se retourner pour prendre les escaliers qui descendaient jusqu'au rez-de-chaussé du Collegium et les descendit deux par deux pour suivre la cadence, mais sans cesser de le regarder d'un air soupçonneux.
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Heureusement que Beltran n'entendait pas les échanges mentaux qu'Ezarell et son Elue avaient ( même s'il se doutait à sa manière d'avoir les yeux dans le vague qu'elles ne devaient pas se priver ) parce qu'il aurait pris peur et le courageux Capitaine aurait peut-être déclaré forfait avant même le premier combat (oui c'était la seule manière de vaincre le blondinet).
Le soldat crut être tiré d'affaire quand il réussit à extirper la studieuse Grise de la bibliothèque. Il marchait vite, autant pour échapper aux derniers regards amusés des autres lecteurs que pour échapper aux réactions d'Irmingarde quant à l'épée. Il tentait d'avoir le sérieux dû à son rang et son travail mais quand Mina dut courir pour le rattraper et commença à marcher à reculons, il ne put s'empêcher d'avoir un sourire. Ledit sourire s'évanouit soudain quand Mina l'accusa presque de vol. Il en était tellement abasourdi qu'il faillit rater les marches qui arrivèrent bien trop vite sous ses pieds, et qu'il se retrouva au bas de l'escalier à devoir reprendre son équilibre. Il décida de s'arrêter - d'une part parce qu'il avait failli rentrer dans sa nouvelle élève et d'autre part pour répondre d'un air choqué:
"Bien sûr que non! Je l'ai juste fait faire pour toi! "
Donc voilà, il était grillé. Mais qu'est-ce qu'elle allait imaginer? Il était profondément vexé qu'elle le pense capable de faire ça! Il était assez riche, noble et dirigeant les armées de Valdemar... Voler, alors qu'il avait un si haut sens du devoir! Non mais ! Il s'enfonça cependant encore plus en tentant de se justifier sans avoir l'air trop vexé par l'accusation - mais son ton le trahissait:
"Il faut que tu aies une bonne arme pour bien apprendre, ça ira avec ton uniforme. "
Conscient qu'il était pathétique, Beltran reprit subitement sa marche en disant:
"Elle est à ta taille et équilibrée pour toi, j'aimerai que tu la gardes, mais si tu l'aimes pas je peux t'en fournir d'autres."
Cela allait sans dire qu'il en serait vexé comme un pou et déprimé - mais bien sûr c'était trop idiot pour qu'il le dise. L'air frais du dehors lui fit du bien, sans pour autant lui remettre les idées totalement en place. Il risqua un regard vers sa compagne, mine de rien.
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Un peu pour se moquer, mais surtout pour se décharger de la pression qu'elle avait sur les épaules à l'idée d'affronter à l'épée le Capitaine de la Garde Royale, Mina rit tout bas quand elle vit Beltran vaciller sur ses pieds.
Il semblait déjà presque... timide avec elle dans le Collegium des Hérauts, il était certain que son honneur aurait du mal à s'en remettre si il se cassait la figure en plein milieu du couloir.
Bien sûr, Irmingarde n'aurait jamais pensé que Beltran fut capable d'un vol quelconque, mais la question avait été posée à dessin, afin de prêcher le faux pour savoir le vrai. Mais il parut réellement vexé que la jeune femme ait pu le penser réellement. Normal, c'était un homme d'honneur, elle comprenait parfaitement.
Cela dit, le but de sa question fut atteint, elle appris la vérité.
Elle mit plusieurs minutes de marche, enfin dehors, pour vraiment réaliser la portée de ce qu'il avait dit.
Un cadeau!
Beltran avait prit manifestement le temps de l'étudier, elle, pour réfléchir à l'épée qui lui conviendrai parfaitement, tant au niveau du poids, que de l'équilibre, la maniabilité. Il était allé voir un forgeron pour lui expliquer en détail ce qu'il souhait, il avait pris du temps pour elle.
L'idée même la clouait presque d'étonnement. Parce qu'on ne lui avait jamais fait de cadeau.
Pour marquer ses anniversaires, dans les Holds, comme toutes les femmes, elle avait le droit à un laius sur les responsabilités du sexe faible.
Les seuls cadeaux qu'elle avait eu dataient de son arrivée à Haven, et c'était bref. Le jour du marché de la St Jean, Dame Riannon lui avait donné une pièce pour s'offrir un beau tissus et Saskia avait prit le temps de lui confectionner une robe.
C'était tout.
Arrivée devant le terrain d'entraînement, Mina s'arrêta vraiment, pour admirer la pièce qu'elle avait dans les mains.
La robe, si elle avait économisé ses gages de chef des pages ou son argent de poche de grise, elle aurait pu se l'offrir. Mais une telle épée, jamais!
La jeune femme n'y connaissait rien en arme, mais elle en avait vu quelques unes, et celle qu'elle avait dans la main, il était clair qu'elle était d'excellente facture, et qu'elle avait du coûter très cher.
L'idée qu'on puisse dépenser autant pour elle la remplissait à la fois d'embarras et de joie.
Elle soupesa l'arme avec délectation. Jamais elle n'avait pensé prendre plaisir à manier un tel objet si dangereux, mais l'épée était vraiment faite pour elle, légère, maniable (enfin, en théorie, en pratique ce serait bien autre chose), parfaitement adapté.
Elle passa un doigt, très légèrement, sur la lame pour en éprouver le tranchant.
La gorge serrée, elle regarde Beltran dans les yeux et lui dit:
"Je la garderai jusqu'à la fin..."
L'expression était dure, mais juste. On ne parlait pas de vieillesse dans le corps des Hérauts. Parce que souvent, la vie était courte au service de son royaume. Tout comme accepter de tuer, accepter d'être tué était une réalité à prendre en compte.
"Mais tu es fou de m'offrir une telle chose. Jamais, jamais on ne m'a fait un tel présent, ça a du te coûter beaucoup trop d'argent, je ne le mérite pas... "
Elle tendit la main vers son avant bras et l'effleura:
"Merci Beltran."
Puis la jeune femme se tourna vers le terrain entraînement et essaya de se donner un peu de courage pour dire au Capitaine:
"Alors allons-y, fait moi tomber dans la boue, donne moi des bleus, ce genre de chose non?!"
Elle aperçut Ezarell de l'autre côté de la barrière et courut vers elle pour enfouir son visage dans sa crinière et y respirer son odeur, un peu de motivation supplémentaire.
Puis elle rejoint Beltran et se permit de lui faire remarquer:
"C'est pas pour essayer de me défiler mais... en général, dans les combats, les guerres, on ne met pas les Boutefeu à l'abri, derrière les premières lignes, parce qu'ils sont trop... précieux?"
Elle ponctua sa question d'un sourire innocent. Elle ne s'imaginait pas précieuse évidemment. Mais sa question était logique. Elle n'aurait absolument pas besoin des mêmes connaissances qu'un autre Héraut en ligne directe.
Reculant de quelque pas, elle se plaça, un pied en avant, l'épée levée devant elle et appela:
"Allez, en garde Capitaine!"
La cadeau l'avait mit d'humeur joueuse, et elle voulait en profiter le peu de temps que ça durerait avant qu'elle ne crie au secours. Elle avait encore besoin de défouler la peur qu'elle avait de cet entraînement en faisant la brave, même si là, ça frisait l'inconscience de provoquer Beltran.
La position qu'elle avait adoptée était ridicule.
Irmingarde était debout, au milieu du terrain d'entrainement, tenant son épée comme on tient une cuillère de cuisine.
Vraiment ridicule.
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Beltran avait l'impression d'être un adolescent empoté depuis une bonne dizaine de minutes déjà. Extérieurement, il savait encore à peu près donner l'image du Capitaine qu'il était, mais intérieurement il avait peur de passer pour un véritable bouffon devant la donzelle qui avait réussi à abattre ses barrières habituelles. Quand il faillit tomber, il fut poignardé par le rire étouffé de la jeune femme et il mit un certain temps à s'en remettre. Heureusement, un silence s'installa entre eux après ses déclarations. Il put enfin se ressaisir mais c'était pour mieux attendre le verdict d'Irmingarde. Allait-elle décider de garder l'arme? L'aimait-elle? Lui en voudrait-elle de tenter une approche aussi subtile?
La lame était fine, équilibrée, et l'épée aurait été un modèle de sobriété s'il n'avait pas fait faire une garde plus élaborée, gravée. Pour plus de confort, elle était doublée de cuir, et il savait qu'elle s'adapterait à la main de Mina. Mais il ignorait si la jeune femme serait, elle, à l'aise avec.
Une fois devant l'endroit choisi pour leur entraînement - facilement reconnaissable à la présence du canasson de la dame - Irmingarde prit enfin le temps de regarder vraiment son cadeau (et Beltran de paniquer intérieurement sans en rien montrer extérieurement). Cela dura terriblement longtemps puis les regards des deux compagnons se rencontrèrent et la déclaration de la Grise calma la brûlure des vexations subies précédemment.
Beltran était bien conscient de ce qu'elle entendait par "la fin". Il était soldat et ne se leurrait pas. Bizarrement l'idée de perdre Mina l'angoissait plus que d'habitude - il s'était endurci, refroidi, et maintenant son petit cercle de femmes l'avaient "ramolli". Il fallait se ressaisir réellement maintenant, se morigéna-t-il mentalement.
"J'ai de l'argent à foison. Je suis un fils de Greenhaven en plus d'être Capitaine. Ca n'a pas d'importance, l'argent, dans ce cas, et tu as été plus que brave en mission, tu l'as méritée mille fois."
