Il avait son étincelle dans l’exclamation de la jeune femme. Une étincelle fausse, un mensonge d’étincelle, celles que l’on a parfois lorsque deux engrenages s’entrechoquent. Parce qu’elle n’avait pas compris, évidemment. Elle avait juste entrevu, goûté un échantillon de mécanique comme on avait alimenté ses rêves d’éclats de magie s’échappant du lourd marteau de la réalité. Il la laissa parler cependant, cachant le mépris qu’il avait pour ces « ingénieurs » si c’étaient bien eux qui construisaient les moulins qu’il avait visité durant son voyage. De lourdes meules, de lourdes pièces, difficilement déplacée par toute la fougue d’un torrent ou d’une bourrasque. Cela faisait de la farine, certes. Cela restait bien loin de l’art consistant à créer des mouvements complexes, des compartiment secret, des fleurs s’ouvrant sous la rosée du matin. Il sourit en l’entendant demander comment il avait remplacé l’eau. Ah ! Comme quoi, les « ingénieurs » de moulin là, ils n’utilisaient rien que la nature, ils n’avaient pas appris à la plier. Son sourire se fit un peu mystérieux.
« Se-cret… »
Il ne rajouta rien de plus, se contentant de lui offrir un petit souvenir pour faire le galant, histoire de voir où ce flirt allait pouvoir le mener. Il ne fut pas déçu. Déjà, elle attacha le collier dans ses cheveux au lieu de le mettre autour du cou, voire de le lui faire attacher sur la nuque. C’était étrange mais ça rendait pas mal. La couleur du cuir se mêlant assez bien avec ses boucles brunes et l’éclat du métal brillant à chaque mouvements de tête. Elle lui faisait penser à ces arbres au Pays, près des rares champs où étaient pendus des chutes de métal polis qui effrayaient les oiseaux. Il souriait toujours un peu quand elle l’embrassa à nouveau au coin des lèvres, ravivant son envie de ne pas finir seul le soir, à la fois étonné de sa hardiesse et content de voir qu’il pouvait encore y avoir des relations simples. Même en ville. Même loin des caravanes. Enfin, ça, c’était avant qu’elle n’ouvre la bouche. Comme beaucoup de femmes, elle semblait tout compliquer dès qu’elle parlait. Il n’avait rien contre sa franchise pourtant. Il appréciait ce côté direct qu’elle avait et qui simplifiait tout. Mais il avait fallu qu’elle change de sujet, avant qu’il n’ait le temps de répondre, et pour lui demander un service. Un service cher et compliqué. Qu’il ne lui ferait pas l’insulte d’échanger contre une nuit, il n’avait pas ce genre de moyens.
« Ce être possible mais très très cher et je ne pas savoir faire cheval blanc. Je ne pas suis forgeron. Je pouvoir faire plan pour forgeron pour lui faire morceaux cheval comme il falloir faire pour qu’il marche. Si vous trouver forgeron d’accord. Et je peux faire mécanisme pour que cheval marche après et monter cheval si les morceaux être bien faits. Mais forgeron probablement prendre beaucoup argent et mécanismes souvent chers aussi. Donc possible mais pas gratuit. Je bien vouloir faire plans gratuitement et main d’œuvre moitié prix, pour yeux toi, mais ce être tout. Reste pas de vouloir de moi. »
Après pour le reste, l’avant et sa « proposition », il réfléchit encore un petit moment, tant sur le sens des mots que sur la forme de sa réponse. Après le refus qu’il venait de lui faire et au vu de sa ligne de travail, il était très possible qu’elle ne veuille plus de sa compagnie. Il trouvait ça dommageable mais il pouvait comprendre. Lui non plus ne voulait pas bosser gratuit. Le problème étant qu’il ne voulait pas payer non plus. Après quelques secondes toutefois, il se décida à opter pour l’honnêteté franche et directe, comme si l’histoire du cheval n’avait pas été abordée. Et puis si ça pétait, ça pétait.
« Je ne pas connaître coutumes de toi peuple. Je offre juste pour bonne soirée passée. Mais si « intéressé » veut dire je bien vouloir passer nuit avec toi, oui, je vouloir apprendre connaître toi mieux, et autrement si toi vouloir. Mais si « intéressé » c’est mariage ou long promesse de voir souvent, je pas avoir voulu dire ça. Je toi pas connaître assez pour encore. »
Il sourit à nouveau, prenant dans son pichet pour resservir la jeune femme, avec l’air très sérieux de l’Alferban en train de faire une blague.
« Boire. Toi avoir embrassé, tu avoir soif maintenant. »
Ce disant, il se redressa de toute sa taille, prenant son meilleur air autoritaire, ses yeux tombants sur la jeune femme, les bras croisés, sérieux comme un héraut, ses yeux brillant du même humour qui avait semblé tant lui plaire plus tôt dans la rue.