Auteur Sujet: Héros du quotidien  (Lu 9104 fois)

Pluiechantante

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Héros du quotidien
« le: 19 août 2014, 10:43:06 »
Premier jour de la 7e décade d'été 1481, au soir - limites extérieures du quartier marchand

Pluiechantante était descendue en ville masser la petite Guérisseuse enceinte. Non pas que Thalyana fût réellement petite, simplement sa timidité et sa silhouette toute légère la faisaient paraître plus petite qu’elle n’était. Et dans son esprit, Pluiechantante visualisait toujours une petite pousse délicate quand elle pensait à Thalyana.

La nuit était maintenant tombée sur la ville et Pluiechantante décida de se promener encore un peu avant de rentrer. Elle aimait l’air de la nuit, surtout en été. Elle se laissa donc porter par la pente, nez en l’air pour admirer les étoiles. Elle bifurquait mécaniquement. Elle contournait les obstacles sans y penser. Jusqu’au moment où l’obstacle se mit volontairement sur sa route. Elle buta contre et s’excusa distraitement. Puis, elle revint à la réalité pour se retrouver face à un homme d’apparence plutôt agréable, mais dont le sourire trahissait quelques mauvaises pensées. D’après ses vêtements, il s’agissait d’un noble venu s’encanailler dans les tavernes de moindre prestige qu’on trouvait à la limite entre le quartier marchand et le quartier populaire. Normalement, la noblesse profitait plutôt des auberges et débits de boissons situés dans le quartier noble, voire dans les rues les plus huppées du quartier marchand.

L’homme fit un sourire à ses amis et s’inclina moqueusement devant Pluiechantante.

« Ma dame ! Quel ravissement pour les yeux ! Quel exotisme ! »

Ses comparses pouffèrent. L’homme prit une mèche de cheveux de Pluie dans ses doigts et commença à jouer avec. Pluiechantante se força à rester calme.

« J’adorerais vous inviter pour la soirée... et qui sait, peut-être accepterez-vous de nous montrer les traditions de votre peuple, et de participer à un cercle d’accouplement avec moi et mes amis. »

Pluiechantante haussa un sourcil. Déjà, elle était K’Leshya, Kaled’a’in, et non pas Tayledras. En plus, parler aussi crûment de son désir de la prendre n’était pas le meilleur moyen d’intéresser la Kestra’chern. Sans parler du fait que les cercles d’accouplement n’existaient que dans l’imagination débordante des prudes et des débauchés de ce pays.

« Je voudrais dire oui, mais mon ami arrive, n’est-ce pas ? Je crois pas qu’il aime pas me voir en si charmante compagnie. »

Alors que le petit noble se retournait, un homme apparut miraculeusement au coin d’une rue et marcha d’un pas tranquille vers eux. Il était grand, avec un beau visage. Peut-être l’échappatoire de Pluiechantante allait-elle se révéler plus agréable que prévu. Mais elle aurait agi de même si le passant avant été un vieillard édenté.

« Tu dis ça... Mais je parie que tu ne le connais pas, cet homme... » commença son harceleur.

Avec un sourire amusé, Pluiechantante s’esquiva souplement et contourna le noble et ses amis pour aller se jeter dans les bras du parfait inconnu qui venait d’apparaître. Puis elle l’embrassa.

« Ashke, je suis si heureuse que tu es là, oui ? On rentre ensemble ? »

Pluiechantante espérait très fort que l’homme, dont elle avait perçu la surprise, réagirait promptement.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Ean

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #1 le: 21 août 2014, 11:31:01 »
Il était tard. Trop tard pour continuer à faire des essais dans l’atelier des De Girier, et de toute façon, ce n’était pas une recherche pour eux. Trop tard pour dîner avec ses compagnons. Trop tard pour se coucher sans profiter de la douceur du soir. Il était tard, et c’était juste la bonne heure pour se consacrer à son projet.
 
L’Alferban avait quitté sans trop de bruit les quartiers des employés De Girier. Personne ne l’avait arrêté, les studieux dormaient, les tire au flan buvaient et, qui plus était, il restait un homme libre de ses mouvements. Respecté. Il n’avait jamais connu ça dans sa montagne. Le respect de son travail oui, mais pas celui de sa personne. Lame était un lieu trop petit pour que les simagrées de cour aient leur place. Il ne le détestait pas pourtant. Il se sentait Important. Précieux. Comme une chèvre dont on tire le lait. Mais la chèvre, là, elle prenait sa soirée.
 
La Taverne où il était allé dîner était un peu plus bas dans le quartier marchand. Si elle était petite et sombre, la nourriture y était bonne et les odeurs pas trop mauvaises en plus d’un prix parfaitement abordable. Et puis, il y avait toujours une ou deux tables tranquilles une fois passés les ivrognes et les habitués. Il s’était installé là, Ean, écoutant en mangeant les récits dans la langue du coin, tentant de mémoriser les mots qu’il ne savait pas encore comment prononcer, où placer voire même utiliser tout court. En même temps, il jouait à monter un petit mécanisme dans une vague esquisse de pantin en métal que l’on remonterait avec une clef. Il s’était rendu compte, en effet, que tordre en rond une pièce en fer lui donnait une sorte d’élasticité amusante. Il resta là longtemps. C’était facile quand on ne buvait pas sa chope de bière et le barman était compréhensif… jusqu’à un certain point.
 