Il se troubla quand elle l'effleura et le remercia mais elle sembla aussi gênée que lui et se détourna. Il reprit contenance puis soudain éclata de rire:
"Je suis méchant mais quand même pas à ce point."
Il se surprit à avoir des idées mal placées à la mention de la faire tomber dans la boue, mais cela n'aurait guère été galant de présenter ce genre de proposition à sa partenaire. Celle-ci s'enfuyait déjà avant le premier combat pour se coller à Ezarell. Elle revint cependant très vite et fit une remarque pertinente. Beltran s'y était préparé et répondit immédiatement.
"Oui en arrière, et comme ça si on est pris à revers, tu seras la première à mourir parce que tu ne sais pas par quel bout prendre ton épée. Ou si un assassin arrive et tue tout le monde autour de toi, tu vas lui dire "bonjour monsieur l'assassin, attendez que les secours arrivent, j'ai pas pris de cours d'armes, mon épée sert d'ornement, mais je vous promets que dès que les autres sont là, vous allez recevoir la fessée". Ton Don est précieux pour eux, toi tu es précieuse pour moi et tes amis, tu dois savoir te défendre au moins le temps de repousser quelques attaques et attendre qu'on t'aide. C'est pour ça que j'insiste."
Le sourire d'Irmingarde était trop franc pour que Beltran ait envie de lui mettre le nez dans les évidences, mais c'était nécessaire, et il adoucit l'humour peu agréable qu'il avait mis dans son discours en lui souriant aussi.
Puis elle fit une chose stupide et Beltran s'étonna de ne pas l'avoir vue aussi légère depuis... toujours. Il regarda sa position et ne put s'empêcher de secouer la tête d'un air grave.
"Ne bouge pas." lui fit-il.
Il la rejoignit et lui prit le bras.
"Ce n'est pas une épée lourde, tu n'auras pas à la manier des deux mains, mais d'une seule. Bras souple mais pas si bas. Si tu es face à un homme plus grand et fort que toi, c'est la souplesse et l'agilité qui te sauveront. Sois souple et tu ne casseras pas. Si tu es raide, c'est facile de te casser. Pense au bois. Vert et tendre, souple, il plie mais rompt difficilement. Sec et tout dur, il casse et s'effrite. C'est pareil."
Il modifia d'une main la position du bras et lui remit l'épée correctement en main. Ce n'était pas une cuillère.
"Regarde droit devant toi. Ton adversaire tu dois le regarder, mais pas le fixer. Si tu te concentres terriblement, tu ne verras pas les détails. Si tu le regardes ... disons souplement, tu verras le début des mouvements, avec un peu d'entrainement."
Il passa derrière elle et lui mit fermement les mains sur les hanches avant de lui expliquer tranquillement:
"Souple ici aussi, prête à réagir, à esquiver. Ne va pas au combat directement, vois les options. Le principal chez toi sera d'esquiver les coups, pas de les donner. "
Il vérifia que les hanches bougeaient librement. Ensuite il remonta sa main dans son dos presque comme une caresse:
"Ne te raidis pas, il faut que tu sois libre de tes mouvements, et ils prennent tous leurs bases dans le dos, la colonne vertébrale."
Il lui parlait à l'oreille, conscient de son corps tout prêt. Sa main se posa à plat entre les omoplates de la jeune Héraut. Il lui dit doucement, presque dans un souffle:
"Souplesse et équilibre. Es-tu en équilibre?"
Il lui donna soudain une poussée ferme du plat de la main.
[Je te laisse décider si tu as un minimum d'équilibre, avec ta position des jambes. Si oui, la poussée de Beltran n'est pas suffisante pour te faire tomber mais assez pour te faire vaciller. Si tes jambes ne sont pas correctement placées, c'est à dire en gros légèrement écartées, l'une en point d'appui légèrement devant, et l'autre légèrement en arrière, comme pour les arts martiaux, tu vacilles et trébuches. Tu n'es pas obligée de tomber.]
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Irmingarde fut touché qu'il lui accorde autant de valeur pour son rôle dans la mission.
Si elle savait que Beltran n'était pas le dernier des gentilhommes de Valdemar, elle ignorait que sa noblesse était aussi "élevée", et un instant, elle se sentit gênée.
Bien sûr, elle avait côtoyé quelques nobles depuis son arrivée à Haven, mais elle n'avait fait que les croiser. Elle restait persuadée que ce genre de personnes étaient inaccessibles aux personnes de sa condition. Oui, elle était une apprentie Héraut et elle aurait à fréquenter légèrement cette haute classe de la société, mais elle était avant tout une pauvre Hold qui n'avait pas l'habitude de ces gens là. Elle chercha à en plaisanter:
"Oooh, Sire de Greenhaven, je vous prie de m'excuser!"
En revanche, elle blanchit dangereusement quand Beltran lui expliqua avec un calme effrayant ce qui pouvait lui arriver, un jour. Tout au fond d'elle même, elle le savait bien, mais l'entendre avec autant de précision lui donna un frisson qui la parcouru des pieds à la tête. Il avait parfaitement raison. Et c'était loin d'être rassurant!
Quand elle eut finit de faire le clown, elle vit arriver Beltran et sut que les ennuis allaient commencer pour elle.
Être souple? Elle?
L'image qu'il donnait était utile cela dit, même si s'imaginer être fait de bois n'était pas facile.
Sauf qu'elle était tellement tendue qu'il était difficile de garder la position qu'il avait donné à son bras. Comme une corde, il se tendait de nouveau dès qu'elle essayait de le plier.
Bon, ça se travaillait ça non? Jusqu'à ce que ça devienne automatique. On ne pouvait pas être parfait tout de suite hein?
Le résultat, c'était un bras à moitié tendu mais pas vraiment souple.
Bien, le regard, ça, ça devrait être plus simple. Sauf... Sauf quand celui qu'elle devait imaginer comme un ennemi était Beltran qui avait prit son regard de professeur intransigeant. Surveiller son visage, mais aussi tous ses mouvements?
"Je dois quoi, essayer de voir dans ses yeux ce qu'il compte faire comme geste?"
Comment on faisait pour voir ce genre de chose? Elle n'était pas empathe, elle ne lisait pas dans les pensées. Mais soit, elle s'efforça de faire courir son regard de façon globale pour évaluer les dangers potentiels.
Irmingarde se raidit ostensiblement quand le Capitaine passa derrière elle et posa ses mains sur ses hanches. Jamais, au grand jamais un homme ne l'avait touché comme ça. Pas depuis... son frère, et ça n'avait rien à voir avec maintenant. C'était une pression claire autour de sa taille pour lui expliquer ce qu'il fallait faire mais respectueuse néanmoins, professionnelle.
Elle était horriblement gênée et avait juste envie de partir en courant, mais elle dut prendre sur elle pour essayer d'interpréter ce que venait de lui dire Beltran.
De la souplesse? Avec lui derrière elle qui la tenait ainsi? Il plaisantait non?
Peut-être pas. Beltran n'avait aucune idée de ce qu'il lui passait par la tête. Il n'imaginait pas que c'était la première fois pour elle qu'un homme la touchait - avec son consentement, enfin c'était tout comme - et qu'elle crevait d'envie de le pousser loin d'elle et s'enfuir en hurlant tellement elle avait peur.
Mais un ennemi... Un ennemi se ficherait qu'elle ait peur. De son passé, de ses choix, de ses angoisses. Un ennemi pourrait même la violer. C'était la réalité. Irmingarde devait penser à sauver la vie des autres, et la sienne.
Elle acquiesça, s'éclaircit la gorge et prit une respiration, qui mourut quand il passa la main dans son dos.
Elle se tendit encore plus, se dandinant quelques secondes, décalant ses pieds, le droit trop en avant par rapport au gauche.
Puis quand le Capitaine se pencha pour lui parler à l'oreille, elle sursauta, surprise parce que sentir son souffle aussi près d'elle, cela lui faisait peur, mais ça faisait autre chose aussi, d'indéfinissable, dans le creux de l'estomac.
Elle n'eut cela dit pas le temps de se poser plus de question parce qu'il la poussa, et qu'elle tomba lamentablement, la tête la première, dans la boue. Mais elle eut l'idée de mettre son épée sur le côté, de façon à ce qu'elle ne tombe pas dessus.
Elle fit des gestes saccadés pour sortir de sa position ridicule, s'essuya le visage avec une manche de son uniforme et, assise dans la boue, le regarda et fit une moue boudeuse:
"Je t'avais dit que tu aurais du travail avec moi! Je suis même pas capable de rester debout!"
Mina se leva, se salissant encore plus les mains en les posant au sol, puis respira calmement quelques secondes et se concentra pour répéter ses gestes. Loin de ses mains, c'était plus simple, mais elle n'allait pas lui dire une telle chose.
Elle tendit le bras droit tenant son épée, toujours trop raide et regarda ses pieds pour leur trouver une position qui ne la ferait pas tomber. Ce faisant, elle ne regardait pas "l'ennemi", évidemment.
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Beltran retint son envie de tirer la langue comme un gamin à Irmingarde et se contenta de s'incliner profondément:
"Pour vous servir, ma Dame." fit-il très sérieusement.
