Quand Isabeau lui fit la promesse de l'initier aux arcanes du monde des De Girier, Mina laissa mentalement transparaître son scepticisme quant à la drôlerie de la chose. Ce sentiment ne concernait pas Isabeau, c'est juste qu'Irmingarde doutait savoir rire de cette façon là. Mais il ne fallait jamais dire jamais, non?
La suite de la confrontation se passa dans le bureau. Quand Isabeau lui demanda de faire attention au feu, Mina s'excusa:
:Désolée.:
Certains de ces tics avec le feu étaient inconscients, surtout quand elle était stressée.
Aspar Sadare fit alors son apparition, et les présentations furent faites. Il eut besoin d'un temps de réflexion pour faire le lien entre elle et sa défunte fille. Temps durant lequel Mina ne baissa pas les yeux, toujours fixés sur lui, attendant qu'il parle.
De toute évidence, l'orgueil et la tristesse menait un combat acharné chez Aspar dont les réactions étaient pour le moins étranges.
Elle le regarda chercher quelque chose qu'il posa devant elle. Quand Mina vit le portrait, elle l'attrapa vivement pour le regarder de plus près. Son coeur se serra, puis toute sa poitrine et elle eut du mal à trouver de l'air. C'était la première fois qu'elle voyait sa mère, et les dieux savaient qu'elle l'avait imaginé, essayé de lui donner corps!
Vaguement, elle entendit son grand-père rajouter autre chose, mais ne réagit pas tout de suite. Pendant bien une minute entière, elle resta silencieuse, regardant le portrait pour en graver chaque détail dans sa mémoire. Puis, elle le passa à Isabeau.
Enfin, ce qu'avait dit Aspar fut clair et Mina se leva brusquement, tendue:
"Vous avez sans aucun doute raison, mon père l'aurait brûlé, peut-être même devant moi, plus grande, histoire de me punir."
Elle fit quelques pas dans la pièce avant d'ajouter:
"Pas d'excuses alors? Alors que je ne suis, de toute évidence, pas la seule à avoir été dupée? Même votre femme et votre fils n'était pas au courant! Et vous n'avez pas d'excuses?!"
Elle lança un regard consterné à Isabeau, l'implorant à comprendre comment pouvait raisonner le patriarche des Sadare.
"Vous saviez où vous m'envoyiez, et vos regrets, j'en ai rien à faire! Si vous aviez vraiment regretté, vous auriez cherché à savoir, ou seriez venu me chercher, je ne serai pas là à vous tirer les mots de la bouche! Vous savez combien de fois j'ai rêvé, quand j'étais petite, que quelqu'un viendrai me chercher pour m'emmener chez ma mère? Et puis après j'ai arrêté de penser à ça, parce que j'avais compris que je pouvais toujours courir, que ça n'arriverai pas et que je serai condamné à supporter mon père, et mes frères et soeurs... Alors vos regrets... c'est rien du tout à côté de ce que moi, j'ai vécu. C'est sûr, vos excuses changeront jamais mon passé mais... vous n'avez aucune explications à me donner? Rien du tout?"
Sur ces derniers mots, sa voix se brisa.
Des années de rancunes qui sortent, c'était douloureux.