Le point en question ne tarda pas à se faire connaître sous l’apparence d’une demi douzaine de nobles se pensant habillés en paysans. Ils puaient le bon vin et l’indolence, exigeant deux tables alors qu’une aurait suffit. Ean était sur une de ces tables. Les nobliaux payaient bien. On lui demanda de partir. L’heure du dîner, pensa-t-il avec un sourire amusé alors que sa colère bouillonnait à l’idée de se faire jeter dehors par des crétins incapables de faire quoi que ce soit de leurs dix doigts. Il remit ses engrenages et son prototype dans sa bourse, paya son repas et alla faire un tour. Il fallait qu’il se calme. S’endormir fâché était le meilleur moyen de se réveiller fatigué. Balade il y aurait donc et il marchait depuis un certain temps lorsqu’au détour d’un tournant, une femme lui sauta au cou pour l’embrasser avec enthousiasme.
 
Bien obligé d’admettre qu’il était surpris, le jeune homme réagit cependant assez vite. Il rendit son baiser à la dame, ferma ses longs bras autour de sa taille et la fit tourner pour l’éloigner du groupe de noble (tous les mêmes) qui était probablement à l’origine de la farce. Il fronça les sourcils à une telle débauche de stupidité, se demandant rapidement s’il était le dindon ou le sauveur. Il n’avait pas le temps d’y réfléchir, aussi décida-t-il de continuer à jouer le jeu. C’était bien parce qu’elle embrassait bien.
 
« Je t’avoir dit pas m’attendre dans la rue, Chila, ce gens sont dangereux. » et puis il se força à sourire, « Rentrons. »

Il aurait bien aimé trouver autre chose d’intelligent à dire mais là, il ne trouvait pas. Pas aussi vite. Il se contenta de lui mettre la main bas autour de la taille et de l’emmener plus loin, hors de portée des nobliaux.

« Un verre ? Je suis Ean. »
« Modifié: 22 août 2014, 09:29:20 par Ean »

Pluiechantante

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #2 le: 21 août 2014, 21:46:00 »
Au grand soulagement de Pluiechantante, l’inconnu réagit avec aplombs et entra tout de suite dans son jeu. Elle poussa le gloussement attendu quand il la fit tourner en l’air et enfouit sa tête dans son cou.
Par contre, il ne parlait vraiment pas bien le valdemaran (comme si Pluiechantante avait quelque chose à dire à ce propos). Mais ses propos étaient suffisamment clairs pour tout le monde. Y compris le groupe de nobliaux qui avaient tenté de harceler Pluiechantante.

Vindicative (*Sourcedésert déteint-elle sur moi ?*), elle se tourna la tête pour leur lancer un regard moqueur puis répondit à son héros du soir.

« Je sais, oui. Mais je n’en pouvais plus d’attendre. J’aurai dû écouter... »

Elle se laissa entraîner au loin, jouant son rôle. Mais elle ne put s’empêcher de lancer un dernier regard au pauvre petit noble planté là par sa proie du soir. Si elle avait osé, elle lui aurait tiré la langue. Mais elle ne voulait pas prendre le risque d’exciter davantage la petite bande de jeunes en mal d’aventures.

Si son héros ne s’était pas présenté, elle aurait mis en application les principes d’autodéfense que tout Kestra’chern maîtrisait à la perfection. Mais elle n’aurait peut-être pas pu les maîtriser tous et cela aurait pu très mal se terminer, pour eux comme pour elle.

Finalement, elle était plutôt contente d’avoir trouvé un héros sur son chemin. Un héros bien involontaire certes, mais qui avait réagi avec promptitude. Et qui embrassait plutôt habilement. Et qui avait de longs bras musclés. Et une haute silhouette. Son sauveur était vraiment bel homme, et elle s’empressa d’accepter son invitation à boire un verre. Tous les hommes de son entourage étaient en couple. Et ceux qui ne l’étaient pas ne se trouvaient pas à Haven pour le moment. Ou bien ne supportaient pas d’être en concurrence avec une femme. Les hommes de ce pays avaient décidément de la peine avec les mœurs de Pluiechantante.

« Pluiechantante. Et bien volontiers un verre. »
Elle secoua les perles et les plumes de ses cheveux avec un grand sourire amusé. « Ça donne soif les aventures. Et les baisers aussi. »

Elle s’arrêta brusquement, prise d’une impulsion soudaine, et embrassa une fois encore son sauveur, sur la joue cette fois.

« Merci. »
Elle sourit. « Ils étaient trop pour moi. Trop pour le... » Elle ne connaissait pas le terme. « Pour la méthode de protection de soi-même. Un, deux, je peux. Cinq, c’est beaucoup trop, oui. »

Elle se remit à marcher, profitant sans gêne aucune de la présence d’un bel homme à ses côtés. Elle se serrait étroitement en tenant ostensiblement le bras de Ean. Elle désigna une petite taverne, un peu plus haut sur la rue. L’enseigne avait été repeinte récemment et aucun poivrot ne cuvait sa bière sur le porche, ce qui, pour un débit de boisson, était toujours bon signe.