C'était plus simple d'aborder avec d'abord un peu d'humour ce qui ensuite pouvait potentiellement poser problème. En parlant de problème, il dut reprendre un ton plus sérieux pour rappeler à la jeune femme que son rôle de Boutefeu n'allait pas suffire à la protéger tout le temps. Il fallait désormais passer à la pratique et le Capitaine commença par les bases. Il avait réussi à plaquer sur son visage un air sérieux de circonstance, et c'était parfait pour cacher ce qu'il ressentait à l'intérieur. Ce petit jeu qu'il eut avec Mina, il l'avait eu plusieurs fois quand il avait donné des cours, mais à l'époque, il le faisait pour déstabiliser son élève et lui montrer ses erreurs. Cette fois-ci, ce but n'était finalement qu'un prétexte pour pouvoir la toucher, la sentir proche. Son odeur, ses cheveux, la courbe de son dos... Il savait se maîtriser mais il se torturait lui-même.
Quelques tentatives plus tard, la main de l'homme atteignait son point final... et Irmingarde se retrouvait allongée dans la boue. Elle avait eu le réflexe d'écarter l'épée pour ne pas se blesser. C'était déjà ça.
Beltran reprit un ton docte:
"Le regard n'est pas tout. Dans le regard de celui qui te fait face, tu peux deviner son mouvement... Mais c'est surtout que si tu te concentre sur ça, des petits détails du reste de son corps peuvent être plus facilement captés par tes autres sens... Mais contre un adversaire qui n'a pas d'yeux, ou que tu ne peux pas voir... Il faut être prête à tout."
La jeune Grise dans la boue semblait un peu déconfite, et Beltran lui sourit:
"Je savais ce qui m'attendait, ne t'inquiète pas. Récupère ton épée, et debout maintenant."
Il ne lui proposa pas sa main pour se relever. Quand il l'avait touchée, il avait senti qu'elle s'était raidie, elle avait même sursauté, et il ne voulait pas trop s'imposer dans son espace vital... pour le moment. Une fois Mina debout, il lui fit de nouveau face. Elle trouva une position plus stable et tenta de reprendre une manière souple de tenir l'épée. Ce n'était pas encore ça ...
" Plus souple le bras. Si je frappe ici (il joignit le geste à la parole et donna un petit coup tout près de la jointure du coude, sur l'avant bras) tu lâcheras facilement l'épée. Souplesse, souplesse, ... Sais-tu danser? Sais-tu nager?"
Oui Beltran avait des questions bizarres. Se moquant de la boue, Beltran plaça sa main sur le plexus solaire de la Grise et appuya fermement pour éprouver le nouvel équilibre de sa compagne.
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Mais c'est qu'il pouvait être un vrai noble avec des manières de Seigneur!
Irmingarde haussa un sourcil et conclut cet échange par:
"Je serais curieuse de te voir évoluer parmi les personnes de haut rang..."
Enfin, pour le moment, il était surtout en train d'essayer d'inculquer quelques bases de combat à une jeune femme couverte de boue et pas très fière de son allure et surtout de ses capacités... inexistantes.
Les paroles de Beltran était pour elle du charabia. Un adversaire qui n'a pas d'yeux? Bêêh... Imaginer ça lui tira un grimace peu gracieuse.
"Essayer de faire confiance à ses autres sens? Je n'ai même pas le sens de l'équilibre, en revanche..."
Elle montra d'un signe de tête son Compagnon et sourit:
"J'ai un avantage certain. J'ai une paire d'yeux en plus, ainsi que ses sens à elle, mais je suppose que je dois apprendre à me défendre sans son aide pour parer à toute éventualité. Tout comme j'ai besoin d'apprendre à me défendre avec elle, parce qu'un Héraut ne va pas sans son Compagnon..."
Vaste, très vaste sujet de réflexion. Beltran n'était pas un Héraut. Saurait-il l'exercer à la mesure de son poste particulier?
Elle n'en doutait pas, non, elle ne doutait certainement pas des compétences du Capitaine. Il était à la tête des gardes du royaume. C'est de sa capacité à elle, à apprendre tout ça, dont elle doutait fortement.
Mais elle n'allait pas laisser tomber parce qu'elle se rendait compte de la complexité de sa position, et sans compter son don!
"Un simple exercice de plus maîtrisé pourra un jour te sauver la vie mon Élue."
"Et j'en ai bien conscience 'Za."
Le Capitaine se rendait-il lui compte de ce que sa jeune élève venait de comprendre? Peut-être, en tout cas, elle se concentra sur ce qu'il lui dit.
"Aie!"
Elle n'avait pas vraiment mal là où il l'avait à peine tapé. C'était juste un bête réflexe. Qu'elle devrait perdre si elle ne voulait pas se trahir face à un ennemi. Dire "aie" à un danger était aussi ridicule de ne pas savoir manier son épée.
Partant de là où il l'avait touché, Mina chercha à rendre plus souple son bras. Le résultat fut un peu plus probant que tout à l'heure, enfin, elle trouvait.
Quand il appuya sur elle de nouveau, elle fut partagée entre plusieurs sentiments.
Tout d'abord, elle pensa d'abord à rester debout. Elle vacilla, recula de quelque pas et dut plier la jambe gauche, mais elle ne tomba pas.
Ensuite, elle lui jeta un regard qui dut certainement ne pas être charitable. D'abord il l'avait prise au dépourvu, ensuite il lui avait fait extrêmement peur quand elle avait vu la direction que prenait sa main. La grise lissa bêtement son uniforme sale là où Beltran l'avait touché.
Et puis c'étaient quoi ces questions bizarres?
Mina répondit néanmoins, sarcastique:
"Danser, moi? Bien sûr que non je ne sais pas danser. A quelle occasion aurais-je appris à me pavaner de la sorte? Quant à nager... Je pense que je saurai rester à la surface en me débattant assez, ça s'arrête là."
Elle regarda autour d'elle en quête de quelque chose. Elle ne savait pas trop quoi.
Puis elle comprit. Elle cherchait quelque chose à faire brûler. Pour passer sa frustration.
Et pendant ce temps son épée pendait misérablement sur le côté, et elle n'était absolument pas concentré sur le reste.
Voilà qui promettait!
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Beltran savait pertinemment qu'enseigner le maniement des armes à une novice n'était pas qu'une partie de plaisir même quand elle était aussi jolie. Il lui sourit cependant sans perdre patience et répondit:
" Tu dois développer tes sens, évidemment. A commencer par l'équilibre. Pour le moment, je voudrais que tu travailles sans l'aide d'Ezarell. Quand tu auras acquis tes compétences à toi, on pourra travailler sur l'association de vos compétences à toutes les deux."
Il précisa, appuyant sciemment sur un point sensible:
"Mais en effet, c'est vital que tu saches utiliser au mieux tes avantages, et ton Lien en est un, comme tes autres Dons."
Le capitaine était content que son élève soit tout de même réaliste. Il n'avait jamais entraîné de Héraut si spécifiquement mais il avait déjà travaillé avec des Blancs confirmés et ne doutait pas qu'Ezarell y mette du sien pour que Mina se retrouve à prendre une épée par le bon bout ET en plus savoir l'utiliser sans se blesser elle-même au bout du compte.
En parlant d'épée, elle la tenait un peu mieux mais l'exercice devrait être répété bien souvent pour que Beltran se considère comme satisfait du résultat. Il n'avait pas cherché à blesser Irmingarde et son cri de douleur le surprit. Il la regarda cependant sans rien dire chercher une meilleure position avant de reprendre ses attouchements professionnels.
La jeune Grise avait réussi à trouver une position plus équilibrée. Mieux, elle réussit à rester debout et à comprendre instinctivement le geste qu'il fallait avoir pour maintenir son équilibre. Il soutint sans broncher le regard étrange (furieux?) de la jeune femme. Il se rendit compte un peu tard que la poitrine d'une femme n'était peut-être pas le meilleur endroit à toucher pendant un exercice - l'habitude de fréquenter et entraîner des hommes. En tant que professeur, il n'avait pas à s'excuser mais il se promit de faire attention.
Vinrent ensuite les questions, mais les réponses étaient les plus amusantes. Beltran laissa échapper un sourire en coin:
"Tu devras apprendre à danser un minimum en tant que Héraut, pour tenir ton rang. Mais je te demande ça surtout parce que danser aide à trouver son équilibre interne. L'escrime par exemple est comme une danse. Et toi avec ton gabarit et les leçons que je prévois, tu apprendras l'escrime et toutes les "danses" armées. Tu ne vas pas apprendre le rapport de force, tu perdrais forcément. Et la nage, c'est comme ça aussi: apprendre à maîtriser tout son corps. De plus, si on t'attaque près d'une rivière, ou si tu as besoin de te calmer, un bain froid fait toujours du bien."
Il n'ajouta pas qu'il aurait bien besoin d'un bain glacé à ce moment précis. L'idée de Mina trempée... Il détourna aussi le regard une seconde avant de revenir sur sa compagne un peu plus serein.
Il dégaina sa propre épée et se mit en position devant elle.
"Tu as quel réflexe si je fais ça?" demanda-t-il.
Il fit semblant d'abattre lentement son épée.
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La suggestion du Capitaine était parfaitement juste. D'abord apprendre seule à savoir se défendre, et ensuite avec son Compagnon. Cela se tenait.
Beltran n'avait pas l'air d'être à particulièrement à l'aise avec les manifestations bizarres des Hérauts. Les dons, les conversations mentales. Mais il avait le mérite de savoir analyser ce que tout cela impliquait, ce qui n'était pas peu de chose!
Elle faillit se laisser tomber dans la boue, de dépit, quand elle apprit qu'elle devrait savoir danser.
"Apprendre à danser? Par les dieux, apprendre à me battre ET à danser, c'est bien trop de choses en même temps, je crois que je préfère savoir défendre la vie des autres et la mienne plutôt que... me dandiner maladroitement devant la cour!"
