Une noble qui parlait de la tyrannie du gouvernement cela semblait être la souris qui se moque de l'oiseau qui se fait manger par le chat. Et Molly n'aurait pas été en mission elle aurait sûrement entièrement savouré, retourné, utilisé même l'ironie de la situation.
Mais pour l'heure elle avait un but très précis, rentrer dans le cercle très fermé de Dame de Vilier, et pour cela elle buvait ses paroles, acquiesçant à chaqu'un de ses dires, calquant chaque mouvement sur les siens, comme un fidèle devant l'envoyé de son dieu.
" Et c'est un honneur d'avoir pu être auprès de vous tous Dame de Vilier."
Elle suivit la maîtresse de maison dans une pièce bien trop décorée. Elles seraient plus au calme certes, mais Molly serait aussi moins à même de pouvoir trouver un échappatoire si la situation lui échappait. Peu importe, la situation ne lui échappait jamais. Elle s'assit donc sur le fauteuil libre, le visage négligemment posé sur la main, l'autre bras posé sur l'accoudoir laissant ses doigts jouer sur le tissu du meuble. Elle écoutait attentivement. Ainsi donc ils cherchaient à discréditer l'héritier. C'était logique, placer un pantin de leurs crus à la place du roi était la meilleure solution pour obtenir le pouvoir, cependant… Qui ? Elle continuait d'écouter, buvant chaque parole de la de Vilier.
"Je me suis posé des questions quant à cet enfant. Mais comme vous le savez, on m'a banni bien trop longtemps de la cours, et j'ai hélas perdu tellement de temps. Il y a si longtemps que j'aurai pu m'occuper de cela."
Elle semblait attristée, assise ainsi en femme bafouée. Une pose qu'elle avait travaillé pendant longtemps, et qui lui avait valu parmi ses plus belles entrées dans les cours du pays.
"On peut commencer à travailler sur de la rumeur, des mots par ci par là, de simples idées lançaient en l'air, on m'a parlé d'une pipelette à la langue bien pendue, cela pourrait être une piste envisageable, je sais me montrer convaincante. Avez-vous en tête un nom pour son remplaçant potentiel ?" la question fut lancé sur le ton le plus banal et classique du monde "Puis composer une chansonnette qui se répandra comme une traînée de poudre. Peu importe que les gens y voient au départ qu'une ritournelle sans revendications, les paroles entreront en tête et finiront par faire leur chemin. Les mots ont cela de magique, ils s'incrustent en nous bien plus durablement que les armes, et tournent, encore et encore, jusqu'à ce qu'ils finissent par devenir l'unique vérité. Cependant…"
Elle sembla réfléchir un instant, se frottant le cou d'une main distraite, les yeux perdus dans le mur chargé de la pièce. La de Vilier seule ne pouvait suffire, il fallait qu'elle puisse rencontrer plus des leurs, connaître leurs faiblesses, savoir ce qu'elle pouvait utiliser contre eux, et pour elle…
"Ce ne sera pas chose aisée Dame de Vilier. Vous le savez je suis particulièrement surveillée par le cercle, et je ne peux ouvertement risquer qu'on me voit comme l'auteur de ces textes, ou il y a de fortes chances que l'on me renvoie croupir en forêt, ou… Pire…" son regard se posa dans celui de la noble face à elle "J'ai besoin d'un bouc émissaire si cela venait à mal tourner. J'ai aussi besoin que vos "amis" m'organisent des soirées où je pourrai exercer mon talent. Fredonner une ritournelle en passant dans la foule c'est une chose aisée, mais j'ai besoin de lieux où je pourrai agir sans être surveillée en permanence par les chiens de garde de Haven. Des personnes de confiance, avec qui vous savez que je pourrai exercer en toute liberté."
Elle s'adossa confortablement dans son fauteuil, les mains sur chaque accoudoir.
"Voyez-vous, j'ai un problème de confiance, mes frères, mes sœurs de cercles m'ont trahie par le passé, la couronne m'a bannie, tous m'ont tourné le dos. Vous comprendrez aisément, que j'ai besoin de certitudes, j'ai besoin de voir les gens pour qui je travaille, j'ai besoin… Comment dire…" elle se pencha en avant se rapprochant de la dame, sa voix se fit murmure " De les juger en face. De voir dans leurs yeux que je peux leur faire confiance, que je peux croire en eux, qu'ils ne me poignarderont pas dans le dos quand tout cela sera terminé. Vous pouvez le comprendre je suppose ?" elle reprit place au fond du meuble, baissant les yeux pour regarder ses mains, femme contrite, blessée, femme qu'elle n'était pas réellement. "J'ai tellement souffert de ce que Haven m'a fait Dame de Vilier, je ne supporterai pas de revivre tout cela."
Elle devait lui faire abattre ses cartes, au moins quelque une pour faire avancer le jeu. C'était ainsi que se jouait une partie, avoir toujours des cartes d'avance face à son adversaire, et toujours savoir celles qu'il lui restait en main. Un peu de triche ne faisait pas de mal bien sûr, mais ils n'en étaient pas encore arrivés là.