« Ici, pour le verre ? Je connais pas bien le quartier. J’étais ici pour un patient. Et toi ? Tu voyages ? Tu es là pour longtemps ? »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Ean

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #3 le: 11 septembre 2014, 15:53:45 »
La colère qui grondait en lui restait en sourdine, comme recouverte par la jeune femme à ses côtés. Si l'arrogance du nouveau groupe de noble l'avait enflammée de plus belle, il préférait la laisser bouillonner, prête à exploser si les gamins se mettaient en tête de lui voler sa belle de nuit. Et parce qu'il était énervé, il laissa tout le temps à celle-ci pour compléter la comédie, rajoutant une couche de vinaigre sur la vanité blessée des fats pompeux qui s'étaient donnés le mot pour lui gâcher la soirée. Et bien pas cette fois. Ils repartiraient la crête basse et lui les mains pleines.

Pour cette raison et pour d'autres, il ne lâcha pas l'inconnue, se contentant de prendre des distances plus convenables. Elle venait visiblement de se faire solliciter, il ne voulait pas prendre le relais des idiots, quand bien même la finalité serait la même...ou pas. Après tout, elle avait accepté le verre, lui donnant ce qui était visiblement un faux nom ou un nom de scène dont il saurait se contenter. Tout le monde n'avait pas les même coutumes. Il avait noté son accent et l'avait classé parmi les sons qu'il ne connaissait pas.  Elle s'arrêta soudain, le récompensant à nouveau par une bise. Il ne sourit pas. Seuls ses yeux pétillèrent tandis qu'il se laissait aller au jeu.

« Attention de vos paroles. Moi peux être tavernier. Décider d'embrasser vous pour toi faire consommer plus. »

Malheureusement, elle semblait malgré tout toujours un peu choquée de la rencontre, cherchant à nouveau à le remercier et à lui expliquer des choses en Valdemaran. Il se concentra pour bien suivre ce qu'elle disait. Une histoire de protection et de deux mais pas cinq. Sa petite voix – décidément d'humeur moqueuse – lui demanda si elle accepterait d'en prendre deux ou cinq si c'était avec lui mais il l'étouffa, se disant qu'il avait probablement mal comprit et qu'elle devait parler d'autre chose. Elle avait l'air tellement sérieuse qu'il ne dit rien, se contentant de hocher la tête d'un air grave. C'était un truc qu'il avait apprit en voyage. Quand tu n'es pas sûr de comprendre, hoche la tête et ne dit rien et tout le monde sera content. Ils reprirent leur marche, elle tenant étroitement son bras – elle avait peur ou elle lui faisait des avances ? Difficile de savoir – jusqu'à ce qu'ils arrivent en vue d'une taverne d'un fort beau gabarit. Il hocha à nouveau la tête. Il avait pigé cette fois. Il était juste d'accord. Il remit sa main à sa taille et, d'une légère pression, l'invita à le précéder dans l'établissement. Ils faisaient sûrement des chambres ici, au pire.

« Je être Ean. Artisan pour de Girier ? Je fabrique trucs qui bougent. »

Il l'avait rejointe dans la grande salle, indifférent aux regards et la guidait tranquillement vers une table vide dans un coin sombre et au calme. Il la laissa s'asseoir en premier, se rappelant des coutumes de chez lui voulant qu'une femme choisisse et prit la chaise à côté plutôt qu'en face. Il avait envie de cette proximité, de l'obliger à tourner la tête, de signes un peu plus clairs qu'une bise de remerciement. Il espérait vraiment faire une belle rencontre, pour changer. De Girier était un type très bien mais ce n'était pas vraiment le genre de personne dont il était enclin à rechercher la compagnie quand il se sentait seul. Le tenancier arriva sur ses entrefaites, les regarda d'un œil... torve ? Plein de sous entendu ? Pas d'un bon œil en tout cas. Aussi, il laissa sa camarade commander ce qu'elle voulait et prit un pichet d'une bière basique, cherchant autre chose que l'ivresse et les ennuis. Il paya tout de suite, laissant tomber l'un de ses engrenages du soir sur la table.

« Je venir de pays loin, très loin. Pas connu ici. Tu guérisseuse, oui ? Tu être là depuis longtemps ? Je pas avoir entendu ton accent avant. Pourquoi toi être venue Valdemar ? »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Pluiechantante

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #4 le: 13 septembre 2014, 09:53:22 »
Pluiechantante s’amusa beaucoup de la réponse faite à ses remerciements. Elle imaginait mal qu’une réaction aussi spontanée à sa petite scène ait pu être motivée par l’éventualité d’une rétribution quelconque. Ou alors il fallait être particulièrement retors.

« Les taverniers, à cette heure, ils sont occupés. Pas le temps de sauver les dames. »

Qui que fût cet homme, il ne semblait pas particulièrement gêné d’avoir été sorti de sa routine par une étrangère un peu folle. Et la présence de Pluiechantante tout contre lui n’avait pas l’air de lui déplaire.