Irmingarde écarquilla les yeux devant l'ampleur de ce que le Capitaine voulait lui apprendre:
"Tu vas m'apprendre tout ça? Tu es fou, ça va prendre des siècles! Et puis je perdrais sûrement au corps à corps, mais il faudra bien que tu m'apprennes quelques trucs pour arriver à me sortir de situations...compliquées... Là où il faut taper, pour éloigner ceux qui sont trop près..."
Donc, en gros, elle lui disait qu'elle avait trop à apprendre mais demandait d'en apprendre plus. Contradictoire.
Mina trouva Beltran songeur, et ce n'était pas la première fois depuis le début de l'entraînement. Elle aurait bien voulu savoir ce qu'il se passait dans sa tête.
Elle blanchit quand il sortit son arme. Son réflexe?
Elle recula de plusieurs pas.
"Je m'enfuis?"
Se mordillant la lèvre, elle fit finalement quelque pas vers lui en s'expliquant:
"Désolé, mais tu fais un peu peur tu sais? Te voir manier ton épée, tu es le Capitaine de la Garde, ça impressionne!"
La jeune femme se concentra quelques secondes, les yeux baissés, pour essayer de se mettre dans la peau d'une Héraut au combat, puis regarda Beltran droit dans les yeux en levant son épée, terrifiée, pour essayer de la placer dans un angle particulier, soit perpendiculaire à sa lame, pour parer le coup, enfin, c'était ça l'idée, dans sa tête.
Et entre la théorie et la pratique, il y avait souvent un royaume entier!
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Beltran regarda la mine déconfite d’Irmingarde à l’idée d’apprendre à danser et nager. Il comprenait que cela pouvait faire beaucoup à apprendre en revenant de mission, mais elle devait être consciente qu’être une Héraut n’était pas une sinécure et qu’elle devait mettre de son côté toutes les chances de survie (et savoir danser était un réflexe de survie quand elle aurait à faire son service auprès des monarques pendant certaines fêtes par exemple, surtout maintenant qu’elle était amie avec la fiancée d’Arthon).
« Tu sais que c’est nécessaire. » prit-il cependant le temps de répondre. « Si tu ne sais pas danser, tu ne passeras pas … inaperçue lors des représentations officielles et cela va bientôt faire partie de tes devoirs de Héraut. Je t’apprendrai aussi, on m’a forcé à savoir danser dès mon plus jeune âge, même si je te comprends : une épée est plus facile à manier qu’avoir le rythme dans un menuet… »
Il se permit un sourire en coin :
« Quitte à fuir mon bureau quelques heures, je peux bien t’apprendre le plus de choses possibles. Danser, nager, te battre… »
Elle voulait apprendre les « choses utiles ». Bon, ça, Beltran voulait bien mais pour lui, tout ce qui concernait les armes était utile, et il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce que voulait dire par là la jeune Grise. Très franchement, il répondit :
« Si c’est quelqu’un qui t’embête sans être … armé ou avec la volonté de se battre, mais plutôt de te toucher sans ton consentement, … vérifie d’abord que ce n’est pas quelqu’un qui te fait une blague. Si ce n’est pas le cas, il y a plusieurs techniques. La première c’est de lancer ton genou le plus fort possible entre les jambes de ton adversaire. Ca fait très, très, très mal. » précisa-t-il. « Ensuite tu peux aussi frapper avec le tranchant de ta main à la gorge. » (Il mima le geste près de sa propre pomme d’Adam puis continua : ) « Sinon tu frappes le nez de ton adversaire vers le haut avec le talon de ta main. »
Il mima de nouveau le geste, ramenant la main en arrière, visant son propre nez et rejetant la tête en arrière comme si le coup l’avait vraiment touché. Il n’était pas tellement conscient des pensées contradictoires de Mina et il préférait de loin se concentrer sur les aspects techniques de son enseignement plutôt que sur les aspects fantasmés. Il enchaîna immédiatement avec le deuxième exercice. La peur de Mina face au Capitaine armé pouvait être compréhensible… s’ils n’avaient pas été amis. Elle avoua qu’il était assez impressionnant et Beltran dut se retenir pour ne pas se rengorgé, flatté comme un coq de combat devant un poulailler entier. (Ce n’était toujours pas très rationnel ni très adulte.) Il hocha la tête :
« Si tu peux fuir, n’hésite pas. Mieux faut une Mina appelée « lâche »par les idiots ou les inconscients, mais en vie qu’une héroïne morte, je t’assure. L’honneur est important, mais il ne nécessite pas forcément de mourir pour lui. On discutera philosophie plus tard cependant, il y a trop à dire pour le faire dans la boue maintenant. »
Irmingarde avait cependant une autre possibilité, et après que Beltran lui ait souri bravement : « Je suis Beltran pour toi, mais aussi ton ennemi factice, concentre toi. » elle réfléchit et tenta une deuxième forme de défense. Ce n’était pas génialement exécuté mais c’était tout à fait ce qu’attendait le soldat.
« C’est à peu près ça. Tu pares le coup pour éviter de te faire trancher en deux, mais tu es consciente que ta force physique ne va pas t’aider contre la mienne. Quand tu lèves ton épée, c’est pour amortir le coup et le dévier un peu, mais il ne faut pas rester à l’attendre en dessous. Aies le réflexe de te décaler pour esquiver le coup. Un pas de côté. »
Il releva puis abattit lentement l’épée pour qu’elle ait le temps d’agir. Tout en précisant :
« Avec une arme longue, quand tu m’esquives, tu dois faire ton pas de côté en te rapprochant de moi pour me gêner si je retente de frapper. Si c’est une arme courte, essaye plutôt de faire ton pas de côté du côté de la main armée. Cela semble le plus dangereux, mais ça te permettra un jour de riposter en le gênant un peu plus. Si tu passes de l’autre côté, sa lame peut revenir plus vite. »
Il pensa subitement à un truc.
« Ah et je vais t’apprendre à bien tomber. Vu que tu es déjà sale… »
Un autre exercice viendrait rapidement… Il en avait plein en réserve. Cette première séance était là pour la mettre dans le bain, on verrait les détails un autre jour.
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L'argument était plus que séduisant. Savoir danser pour passer inaperçue. Le besoin de discrétion d'Irmingarde se disputait à son sens du ridicule.
Beltran admettait la difficulté d'apprendre à danser, et se proposa même de lui apprendre. Mina en eut des sueurs froides rien que d'y penser.
"J'accepte encore une fois ton aide. Mais il faudra trouver un endroit très, très discret pour ça, je ne souhaites vraiment pas qu'on nous surprenne dans une telle position..."
"Hum hum..."
"Plait-il?"
"Tu te rends compte du double sens de ta phrase mon élue?"
"Non, pas vraiment."
"Ca ne m'étonne pas."
"Peux-tu éclairer ma lanterne"
"Non, je m'amuse vraiment trop."
"Je suis sûre que si je posais la question aux autres Hérauts ils me diraient que leurs Compagnons ne sont jamais aussi moqueurs avec eux."
"Détrompe toi, nous avons tous un certain sens de l'humour, et savons nous en servir régulièrement. Tu n'es pas la première apprentie Héraut à qui son Compagnon doit apprendre les subtilités de la vie à cause de sa naïveté."
"Merci, c'est vraiment rassurant de se voir traiter de naïve par son Compagnon."
Lors de ce dialogue mental, Mina s'était tourné en direction d'Ezarell toujours à les observer au loin.
Elle tourna de nouveau son attention vers le Capitaine. Son regard s'assombrit quand il lui parla de la situation qu'elle craignait le plus.
Un coup de genou dans les parties? Son regard longea le corps de Beltran jusqu'à cet endroit précis, et elle se mit à rougir malgré elle en repensant au sauvetage raté dans la forêt de l'île qui l'avait amené à connaître le Capitaine beaucoup plus intimement qu'elle l'aurait voulu. Elle voulait bien le croire quant à la douleur d'un tel coup.
Elle observa le tranchant de sa main avec un nouveau regard. Oui, elle se souviendrait de ses techniques.
Elle fut étonné qu'un homme d'honneur comme lui lui dise que si elle avait l'occasion de fuir, il fallait qu'elle le fasse sans hésiter. Pour sauver sa propre vie. Elle le lui dit:
"Mais ce n'est pas bien..."
Lui-même semblait admettre la limite de ce raisonnement mais ne souhaita pas perdre du temps à pinailler là-dessus, préférant se concentrer sur le combat en lui même. Soit. Elle se concentra comme il lui demanda.
Il ne se moqua pas d'elle et du geste qu'elle avait fait pour se défendre. Bon, elle n'était pas si mauvaise alors. Essayer de sauver sa vie semblait instinctif.
La jeune femme fronça les sourcils quand Beltran lui expliqua dans quel position se mettre. Se rapprocher de son ennemi pour mieux le gêner? L'idée n'était pas mauvaise mais ne passait pas pour franchement sécuritaire aux yeux de Mina.
Mais elle suivit ses directives et se mit sur le côté gauche avant de se rapprocher franchement de lui et entrechoqua sa lame avec la sienne en essayant de la diriger vers la droite avec force. Qu'il y aille doucement ne l'empêchait pas d'essayer elle d'y mettre de la force!
Lui apprendre à tomber? Elle sourit en posant ses mains sur ses hanches, l'épée le long de la jambe.
"M'apprendre à tomber? Facile, je sais très bien faire ça!"
Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle et soupira:
"La lingerie va me détester quand je vais leur envoyer mes vêtements sales. Je vais avoir besoin d'une bonne douche. S'il ne faisait pas si froid, j'aurai pré-laver mon uniforme en allant directement dans la rivière mais je n'ai aucune envie de tomber malade. Je vais tomber tout court si je comprends bien."