Alors qu’ils pénétraient dans la taverne, son beau sauveur se présenta à nouveau et tenta de lui expliquer son occupation, en réponse à ses questions. Pluiechantante était toujours fascinée qu’une personne puisse se résumer dans des noms très courts. Il existait bien évidemment des noms Kaled’a’in courts, mais ils étaient aussi évocateurs que des noms plus longs. Quelle signification un nom comme Ean pouvait-il bien revêtir ? En avait-il un ? Elle trouvait que les noms des k’Leshya et des tayledras décrivaient bien mieux leur porteur. En effet, un Tonnerregrondant avait bien des chances d’être colérique, tandis qu’un Ombreétoile était probablement mélancolique. Son propre nom évoquait tout à la fois la vie, les larmes, l’été. Une Pluiechantante avait bien des chances d’être quelqu’un qui se donnait aux autres.

Quant à l’occupation de Ean, elle n’évoqua d’abord rien à Pluiechantante.

« Des trucs qui bougent ? » Elle fronça les sourcils. « Tu fais de la magie ? Tu mets de la magie dans des objets pour qu’ils bougent ? »  Elle se rappela soudain que les de Girier étaient bijoutiers. « Tu fais des euh... » Elle chercha le terme. « Des breloques ? » Elle montra son bracelet de cheville et fit bouger les breloques. « Ou autre chose ? »

Elle se laissa guider jusqu’à une table un peu à l’écart et s’installa de manière à voir la salle en entier. Elle fut surprise qu’Ean s’asseye à côté d’elle ; c’était direct comme approche. Cela lui plut et elle lui sourit avec chaleur. Ce mélange de retenue (peut-être était-ce dû à la barrière de la langue ?) et d’audace était très attrayant. D’habitude, les hommes étaient soit trop directs, soit trop timides. Or elle détestait être sollicitée vulgairement par les premiers, et elle était lasse de devoir se montrer plus qu’entreprenante avec les autres. Captant quelque chose dans le regard d’Ean — une envie, une demande ? — elle tendit doucement sa main vers le front de son sauveur et remit délicatement une mèche folle en place. Puis elle lui sourit à nouveau.

Au tavernier, dont le regard entendu l’amusa, elle commanda un verre de vin coupé. Elle buvait très peu d’alcool en général et surveillait toujours étroitement sa consommation. Elle était bien assez libérée sans cela. Elle aimait être pleinement consciente de chaque instant, et pouvoir se souvenir de chaque détail.

Alors que Ean payait, une curieuse pièce de métal s’échappa de sa bourse et Pluiechantante ne put s’empêcher de la ramasser pour l’examiner. Elle fit jouer son ongle sur la tranche crantée et s’interrogea sur sa fonction. Malgré sa curiosité, elle commença par répondre à son bel étranger.

« Je ne suis pas Guérisseuse. Je ne porte pas la tenue verte. » Elle désigna son vêtement. « Je suis kestra’chern. Si je traduis dans la langue d’ici, ça veut dire l’ami occasionnel pour l’amour. Je soigne le reste. Le cœur, la fierté. Je masse, je... détends. » Elle accompagna ce dernier mot d’un sourire entendu. « Je suis là depuis... deux années... un peu plus peut-être. Et je viens de très très loin, moi aussi. Tu connais pas mon accent pour ça. À Haven, il y a quelques gens de chez moi. Mais très peu. » Combien étaient-ils ? Quatre, cinq ? « Je suis venue ici... je sais pas. Je voyageais vers l’est. Je voulais voir les Hérauts, avec leurs chevals leshya’e. Leurs Compagnons, comme ils disent ici. » Elle s’interrompit un bref instant et montra le flanc métallique cranté. « C’est quoi ça ? C’est pour tes trucs qui bougent ? Explique comment ça fonctionne. »

Elle réalisa soudain qu’avec son vocabulaire limité, Ean ne serait peut-être pas capable de lui expliquer les choses clairement. Elle lui fit signe d’attendre et fouilla dans ses poches. Elle sortit une mine de plomb et un petit carnet, qu’elle parcourut vivement pour en arracher une page. Elle fit signe à Ean de les prendre, puis rangea soigneusement son petit carnet. C’était son carnet de rendez-vous, ou plutôt le carnet dans lequel elle écrivait quelques détails sur ses patients.

« Montre. »

Elle admira alors les mains de son compagnon. Des mains fines aux longs doigts, des mains d’artisan, des mains de kestra’chern aussi. Elle s’avança un peu, hésitant à lui prendre la main, mais se ravisa et prit plutôt son verre de vin, dont elle but une gorgée, une étincelle malicieuse dans le regard.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Ean

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #5 le: 21 septembre 2014, 15:34:57 »
Les Valdemarans, même ceux qui ne l'étaient pas, semblaient obsédés par la magie. Elle était leur solution de facilité, l'explication à tout ce qu'ils ne comprenaient pas. Leur première réponse. Est ce qu'ils pensaient que le ciel au dessus de leur tête était magique ? Que le premier cri d'un nourrisson était magique ? Il se rembrunit un peu. La magie, il ne la maîtrisait pas encore. Elle était cette Maîtresse dont tout le monde lui parlait mais qu'il n'avait pas encore vue et qu'il brûlait de posséder. Et ces sentiments violents, frôlant presque la destruction,  mêlés de jalousie, d'envie et d'impatience le rendaient sombre. Il en aurait pour plusieurs mois encore. Il était arrivé à destination, il était dans son monde, dans sa ville, et il n'avait jamais été si loin d'elle pourtant. Pour pouvoir la courtiser, il allait devoir faire son chemin dans le monde. Devenir indépendant. Quitter ses engrenages. Il se promettait une chose pourtant. Si ennivré qu'il serait quand il pourrait enfin se l'approprier, il se promettait de ne jamais céder à la tentation de ses bras ou aux promesses murmurées entre deux caresses. Il continuerait à se remettre en question et d'apprendre. Il la soumettrait à ses propres désirs. Et non l'inverse.

« Non. Pas magie. Pas … berloque ? Breloques. Pas breloque, non. »

Il soupira, un peu fatigué de devoir justifier à chaque fois ce qu'il faisait. Il en était très fier et il aurait aimé qu'on comprenne du premier coup ce qu'il pouvait apporter à la ville. Il voulait impressionner. Etonner. Faire luire dans les yeux de son interlocuteur les lumières de l'enfance. Les même lueurs que lui-même avait eues lorsqu'on lui avait parlé de la magie pour la première fois, avant qu'il ne les enferme dans son cœur. Et plus particulièrement quand il s'agissait d'une femme intéressante en face. Par chance, elle ne sembla pas s'offusquer de sa frustration -sans doute pensait-elle qu'il s'énervait contre la barrière de la langue- lui remettant une mèche de cheveux en une caresse douce qui augurait bien de la suite. Il n'aurait peut-être pas la magie ce soir mais il avait une chance d'avoir la magicienne. La kestra'chern s'il avait bien comprit le mot. Lui en avait un autre qui était sans doute moins élogieux s'il avait bien comprit ce dont elle parlait. Il se contenta de hocher la tête et de penser à autre chose. Il y avait des questions qu'il ne valait mieux pas poser. Celles sur les tenues vertes (les gens d'ici avaient donc des uniformes comme les officiels d'Alferbel ?) semblant plus sûres, il allait se lancer dessus, gardant ces histoires de Hérault et de Compagnon L'esatruc pour après lorsqu'elle enchaîna à nouveau sur un de ses engrenages, mine et papier à l'appui. Ean sourit d'abord, prenant une gorgée de bière pour cacher son hésitation. Il n'était pas certain qu'elle puisse comprendre un plan technique et pour le reste, il y avait bien des mots mais il avait la forte impression qu'ils se traduiraient tous par « Magie » dans le vocabulaire courant. Il sortit donc à nouveau sa bourse, en tirant d'autres roues crantées et un long ruban de cuir qu'il gardait, au cas où, pour des coutures ou des liens quelconques. C'était un fin morceau sombre et non teint mais cousu sur les bords pour une certaine solidité. Il en compta un avant bras avant de le couper puis prit délicatement l'objet des mains de son amie d'un soir.

« Ce être...je pas connaître mot d'ici. Chez moi, c'est engrenage. C'est pour déplacer force. Comme levier mes ronds. Vous connaître levier ? » Il attrapa deux couverts sur la table derrière eux et posa une cuillère en équilibre sur un couteau. « Levier augmente force et déplace mouvement.» Il appuya doucement sur la queue de la cuillère. « Ma force déplacer elle sur autre coté et envoyer en l'air choses. Levier. » C'était de la physique de base mais il n'avait pas encore trouvé mieux pour expliquer la conservation de l'énergie et sa transformation dans ses mécanismes. « Engrenages principe pareil mais un peu différent. Avec plusieurs, je fais...mécanismes on dit chez moi. Le force de début se déplace pour faire bouger objets. Ce pas être magique. Ce être nature, déplacement, calcul. Je montrer toi. »

Il découpa sommairement la feuille de papier, fit un cube plus ou moins régulier avec le plus grand morceau, une sorte de bras avec un autre et une boule pour la tête, sur laquelle il dessina brièvement des yeux, un sourire et des cheveux, comme lors de ses démonstrations aux petits Alferban quand il apprenait à lire. Sans prendre vraiment le temps de réfléchir, il construisit un mécanisme sommaire auquel il fixa un ressort préalablement tendu, serré par le lien avec un nœud spécial lui permettant de tout lancer sans clé, juste en tirant sur le cuir qui dépassait. Il monta le mannequin et leva seulement alors les yeux sur la jeune femme.

« Vous prête ? »

Il attrapa le papier d'une main, tira d'un coup sec sur le cuir et le bras s'anima aussitôt dans un mouvement vertical un peu saccadé mais très prononcé.

« Voilà. Truc qui bouge. Pas magique. »

Il récupéra le cuir qui ne servait plus à rien, l'attachant rapidement autour d'un petit engrenage qu'un léger défaut au niveau des crantes rendait inutilisable.

« Et voilà pour vous. Pour rappeler le soir de maintenant. »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Pluiechantante

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #6 le: 22 septembre 2014, 14:07:09 »
Ean, très pédagogue, entreprit de lui expliquer quelques notions élémentaires de mécanique. Pluiechantante connaissait l’existence des leviers, mais elle n’avait jamais cherché à comprendre comment cela fonctionnait. Pour elle, cela faisait partie des choses intrinsèquement logiques. Le genre de chose que les enfants découvraient tout seuls un jour ou l’autre.