Elle écarta les bras, le menton en avant, fataliste.
"Vas-y, pousse moi, je vais te montrer mon talent pour me retrouver par terre!"
Elle rit de sa propre blague.
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Beltran sourit à Irmingarde. Puis son sourire vascilla. La fin de la phrase de Mina venait de ramener certaines idées mal placées, et il ne savait pas si elle en était consciente, si elle jouait avec lui ou si elle était aussi innocente et naïve que le suggérait son regard.
« Hum… Oui, je comprends… Bien sûr… Oui, je… D’accord. »
Il faudrait peut-être qu’il revoit sa manière de discourir, parce que le manque de mots intelligents commençait réellement à se faire remarquer. Il profita de la conversation mentale de Mina avec Ezarell – trahie par son regard évidemment – pour reprendre un air normal et concentré. Cela lui permit de revenir au présent et de pouvoir répondre professionnellement à ses questions. Il se rendit compte qu’elle le regardait subitement un peu bas, et respira calmement pour éviter de réagir physiquement à cette caresse visuelle – le rougissement de Mina faillit passer inaperçu. Faillit. Le Capitaine revint à ses moutons et le cours continua fort heureusement. Sans avoir encore bougé, Beltran était épuisé.
Il secoua la tête :
« Ce n’est pas bien peut-être mais tu es plus utile vivante que morte. L’honneur ne fait pas tout quand ta vie est en jeu. Tu comprendras bien trop tôt. »
Les actions parlaient mieux que les mots et il lui expliqua ce qui allait dans son geste et ce qu’elle aurait à faire ensuite. Elle s’exécuta et Beltran sourit. Sans effort il résista à sa pression, content qu’elle ait osé bouger et qu’elle l’ait fait pratiquement correctement.
« Bien. » et il la laissa écarter son épée en ne résistant plus.
Elle commença à faire de l’humour et le blond lui rendit son sourire :
« Je ne sais pas trop si tu sais réellement tomber. Ne pas tomber sur ton arme, j’ai vu que tu sais faire. Tomber sans te faire mal du tout et pouvoir te relever très vite pour faire face au danger… »
Puis il secoua la tête :
« Et pour la lingerie, dis leur que c’est de ma faute et tu verras qu’elles vont te plaindre, puis te chouchouter. Et je doute que la rivière en hiver aide tes vêtements à être plus propres. »
Plus loin, l’eau était d’un vert boueux peu engageant. Il la regarda de nouveau, bras ouverts, le tentant de la voix et du geste. Elle rit et Beltran s’approcha d’un air plus sérieux sans répondre à l’humour. Il s’approcha doucement en la regardant dans les yeux. Il posa doucement une main dans le cou de Mina et la laissa doucement glisser puis aller jusqu’à l’épaule.
« Rappelle toi. Souple. Sois souple, flexible, et ne te raidis pas. »
Et son pied faucha la jambe de Mina pour la faire tomber. Il accompagna cependant sa chute de la main en se penchant en même temps pour l’amortir si besoin tout en lui laissant le champ libre de réagir.
-
Irmingarde pencha la tête sur la droite, circonspecte. Beltran faisait parfois de drôles de têtes quand il était plongé dans ses pensées. Peut-être en le prenant de court:
"Tu penses à quoi?"
Avec un peu de chance, il allait répondre avec franchise sans s'en rendre compte.
Elle ne polémiqua plus au sujet de l'honneur et de la fuite. Après tout, le Capitaine, de part son poste, était beaucoup plus expert qu'elle pour décider de ce qui se faisait sur les champs de bataille ou pas. Et s'il l'était encore en vie maintenant, c'est que ses préceptes étaient sages à suivre.
Il avait l'air satisfait de ce qu'elle essayait de mettre en œuvre. Évidemment, l'épée du Capitaine ne bougea pas d'un pouce sous sa maigre pression, mais elle avait entendu dire que l'adrénaline pouvait faire des miracles. Elle lui posa d'ailleurs la question:
"C'est vrai que la peur peut décupler les forces de quelqu'un qui se bat?"
Elle fit un geste de la main, comme pour balayer un argument qui ne tarderai pas à venir, elle le savait:
"Je sais bien qu'il ne faut pas compter là-dessus mais bon..."
Bien, tomber sans se faire mal pour mieux attaquer ensuite? Effectivement, c'était plus difficile qu'elle n'avait pensé au début. La jeune femme savait s’étaler lamentablement au sol, mais le faire avec classe et de façon utile, c'était autre chose...
Ses yeux s'écarquillèrent au maximum quand Beltran s'approcha et posa sa main dans son cou pour la caresser jusqu'à l'épaule. Un frisson lui parcouru le corps des pieds à la tête. A quoi jouait le Capitaine? A la déstabiliser?
Et comment faisait-il pour avoir les mains si chaudes alors qu'il faisait si froid? Il fallait forcément qu'il soit brûlant pour qu'il laisse sur sa peau une sensation de chaleur intense!
Il faisait ce genre de chose avec ses soldats?
Mina avait le cerveau embrouillé, et ça l'énervait prodigieusement de devoir courir mentalement après ses idées qui s'enfuyaient aux quatre coins de son crâne.
Et ce qui devait arriver arriva. Beltran lui fit un espèce de croc-en-jambe en traître.
Dans le court espace temps entre le moment où ses pieds décolèrent de terre et celui où elle toucha le sol, Irmingarde essaya de faire quelque chose de constructif pour chuter avec le plus de panache possible.
Mais tout ce qu'elle su faire fut de mettre son épée le plus loin possible sans la lâcher - elle ne préféra pas imaginer ce que dirait le Capitaine si elle osait lâcher son arme - et se recroquevilla. Mais la hauteur de la chute était beaucoup trop courte pour qu'elle se retourne - dans le but de tomber à genoux - et elle tomba directement sur son coccyx, ce qui lui arracha un cri:
"Aie! Alors ça, c'est fourbe Beltran!"
Néanmoins, elle se retourna rapidement, en flexion sur la paume de sa main gauche et le poing tenant son épée de sa main droite et la pointe des pieds. Elle observa le Capitaine par en dessous et eut un sourire mutin mais décidé en lui disant:
"Cela dit, une des première choses qu'on m'a appris au Collegium, c'est "Si tu tombes, emporte le plus possible d'ennemis dans ta chute"...!"
Et sans crier gare, elle lui sauta dessus en attrapant ses jambes pour le faire basculer.
Elle aussi pouvait se montrer imprévisible!
-
« A … rien. » éluda Beltran avec un sourire en espérant qu’on ne pouvait pas lire sa culpabilité sur son visage.
Il allait devenir un pro de l’improvisation et du masque du Capitaine respectable s’il fréquentait trop Irmingarde. Il se méfiait un peu de la Grise depuis qu’elle avait réussi à le prendre au dépourvu dans le couloir mais il se méfiait surtout de lui-même à cause des pensées parasites.
Il tenta de se concentrer sur son cours, et pria intérieurement pour que la jolie Liée d’Ezarell change rapidement de sujet. L’honneur et ce genre de choses étaient des sujets plus faciles pour lui, mais tellement complexes qu’il dut de nouveau trouver un moyen… de donner un autre rencard à la demoiselle – au final cela revenait effectivement à ça.
La pratique recelait moins de pièges oraux mais les traquenards de la chair n’étaient pas très loin, et Beltran s’en rendit compte lorsqu’il se surprit à trouver un moyen de toucher son élève sans avoir l’air d’être trop intéressé. Il avait déjà essayé ces techniques avec d’autres soldats, quoi que Mina ne pouvait pas s’en douter – et surtout à l’époque il n’avait pas eu des pensées détournées de son cours. Un soldat ou un futur soldat était un membre de la famille, une fille, un fils, et il était totalement asexué pour Beltran. Irmingarde avait le désavantage d’être « de la famille » mais pas asexuée et pas destinée à servir de nouveau sous ses ordres. L’attrait de sa peau, de son odeur était beaucoup trop facile à ressentir, surtout que le beau blond n’avait pas embrassé de femme depuis plus de huit mois !
« La peur, la colère, toutes les émotions fortes aident à être plus fort mais tu ne peux pas compter que sur ça. » confirma-t-il après sa question et sa remarque pertinente.
Le professeur se rapprocha de Mina et recommença son manège tactile. Elle ne s’y attendait pas, même s’il l’avait déjà fait. Elle frissonna – Beltran se retint de faire de même et se concentrer sur son objectif. Il fut atteint quand Mina alla dire bonjour à la boue pour la deuxième fois. Il accompagna sa chute et fut content de voir qu’elle avait tenté de suivre son conseil même si la réception n’était pas idéale.
« Je sais. » fit-il avec simplicité en réponse au cri frustré de la Grise.
Il lui fit un clin d’œil et admira l’étrange position qu’elle prenait avant de sourire :
« Le Collegium n’est pas si mauvais que ça alors ? »
Il était prêt à une quelconque action à cause de cette mise en garde mais le poids de la demoiselle le déstabilisa un peu… et puis ce n’était pas juste qu’elle soit la seule à gâcher ses vêtements. Sauf qu’il tomba donc plus volontairement que par accident et qu’il attrapa Irmingarde au vol avant de se mouvoir très vite pour la surplomber en l’écrasant à moitié de son poids. Elle pouvait largement respirer mais pas bouger. Il lui attrapa les poignets et la plaqua dans l’herbe sale.
« Coucou. » souffla-t-il. « Tu voulais me voir à terre, j’y suis. Et maintenant tu fais quoi ? » Il souriait et attendait réellement une réponse.
Pas forcément une réponse professionnelle.
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Zut. Zut, zut, zut, et re-zut. Maudit Capitaine secret! C'était raté pour cette fois, mais Irmingarde se promit d'essayer de nouveau. On ne pouvait pas être tout le temps sur ses gardes, même quand on s'appelait Beltran de Greenhaven.
Elle eut un sourire déçu et fataliste.
Bien, il lui confirmait qu'on ne pouvait pas compter sur sa frousse pour se sortir de situation désespérée. Le mieux était de ne pas se retrouver dans ce genre de situation que seule la peur pouvait débloquer. Si elle comptait là-dessus, ces efforts seraient vains, comme si elle se forçait à avoir peur pour être plus forte.
"C'est l'idée..."lui confirma Ezarell.
Bon sang, qu'elle avait mal au derrière! Est-ce qu'elle pourrait marcher autrement qu'en canard et s'assoir de nouveau un jour?
Même si elle se concentrait sur sa position furtive pour attaquer, ça la lançait, mais elle n'allait pas se mettre à pleurer sur un simple bobo aux fesses, sinon, elle n'irait pas bien loin dans les combats.
Quand Mina sauta sur le Capitaine, elle espérait arriver à le renverser parce qu'il serait trop surpris pour garder l'équilibre. Pendant qu'elle décollait du sol, elle se fit la réflexion que le Capitaine de la Garde devait savoir faire face à ce genre de réactions imprévue. Mais c'était trop tard.
Elle sentit bien en l'entraînant dans sa chute qu'il tombait parce qu'il le voulait bien, sinon, il y aurait eu plus de pression contre ses bras pour rester debout. Et il aurait chu de façon moins "propre".
La jeune femme se laissa quand même aller à un cri de victoire avant d'être soudainement dépassée par les événements.
Elle était censée poursuivre son saut après lui et se réceptionner, mais fut interrompue par Beltran qui, elle ne savait comment, l'avait attrapée pour la plaquer contre le sol et se coller tout contre elle.
Alors que son corps pesait contre le sien, la situation changea brutalement. Le décor aussi.
Irmingarde avait fermé les yeux pour éviter d'être aveuglée par les éclaboussures de boue, et quand elle les rouvrit, l'espace d'une seconde qui dura très longtemps, ce n'était plus Beltran au dessus d'elle, et ce n'était plus le terrain d'entraînement du Collegium des Hérauts.
C'était la réserve à grain de leur domaine dans les Holds, et c'était son frère qui l'empêchait de bouger.
Alors, même si un coin de son cerveau savait encore parfaitement où elle se trouvait en réalité, et avec qui, ce fut la panique qui la submergea.
Elle ne pensait pas à avoir si vite à mettre en œuvre tout ce qu'il lui avait appris. L'adrénaline. La défense de son propre corps.
Mina se tortilla avec la force du désespoir pour libérer ses poignets, mais puisqu'elle n'avait que ses jambes pour l'aider, elle lui donna un coup de genou dans les parties, pas très fort, parce que ce n'était pas facile de se mouvoir, mais assez pour en profiter pour se retourner sur le ventre, ramper, et, tout en glissant dans la boue, retombant au sol, se redressant avec ses bras, elle s'éloigna, et courut, une fois debout, à quelques mètres de lui.
Ezarell l'avait rejointe dans un hennissement et s'était plaquée à ses côtés, parce que la panique de sa liée nécessitait sa présence, autant pour la protéger que l'empêcher de faire une bêtise.
La jeune femme tenait son épée droit devant elle, basse, et tremblait.
Elle cria sur le Capitaine, la voix hachée:
"Ne refais JAMAIS ça! Ce n'est... Il ne faut pas... tu... Jamais..."
Sa voix baissa d'un ton mais était toujours aussi tremblante.
"Ne refais jamais ça..."
Elle baissa son épée, et on aurait pu croire qu'elle s'était calmée mais non. Elle s'énerva, les geste saccadés.
"Tu... tu disais tout à l'heure... quand... quand tu m'apprenais comment me protéger de... de vérifier si ce n'était pas, pas une blague..."
Sa voix partait dans des notes aiguës et frôlait l'hystérie.
"Mais même si c'est... si pour toi c'est pour rire, ce... ce n'est pas drôle Beltran! Quel... quel type d'humour vous avez ici? Je... ne refais jamais ça..."
Mina baissa la tête.
"J'ai eu très peur."
Il était inutile, dans l'absolu, de le dire tant ça c'était vu. Irmingarde passa son bras gauche autour du cou de son Compagnon, pour se réconforter, et pour se forcer à arrêter de trembler. Elle savait que sa réaction était abusive, mais elle ne pouvait pas se contrôler. C'était de trop mauvais souvenirs qu'elle tentait d'occulter qui revenait à la surface brutalement. Elle s'était senti agressée.
Elle foudroyait toujours le Capitaine du regard mais n'arrivait pas à se calmer.
"Ais-je le droit de mettre le feu à quelque chose pour passer mes nerfs?"
"Mhh, oui, tant que tu n’abimes rien de précieux."
"Je suppose que le Capitaine de la Garde est considéré comme précieux?"
"Parfaitement..."
"Bien, alors..."
La jeune femme concentra son don sur un gros morceau de bois à 2 mètre de Beltran, prête à le faire flamber. Elle avait envie de lui faire peur à lui aussi.
[A toi de décider si ça brûle ou pas]
-
Beltran sentit soudain que le malaise d'Irmingarde changeait brusquement de niveau. Quand il vit son regard se troubler, il ne comprit pas immédiatement que ce n'était pas une communication mentale avec Ezarell mais une vraie panique qui l'emplissait. Quand elle commença à se débattre, il se rendit subitement compte que ce n'était pas normal et qu'on sortait du contexte de l'entraînement. Il la relâcha subitement, sans pour autant pouvoir éviter le coup ( peu fort mais très douloureux ) à l'entrejambe et il ne tenta pas de la retenir. Dur quand on a les deux mains occupées. Les larmes aux yeux, il se força à respirer et à regarder vers Mina. Elle avait rampé dans la boue, s'était relevée pour rejoindre Ezarell.
"Irmingarde..."
Il était aussi désespéré qu'elle était paniquée, et il tenta de se relever pour regarder Ezarell.
"Je ne savais pas, je suis désolé."
Il n'était pas sûr de ce qui s'était passé mais les pièces du puzzle commençaient à s'emboiter dans son esprit. Le Compagnon semblait autant sur les nerfs que sa Liée et le Capitaine espéra qu'il n'allait pas aggraver les choses en se rapprochant. Mina le menaçait de son épée et sa voix trahissait sa grande peur et son émotion intense.
"Je suis désolé. Je suis désolé Mina."
C'était sûr et certain qu'il ne le referait plus jamais. C'était sûr, oui. Il leva les mains en geste de paix.
"Ce n'était pas que pour rire. C'est ... c'est utile normalement, mais j'aurai dû comprendre... Je suis désolé. Ce n'était pas de l'humour, c'était ..."
Il avait l'air idiot. Comment expliquer à Irmingarde que ce n'était pas de l'humour mais que oui, il l'avait pris à la légère, et qu'il n'aurait jamais deviné ce qui allait se passer.
La jeune Grise avoua qu'elle avait eu très peur.
"Je sais... Je suis désolé..." répéta encore une fois le Capitaine comme un petit garçon perdu.
Il n'osait pas avancer encore. Ezarell protégeait son Elue et il ne savait pas ce qu'il était censé faire pour aider son élève. Il avait encore mal mais c'était la jeune femme qui l'inquiétait.
Mina avait un regard étrange. Soudain une buche non loin partit en flamme. Une grande flammèche se tendit vers Beltran qui recula instinctivement. Soudain il redevint le Capitaine.
" Ca suffit! Ezarell, dis à ton Elue de se calmer. Utiliser son Don de cette manière n'est pas digne d'un Héraut."
En deux pas il fut sur Mina et la regarda droit dans les yeux:
"Je ne ferai plus jamais rien pour que tu te sentes agressée, et il est peut-être préférable que tu suives l'entraînement avec quelqu'un d'autre. Mais calme-toi, s'il te plait."
Derrière lui la buche continuait de flamber, le feu heureusement contenu par l'environnement humide.
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Les paroles d'excuses de Beltran mettaient du temps à l'atteindre. Parce que Mina n'était pas assez calme pour mesurer ses propos.
Elle ne voyait pas la mine désolée du Capitaine, ni son air penaud et coupable, parce que son regard était trop brouillé par la peur. Aucune pensées intelligentes n'arrivaient à se fixer dans son esprit.
Plus que les flammes qu'elle fit faillir et qui lui permirent enfin de décharger sa colère, ce furent les cris du Capitaine qui la firent revenir sur terre aussi brusquement qu'elle avait paniqué.
Et le secousse mentale de son Compagnon qui la fit presque tanguer sur ses pieds.
"Le Capitaine a raison! Tu as calmé ta colère, maintenant, reprend toi. Ce n'est pas sain de réagir ainsi! Je n'aime pas qu'on me parle ainsi mais je dois me ranger à son avis. Et ne dis pas trop de bêtise parce que je sens les mots se bousculer dans ta bouche mon élue."
Ezarell lui envoya une onde de calme et d'affection puissante qui, effectivement, empêcha Irmingarde de dire des choses qu'elle aurait regretté. Elle se contenta de maugréer:
"La dignité n'a rien à voir là dedans..."
Elle n'avait pas envie que Beltran arrête de l'entraîner. Il avait fait tomber quelques barrières, ce serait plus dur avec quelqu'un d'autre. Il ne pouvait pas savoir pour son passé. Il faisait juste son travail de Professeur. Et elle était incapable de ne pas tout faire tourner au désastre.
Même si cela lui coûtait beaucoup, elle lui dit:
"Je suis désolée aussi. Désolée de t'avoir fait mal, désolée d'avoir réagit si violemment. C'est juste que... enfin, il faut faire attention avec moi, voilà tout. Je ne veux pas de quelqu'un d'autre que toi pour m'entraîner. Tu es le meilleur, tu le sais. Et j'ai besoin de quelqu'un avec un caractère comme le tien pour supporter tout ce que je ne sais pas faire et tout ce que je complique avec mes réactions incontrôlées. Tu me connais un peu."
Les mots qu'elle avait eu du mal à dire s'étaient transformés en phrases sans le moindre effort pour former un discours honnête qui venait du fond du cœur finalement.
Elle se frotta les bras avec ses mains. La panique passée, elle avait froid.
"Tu continueras?"
Elle n'attendit pas la réponse et s'approcha des flammes qu'elle avait conjuré, et se pencha pour les couvrir de boue afin de les étouffer.
En se relevant, elle grimaça.
"J'ai horriblement mal aux fesses... Je ne sais pas quand je pourrais de nouveau m'assoir. Ni comment faire passer cette douleur. On ne fait pas de massage à cet endroit là..."
Elle retourna vers lui, la démarche malhabile, tout en essuyant la boue de la lame de son épée avec un pan de son uniforme.
"Et j'ai froid maintenant..."
La jeune femme préférait parler de tout et de rien, espérant lui faire oublier sa réaction ridicule.
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Beltran devait cacher à quel point le Don de Mina lui faisait peur. La magie n'avait déjà pas ses faveurs de base, mais il ne savait aussi que trop ce qui pouvait arriver quand le mage/le possesseur des Dons perdait le contrôle. A ses yeux, Irmingarde était justement en train de le faire, et il était terrorisé. Pour lui, évidemment, puisque la peur et la rage de sa compagne étaient dirigées contre lui, mais pour elle aussi. Il ne pouvait s'empêcher de la voir brûler de l'intérieur et il avait peur qu'elle ne puisse se retenir et qu'elle s'auto-détruise, réellement ou psychologiquement. Pour vaincre sa peur et la sienne, il avait pris son ton le plus sec possible, son ton de commandement, dès qu'il avait compris que les excuses ne suffiraient pas. Ezarell en avait pris pour son grade parce qu'elle n'avait pas réagi assez vite - mais le Compagnon était encore jeune, Beltran l'excusait, surtout qu'elle s'était exécutée assez vite.
Mina répondit finalement au capitaine qu'il n'était pas là question de dignité. Beltran n'était pas de son avis mais il n'avait pas envie de la contrarier plus que cela et il ne rétorqua pas ce qu'il avait sur le bout de la langue. Il enchaîna plutôt sur ses conclusions... et ne s'attendait absolument pas à ce qu'elle refuse qu'il arrête de l'entraîner. Ce qui l'étonna encore plus, c'est qu'elle prit sur elle pour s'excuser aussi.
" J'ai compris. Je ferai attention, je te le promets."
L'homme faillit rougir. Il savait qu'il était bon, mais s'entendre traiter de "meilleur" dans la bouche de celle qu'il connaissait de plus exigeante avait une saveur étrange après les accès de colère. Mais la Grise avait raison. Malgré la peur qu'il avait eu - qu'il avait encore, et malgré ces choses qu'il refoulait le plus possible, il n'allait pas laisser la responsabilité à quelqu'un d'autre de gérer ce genre de crise. Elle pouvait craquer à tout moment, et lui en avait fait assez l'expérience pour pouvoir l'empêcher d'aller trop loin. Du moins, il l'espérait.
"Si tu préfères, je le ferai." fit-il simplement à sa question directe, en priant pour qu'Ezarell puisse contrôler son Elue la prochaine fois.
Mina se réchauffait au feu qu'elle avait invoqué. Beltran se sentait gelé aussi mais les flammes étaient trop douloureuses pour lui pour qu'il accepte d'approcher pour le moment. Il fut secrètement soulagée quand l'élève Héraut s'occupa de faire disparaître les traces de son forfait. Quand elle se retourna vers lui avec des paroles tout aussi ambigues qu'auparavant, Beltran dut faire un effort pour ne pas répondre qu'il était d'accord pour lui faire des massages quand elle voulait, et il secoua la tête:
"J'ai entendu dire que les kestrach'ern faisaient des massages réellement efficaces partout, tu peux tenter d'en trouver un chez les guérisseurs."
Il approuva du regard le fait qu'elle nettoie son arme et se débarrassa lui-même aussi bien qu'il le pouvait de la boue qui le gênait et nettoya rapidement le plus gros de sa propre lame.
Puis il s'approcha d'Ezarell:
" Dame Ezarell, je suis un soldat, je n'ai pas l'habitude des courbettes et du langage fleuri sauf quand on m'y oblige. Je risque de vous parler souvent sur un ton qui ne vous plaira pas, tout comme je donnerai des ordres à Mina. Ce n'est pas contre vous, et j'espère que vous ne le prendrez pas mal. Je suppose que vous pouvez l'aider à se canaliser, ce serait une bonne idée et je vous remercie d'être intervenue."
Il n'était pas sûr que le blanc cheval l'ait fait mais il estimait qu'il avait donné un ordre et qu'on lui avait obéi. Un vrai capitaine quoi. Il s'inclina brièvement devant Ezarell en signe de respect - ses paroles s'étaient aussi adressées à Irmingarde mais il n'était pas sûr qu'elle l'ait pris pour elle.
" Tu as fait beaucoup d'efforts cette fois-ci, je ne vais pas te torturer plus longtemps. Je conseille qu'on rentre au chaud - ou tu veux que je te laisse un moment avec ton Compagnon? "
Il s'approcha d'elle et tendit la main pour enlacer ses épaules puis se retint pour ne pas la toucher:
"Tu acceptes que je te touches ?" demanda-t-il d'une petite voix gênée, bien loin du Capitaine sûr de lui dont il avait donné l'image ces dernières minutes.
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Irmingarde aurait préféré ne pas avoir à autant perdre le contrôle pour lui faire comprendre qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi avec certaines femmes. Il ferait attention, elle le croyait sincèrement, mais elle lui précisa, si jamais plus tard, il avait à faire à d'autres femmes qu'elle:
"Je sais Beltran. Mais fait attention. Je ne sais pas exactement quelles sont les mœurs des femmes de Haven, mais les femmes des Marches... nous sommes très différentes."
Elle lui adressa un mince sourire quand il accepta de continuer son entraînement. Comme pour sa racheter, elle lui glissa un autre compliment, sans se rendre vraiment compte de la valeur de ses assertions, comme toujours:
"Tu es brave, Beltran. Tu as peur, tu me l'a dit, et je le sais. Et pourtant, tu va contre ça, pour mon bien. Je ne connais pas les Nobles du royaume pour faire des suppositions mais toi, en plus d'être de noble naissance, tu as une noblesse d'âme. Je respecte cela."
Quand elle lui fit la remarque sur sa douleur sourde qui lui remontait à présent dans le dos - le froid n'arrangeait rien - elle lui lança un regard interrogateur et balbutia:
"Un Kestra quoi? Qu'est-ce donc que ce métier? Je ne connais pas. Des massages partout?" la jeune femme rougit "Je ne sais pas, je me renseignerais, mais c'est une chose très curieuse d'aimer masser les autres..."
Bien entendu, Mina n'avait aucune idée du plaisir que pouvait procurer un massage dans un contexte autre que professionnel. Son Compagnon ne considéra pas qu'elle avait besoin de savoir ça, pour le moment. Ce n'était pas à elle de l'instruire de ce genre de chose!
En revanche, Ezarell fut surprise par le Capitaine quand il lui adressa la parole. Elle mit quelque temps à composer une réponse à peu près diplomate, et la transmit à son élue.
Irmingarde sourit et dit à Beltran:
"'Zarell me dit de te répondre 'Je suis un Compagnon, je n'ai pas l'habitude de devoir répondre à autre chose que mon devoir, et mon élue. Mais pour la sécurité d'Irmingarde, je suis votre jugement. J'aide mon élue avec son don, je la protégerai toujours, parce que c'est mon rôle et que je l'ai choisie. Attention cependant à votre ton. Je sais que vous êtes le Capitaine de la Garde, mais moi je ne suis pas qu'un simple cheval, et je suis susceptible.'"
Elle ponctua sa transcription d'un éclat de rire. Son Compagnon drapé dans sa fierté, c'était quelque chose! Puis répondit à la question de Beltran:
"Je vais rentrer je pense. Je me suis occupé d'Ezarell ce matin, là, j'ai besoin d'un bon bain chaud plus que tout autre chose. Et de me renseigner sur ce que tu me dit, les massages et tout ça..."
Elle regarda sa tenue maculée de boue avec consternation.
"Je suis dans un état lamentable..."
La jeune femme fut surprise par le ton peu habituel qu'employait le Capitaine. Avait-il peur de l'approcher à présent? C'était un homme prévenant. Elle lui répondit avec délicatesse.
"Dans la mesure du... respect de mon intimité, je suppose que oui. Je te fais confiance. Même si c'est difficile pour moi."
Comme le moment était atrocement gênant, elle plaisanta:
"Mais tu dois m'apprendre à danser, n'oublie pas. Là, il faudra bien que tu me touches. Quand est-ce que nous reprendrons les entraînements et le cours de danse?"
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Beltran nota très sérieusement ce qu’Irmingarde lui répétait. Il ferait attention, c’était sûr désormais. Mais il n’était pas sûr que le comportement de la Grise vienne seulement de son éducation de Hold : il en connaissait d’autres et elles ne réagissaient pas aussi violemment à des gestes « anodins ». Non, de la part d’une Hold, il aurait attendu tout le contraire de cette agressivité et cette violence. Il n’insista pas sur ce point : quand son amie souhaiterait en parler, ou se confier d’une manière ou d’une autre, elle savait pertinemment qu’il serait là pour elle. En attendant, la seule chose qui comptait c’était de ne plus faire d’impair avec elle.
« Je ferai attention. » répéta-t-il une énième fois.
Il lui semblait que pour rassurer la jeune femme il allait devoir le répéter encore bien des fois pour que ça rentre dans sa tête. Il coupa cette assertion avec son accord pour continuer l’entraînement, et ledit accord fut accueilli favorablement par un autre compliment qui acheva de rassurer Beltran : si Mina lui parlait comme ça, c’est qu’elle n’allait pas lui en vouloir trop longtemps.
« Je fais mon possible. » répondit-il, troublé.
Il vivait selon l’honneur, comme il l’avait toujours fait, et il tentait de ne pas s’en détourner trop souvent malgré les tentations. Des tentations que les massages ramenaient sur le tapis. Il fut étonné qu’elle n’ait pas entendu parler des kestrach’ern. Mais elle venait de le rappeler : elle venait du fin fond de Valdemar :
« Ce sont des sortes de guérisseurs, en général tayledras, qui s’occupent de ton cœur pour guérir les angoisses, la douleur, ce genre de choses. Ca marche pas forcément mais ils sont très forts en massage. Il y en a au Collegium des Guérisseurs, et je suis sûr qu’il y en aura au moins un qui accepterait de t’avoir comme patiente. »
Il aurait voulu enchaîner mais il resta sobre et évita de préciser qu’un Kestrach’ern pouvait aller très loin dans ses « massages » :
« Certaines personnes vivent pour soulager les autres. Masser fait du bien, ils aiment faire du bien. »
Il lui fallut se concentrer ensuite pour s’adresser à Ezarell. Il n’aimait guère parler à un cheval, mais c’était juste un homme avec de longues dents sur lequel on pouvait monter – non ? Enfin, une femme, dans ce cas. En tout cas, il ne s’attendait pas à une telle réponse (transmise par Mina) mais il hocha la tête :
« Si chacun de nous sait ce qu’il a à faire, on peut s’entendre. Je sais que vous n’êtes pas un cheval, et je suppose que vous pouvez être susceptibles – toutes les deux- et je ferai attention, mais je n’exclue pas de parler sur un ton… de capitaine tant qu’Irmingarde sera sous mes… ordres en tant qu’élève. » prévint-il.
Le rire d’Irmingarde sonna clair dans l’air de plus en plus froid depuis que le feu était éteint et qu’ils se refroidissaient. La proposition du soldat fut accueillie par une large préférence pour un bain chaud et des massages. Il hocha la tête et regarda ses propres vêtements :
« Moi aussi. Finalement je crois que moi aussi je devrais avoir peur des blanchisseuses… »
Il se rapprocha d’elle puis demanda timidement s’il avait le droit de la toucher. Cela sembla étonner sa compagne qui apporta quelques précisions à leur relation.
« Je voulais juste te prendre par les épaules, comme je le ferai avec Saskia, ou Isabeau… » précisa-t-il en joignant le geste à la parole. Puis il rit aussi : « Je te préviendrai toujours d’abord et je mettrai des gants si tu veux. »
Puis il réfléchit – salua de la tête Ezarell et entraîna Mina vers la chaleur du Palais :
« Je pense que je pourrai me libérer une ou deux fois par semaine. Soit en début de matinée soit en début de soirée, comme tu préfères… En fonction de tes cours et de tes envies. J’ai de nouveaux lieutenants, ça me sera plus facile de déléguer de mon côté. »
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Comme à chaque fois qu'elle était intriguée, Irmingarde pencha la tête quand Beltran lui expliqua ce qu'était un Kestrach'ern. Elle livra son ressenti:
"Un guérisseur par le cœur? Curieux comme principe. Je me renseignerai je crois, nous verrons bien."
Se faire masser par une inconnue? L'idée n'était pas très attirante, mais en même temps, ses muscles commençaient déjà à la tirer, elle subodorait donc qu'elle en aurait bien besoin et que ça valait peut-être le coup de s'aventurer à tester ça. Il fallait bien qu'elle sorte un peu de ses habitudes de religieuse et s'ouvre au monde, sinon, elle allait se faner!
"Juste réflexion mon élue, tu ne pourras qu'aller mieux!"
Bon, si son Compagnon s'y mettait aussi!
Puis Ezarell refusa de répondre à Beltran à sa déclaration suivante. Elle estimait qu'elle en avait assez dit, et que de toute façon, il se rendrait compte bien assez tôt s'il dépassait les bornes avec elle.
Mina se contenta donc d'un sourire mystérieux pour réponse, traduisant le silence de son Compagnon.
Elle regarda le Capitaine de haut en bas. Avoir finit par terre ne l'avait en effet pas épargné avec la boue, et il perdait un peu de sa superbe comme ça.
Quand il lui dit qu'il utiliserait des gants, elle trouva la remarque assez anecdotique et en rit en précisant.
"Pas besoin d'aller jusque là tout de même, mais je te fais confiance pour faire attention."
Oui, il avait l'air d'avoir comprit et bien comprit, et même un peu trop, ce qui inquiétait quelque peu la jeune femme, mais elle n'y pouvait plus rien à présent...
Revenant vers le Colllegium, et sa chaleur salvatrice, Irmingarde sourit au Capitaine avec malice.
"Oh vraiment? Tu délègues? C'est parfait pour moi alors. On se voit la semaine prochaine pour la danse? J'ai beaucoup de cours de prévu à la fin de la semaine qui vont m'accaparer, mais par contre, je peux me libérer dans deux jours le matin pour un entraînement aux armes. Et puis cela te laisse le temps de trouver un endroit où je casserai le moins possible de chose en essayant d'être gracieuse!"
Elle plaisantait, mais elle était aussi angoissée pour la danse qu'elle ne l'avait été pour les armes. Elle pensait pouvoir être aussi dangereuse en tournant sur elle même qu'avec une épée!
Arrivée sur le seuil de Collegium, elle se tourna vers Beltran, et après une hésitation, posa sa main sur son avant bras pour y exercer une pression amicale.
"Merci Beltran, et encore désolée pour ma crise de nerf, je crois que je t'ai fait mal non?" elle rougit en jetant un coup d’œil là où elle avait tapé "Mais c'est que je suis bonne élève, j’apprends vite!"
Et sur un petit rire, elle s'échappa vers les dortoirs, et surtout, surtout, la baignoire!
[Je pense qu'on peut programme le cours de danse le lendemain du mariage secret d'Arthon nan?]
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Irmingarde confirmait : elle avait encore beaucoup à apprendre de Haven et de ses habitants – les habituels comme les invités. C’était bien d’avoir tant à apprendre. Cela présageait d’une vie intéressante ; mais comme le disaient les shin’a’hin, une des pires malédictions possibles était « puisse-tu avoir une vie intéressante ». Beltran garderait un œil dans les environs au cas où elle ait besoin d’aide pour découvrir tout ça – et le démon de l’aventure le reprit brusquement au corps : l’idée de retourner à son bureau pour s’enfermer après des mois de voyage ne lui plaisait plus autant qu’aux premières heures de leur retour.
La conversation entre la Grise et Beltran touchait à sa fin de par l’épuisement moral de l’un et de l’autre. Entre le « Cheval » et le Capitaine, ce n’allait pas être plus productif maintenant qu’ils avaient mis tous les deux les points sur les i. Les prochains cours s’annonçaient mouvementés.
Beltran dénonça l’état de sa tenue comme le probable coupable de la haine des lavandières, et tenta de détendre l’atmosphère en tournant l’éclat dramatique de la dernière heure avec un petit trait d’humour. Mina sembla comprendre mais sa réponse recelait quand même beaucoup de sérieux au goût du blond. Heureusement, la jeune femme se détendit quand ils se mirent en route pour rentrer. Le fait que Beltran soit plus libre semblait lui faire plaisir.
« D’accord. Si tu peux pratiquer les bases avec quelqu’un, pour les armes, par exemple avec Isabeau, vu que vous avez un peu le même niveau, ou avec Elbereth qui s’en sort pas mal, n’hésite pas. Entre amis, tu seras peut-être plus à l’aise. Enfin, quand on aura un peu avancé. »
Puis il lui sourit :
« On trouvera une vraie salle d’entraînement s’il le faut mais je prévoirai quand même des habits facilement lavables, parce que même moi je risque de gros ennuis si je rentre plusieurs fois de suite dans cet état…. »
Il nota ses disponibilités mentalement. Ils arrivaient déjà à l’entrée du Collegium et Mina reprenait la parole.
« Oui j’ai eu mal mais au moins ça veut dire que tu as compris le principe de base de la défense. » minimisa-t-il l’incident en acquiesçant à sa remarque. « Rentre bien. »
Elle lui lâcha le bras et s’en fut. Le Capitaine se sentit étrangement seul et déprimé une seconde, puis l’idée d’un bon bain et de retourner au travail le fit se sentir fatigué et déprimé, mais beaucoup moins seul.
[Ca marche, tu lances?]