Ensuite il expliqua le fonctionnement des mécanismes. À nouveau, elle comprenait le concept de transmission de la force. Après tout, elle avait visité des moulins, et avait donc vu comment l’énergie de l’eau faisait tourner une roue, qui entraînait un arbre à cames, qui entraînait la meule. D’après ce qu’elle comprenait, il s’agissait là du même système de circulation du mouvement, mais réduit à une minuscule échelle. Cependant, elle ne voyait pas comment sur ce principe, un objet pourrait ensuite bouger tout seul. Le moulin était actionné par l’eau. Par quoi pouvait donc être actionné un agencement aussi minuscule ?

La démonstration finit d’éclairer Pluiechantante qui comprit enfin l’utilité du rouage, et la profession de son sauveur.

« Ah ! Je comprends ! »
Elle n’avait jamais vu un engrenage de sa vie ni même vraiment compris le principe du levier. Mais elle avait écouté des conversations entre Bleus passionnés de mécanique, et soigné un ingénieur ou l’autre au dos raidi à force de travailler penché sur des inventions. « Tu es un ingénieur ! Tu fais des objets qui bougent. Je comprends, oui. Comme pour les moulins à eau. L’eau fait bouger la roue, qui fait bouger la... le... la barre de bois, qui fait bouger la pierre pour faire de la farine. Sauf que c’est tout petit. Mais je comprends. Enfin, je comprends pas ce qui remplace l’eau dans tes objets qui bougent seuls. La ficelle ? »

Elle fut presque un peu déçue qu’il démonte son petit bricolage. Elle fut par contre ravie de se voir offrir le petit rouage. Avec un petit rire, elle le prit et noua le lien de cuir de manière à pouvoir tresser le rouage dans ses cheveux. Elle sélectionna une mèche, plutôt devant, et de ses doigts agiles, la tressa avec le lien de cuir. Elle termina en nouant le lien autour de la mèche et laissa le petit rouage pendre dans ses cheveux. Elle s’amusa ensuite à secouer la tête pour le faire bouger et voler autour de sa tête.

« Merci. » Elle sourit puis l’embrassa sur la joue, au coin des lèvres. « Chez les Tayledras, on offre une plume d’oiseau pour dire qu’on est intéressé par quelqu’un. C’est pareil ? Tu offres pour dire que tu es intéressé ? »

Après coup, cela sembla plutôt direct à Pluiechantante. Mais le geste, celui d’Ean et le sien, était tellement similaire à l’habitude tayledras qu’elle n’avait pas pu s’empêcher de faire le lien. C’était sans doute sans aucune arrière-pensée que l’homme lui avait fait cadeau du petit objet, et c’était Pluiechantante qui lui avait donné une signification qu’il n’avait sans doute pas. Sourcedésert était en train de la contaminer avec ses coutumes tayledras.

Elle se demanda un instant si sa compagne prendrait mal le fait qu’Ean lui ait effectivement fait ce cadeau avec le sens qu’elle lui avait donné. Et surtout, si elle prendrait mal le fait que la kestra’chern y réponde positivement. Mais après tout, Sourcedésert avait dit elle-même qu’elles n’avaient toutes deux aucun engagement autre que l’amitié et l’enfant à venir. Elle n’avait donc aucune raison d’être blessée si Pluiechantante répondait favorablement aux hypothétiques avances de son sauveur.

Pluiechantante changea alors un peu de sujet. Elle ne voulait pas effrayer son sauveur et elle ne voulait pas non plus se poser trop de questions sur sa situation sentimentale.

« Tu peux faire un cheval blanc pour une petite fille ? Qui bouge tout seul ? »

Elle était certaine que Liane adorerait avoir un Blanc qui bouge tout seul. Évidemment, cela ne remplacerait pas la présence des vrais Compagnons, mais la petite pourrait ainsi jouer avec son Blanc sans embêter ceux qui se reposaient à Haven.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Ean

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #7 le: 30 septembre 2014, 16:31:19 »
Il avait son étincelle dans l’exclamation de la jeune femme. Une étincelle fausse, un mensonge d’étincelle, celles que l’on a parfois lorsque deux engrenages s’entrechoquent. Parce qu’elle n’avait pas compris, évidemment. Elle avait juste entrevu, goûté un échantillon de mécanique comme on avait alimenté ses rêves d’éclats de magie s’échappant du lourd marteau de la réalité. Il la laissa parler cependant, cachant le mépris qu’il avait pour ces « ingénieurs » si c’étaient bien eux qui construisaient les moulins qu’il avait visité durant son voyage. De lourdes meules, de lourdes pièces, difficilement déplacée par toute la fougue d’un torrent ou d’une bourrasque. Cela faisait de la farine, certes. Cela restait bien loin de l’art consistant à créer des mouvements complexes, des compartiment secret, des fleurs s’ouvrant sous la rosée du matin. Il sourit en l’entendant demander comment il avait remplacé l’eau. Ah ! Comme quoi, les « ingénieurs » de moulin là, ils n’utilisaient rien que la nature, ils n’avaient pas appris à la plier. Son sourire se fit un peu mystérieux.

« Se-cret… »

Il ne rajouta rien de plus, se contentant de lui offrir un petit souvenir pour faire le galant, histoire de voir où ce flirt allait pouvoir le mener. Il ne fut pas déçu. Déjà, elle attacha le collier dans ses cheveux au lieu de le mettre autour du cou, voire de le lui faire attacher sur la nuque. C’était étrange mais ça rendait pas mal. La couleur du cuir se mêlant assez bien avec ses boucles brunes et l’éclat du métal brillant à chaque mouvements de tête. Elle lui faisait penser à ces arbres au Pays, près des rares champs où étaient pendus des chutes de métal polis qui effrayaient les oiseaux. Il souriait toujours un peu quand elle l’embrassa à nouveau au coin des lèvres, ravivant son envie de ne pas finir seul le soir, à la fois étonné de sa hardiesse et content de voir qu’il pouvait encore y avoir des relations simples. Même en ville. Même loin des caravanes. Enfin, ça, c’était avant qu’elle n’ouvre la bouche. Comme beaucoup de femmes, elle semblait tout compliquer dès qu’elle parlait. Il n’avait rien contre sa franchise pourtant. Il appréciait ce côté direct qu’elle avait et qui simplifiait tout. Mais il avait fallu qu’elle change de sujet, avant qu’il n’ait le temps de répondre, et pour lui demander un service. Un service cher et compliqué. Qu’il ne lui ferait pas l’insulte d’échanger contre une nuit, il n’avait pas ce genre de moyens.

« Ce être possible mais très très cher et je ne pas savoir faire cheval blanc. Je ne pas suis forgeron. Je pouvoir faire plan pour forgeron pour lui faire morceaux cheval comme il falloir faire pour qu’il marche. Si vous trouver forgeron d’accord. Et je peux faire mécanisme pour que cheval marche après et monter cheval si les morceaux être bien faits. Mais forgeron probablement prendre beaucoup argent et mécanismes souvent chers aussi. Donc possible mais pas gratuit. Je bien vouloir faire plans gratuitement et main d’œuvre moitié prix, pour yeux toi, mais ce être tout. Reste pas de vouloir de moi. »

Après pour le reste, l’avant et sa « proposition », il réfléchit encore un petit moment, tant sur le sens des mots que sur la forme de sa réponse. Après le refus qu’il venait de lui faire et au vu de sa ligne de travail, il était très possible qu’elle ne veuille plus de sa compagnie. Il trouvait ça dommageable mais il pouvait comprendre. Lui non plus ne voulait pas bosser gratuit. Le problème étant qu’il ne voulait pas payer non plus. Après quelques secondes toutefois, il se décida à opter pour l’honnêteté franche et directe, comme si l’histoire du cheval n’avait pas été abordée. Et puis si ça pétait, ça pétait.

« Je ne pas connaître coutumes de toi peuple. Je offre juste pour bonne soirée passée. Mais si « intéressé » veut dire je bien vouloir passer nuit avec toi, oui, je vouloir apprendre connaître toi mieux, et autrement si toi vouloir. Mais si « intéressé » c’est mariage ou long promesse de voir souvent, je pas avoir voulu dire ça. Je toi pas connaître assez pour encore. »

Il sourit à nouveau, prenant dans son pichet pour resservir la jeune femme, avec l’air très sérieux de l’Alferban en train de faire une blague.

« Boire. Toi avoir embrassé, tu avoir soif maintenant. »

Ce disant, il se redressa de toute sa taille, prenant son meilleur air autoritaire, ses yeux tombants sur la jeune femme, les bras croisés, sérieux comme un héraut, ses yeux brillant du même humour qui avait semblé tant lui plaire plus tôt dans la rue.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Pluiechantante

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #8 le: 03 octobre 2014, 20:09:49 »
La réponse d'Ean fit réaliser à Pluiechantante qu'elle n'avait peut-être pas aussi bien compris qu'elle le croyait ce que faisait son beau sauveur. Ou simplement aimait-il entretenir le mystère. Elle en tout cas aimait plutôt cela. En temps normal, elle ne sortait pas tellement avec des beaux bruns mystérieux. Mais il était bon de changer ses habitudes. Surtout pour un aussi beau spécimen.

« Oh... » répondit-elle à la longue explication de Ean. Pluiechantante avait toujours eu un rapport très compliqué à l'argent. Elle comprenait difficilement le prix des choses et elle était incapable d'estimer le coût d'un service ou d'un bien en dehors de son propre domaine. « Je suis pas réfléchie. Je rêve avec tes mots et je réfléchis pas à mes paroles. Pas important. Liane a déjà plein de vrais Compagnons pour jouer avec. Ça suffira. »

En demandant un cheval articulé pour Liane, elle n'avait pas imaginé qu'il lui donnerait des explications aussi complexes. Il aurait pu se contenter de lui dire que c'était trop difficile ou trop cher. Elle aurait compris. Mais sans doute craignait-il de la refroidir, voire de la vexer. Car elle avait bien senti l'intérêt qu'il lui portait. Pensait-il qu'un non lui retirerait ses faveurs ?

Quoi qu'il en soit, elle glisserait l'idée à Beltran. Il était riche, non ? Lui aurait sans doute les moyens d'offrir cela à sa fille. Il suffisait de lui parler de cet artisan très doué qui pourrait réaliser un cheval articulé pour Liane. Pour les fêtes du Solstice peut-être ? Elle était certaine qu'il courrait se renseigner.

Puis Ean rebondit sur la remarque de Pluichantante à propos du rouage. Elle le trouva vraiment adorable d'aborder aussi franchement ce sujet délicat. Et sa réponse, autant la première partie que la boutade finale, déclencha un véritable fou rire chez Pluiechantante. La Déesse semblait lui avoir offert de n'avoir des béguins que pour des gens encore plus allergiques qu'elle aux engagements. Elle se reprit avec peine et fit un large sourire à Ean. Elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle se moquait de lui, aussi se pencha-t-elle pour l'embrasser, sur les lèvres cette fois, passant outre l'air faussement sévère qu'il arborait maintenant. Elle ne fit cependant pas durer le baiser.

« Ta phrase... elle me fait penser à une amie à moi. Le mariage... pour moi c'est étrange le mariage. Ça m'intéresse pas. » Elle rit. « C'est si souvent, chez toi, qu'on parle mariage avant euh... » Elle allait dire “avant de coucher”. « Avant de se connaître ? » Elle rit encore. « Je bois deux fois pour les deux baisers, oui ? » Elle but ostensiblement deux grosses gorgées avant de reprendre. « Tu veux me rendre ivre, oui. Pour avoir plus de baisers et que je bois plus. »

Son raisonnement lui sembla faible, mais elle ne parvint pas à trouver pourquoi. Elle ne tenait vraiment pas l'alcool, et elle sentait déjà son vin coupé agir sur ses sens. Ou était-ce la présence d'un bel homme à ses côtés ? Après tout, cela faisait depuis sa sortie de la Maison de Guérison qu'elle n'avait eu qu'une femme pour amante. Non par choix, mais simplement parce qu'elle ne s'était sentie attirée par aucun homme de ses connaissances. Et aucun ne lui avait fait des avances. Or Ean venait d'affirmer très clairement son envie de passer la nuit avec elle. À cette pensée, elle se sentit plus enivrée encore, mais la bière n'y était pas pour grand-chose.

Elle approcha sa chaise de celle d'Ean. Puis elle lui prit la main et lui murmura à l'oreille :

« Si tu veux la nuit et mieux me connaître, il y a une règle. Je ne couche jamais dans les tavernes. Ça fait courir les bruits. Et c'est pas bien pour mes patients. J'ai une chambre au palais... ou je viens chez toi. »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Ean

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Re: Héros du quotidien
« Réponse #9 le: 23 octobre 2014, 11:13:12 »
Le valdemaran de la jeune femme se fit soudain plus brut, plus proche du sien. Elle devait avoir mal pris son refus. Il le sentait par ailleurs dans le léger reproche de sa première phrase. Il faisait rêver et il ramenait sur terre, oui. Ce n’était pas une raison pour se moquer de son accent. Il trouva ça un petit peu mesquin, d’autant plus qu’il venait de rater une vente mais il préféra ne pas relever.  On demandait des faveurs. On ne les échangeait pas. En tout cas, pas à Lame. Il ne releva pas non plus quand elle se mit à rire sans raison alors qu’il lui expliquait ses intentions. Son visage s’assombrit un peu, il croisa les bras mais il ne dit rien. Après tout, il ne voulait pas spécialement être avec elle pour sa conversation et il aurait tout le loisir de voir après si elle continuait à se moquer de lui. Il savait par ailleurs, que les filles aimaient autant les défauts que les qualités chez les gens, et elle ne semblait pas disposer à le laisser passer la nuit seul.

Ni à l’épouser, confirma-t-elle ce qui lui allait très bien. Il se força à se détendre un peu, décroisant les bras, essayant de comprendre ce qu’elle voulait vraiment de lui. Il la laissa boire, l’embrasser, se rapprocher de lui. Il sourit même un peu.

« Je ne pas être chez moi. Je être Valdemar et pas bien connaître coutumes de pays là. Je préfère prudent. Pas donner mal espoir. »

Elle ne l’écoutait pas, lui semblait-il mais ce n’était pas important. Elle devait le taquiner ou quelqu’autre artifice de séduction du même genre. Elle s’approcha encore, presque sur ses genoux à présent et lui souffla quelque chose à l’oreille qui le fit rougir un peu. Il lui caressa les cheveux et, mine de rien, la nuque. Il l’avait bien jugée. Elle avait des « principes ». Elle devait donc avoir l’habitude de ce genre de choses. Il l’embrassa sur le front, qu’elle n’ait pas l’impression qu’il lui laissait faire tout le boulot. Sa résolution était prise. Et ce d’autant plus facilement qu’il n’avait pas encore de « chez lui » où l’emmener.

« Chez toi. »

Il avait toujours rêvé de voir le Palais de plus près. Peut-être s’était-il trompé sur elle. Elle devait être la courtisane de quelqu’un d’important pour avoir une chambre dans l’édifice même. A moins qu’elle ne le mène en bateau bien sûr. Le palais. Un endroit de noble. Plein de dorures et de marbre, de blancheur, un endroit incroyable pour un enfant de Lame. Et il allait s’y rendre de nuit, avec une belle femme qu’il aurait pour lui pour la nuit. Il l’embrassa, laissa un pourboire sur la table, soudain impatient. La nuit allait être belle.

[RP CLOS]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »