[Eilane/Eoghan] Un soir d'hiver

[Eoghan]

Il attendit qu'elle soit à son niveau et se retourna d'un coup en levant les bras dans un "AAAAHHH !" faussement paniqué avant de lui prendre la taille dans les bras pour la faire renverser en arrière. Il la regarda dans un immense sourire espiègle. Casse-cou comme il était, il en fallait beaucoup pour qu'il se fasse mal. Il fit danser ses sourcils en la regardant d'en haut et lui attrapa la fleur qu'elle avait calé derrière son oreille avant de se relever aussi vite qu'il l'avait faite chavirer.

_ Je récupère mon dû !

Il se leva et la regarda de là-haut en commençant à reculer, agitant la fleur au bout de ses doigts comme pour la narguer.

_ Jamais vous ne pourrez me faire mal, ma Dame ! Car voyez-vous, je suis indestructible.

[Eilane]

Eilane avait batifolé dans les champs parfois. Elle avait connu de mignons jeunes hommes, avait partagé un coin de feu avec certains de ses camarades masculins, aussi lorsqu'Eoghan la renversa pour jouer elle eut beaucoup de mal à s'empêcher de sourire largement. Soit le mage était d'une innocence attendrissante, soit... Soit il essayait de flirter avec elle.

Lorsqu'il reprit la fleur et l'agita sous son nez comme une provocation, elle bondit vers lui pour le retourner à moitié et prendre le dessus.

"Vous croyez ?"

Son sourire s'élargit et une main glissa de l'herbe gelée vers son bras. Ses doigts coururent jusqu'à son épaule puis effleurèrent sa poitrine comme si elle suivait une ligne imaginaire. Là seulement elle aposa sa main entière, son pouvoir se distillant en lui sans aucune douleur. Elle le paralysait simplement sur place, incapable de se débattre.

"Voyez vous mon cher...-elle récupéra la fleur pour la remettre derrière son oreille- j'ai moi-même des talents cachés"

Puis elle baissa son visage vers le sien pour lui effleurer le nez, ses yeux remontant vers les siens. Sans crier gare, elle relâcha son emprise et se leva dans un bond.

"Attrapez moi si vous le pouvez."

Et elle partit en courant et en riant comme une adolescente.

[Eoghan]

Il fut à nouveau surpris d'être renversé si facilement. Comme il s'y attendait pas, il n'offrit aucune résistance. Il allait lui répondre à son immense sourire espiègle quand il sentit ses doigts. Puis leur parcours. Il baissa le menton pour voir sa main se balader jusqu'à ce qu'elle la pose pleinement. Il se sentit alors de plus en plus mou et pas certain d'apprécier ça. C'était comme si elle le dominait et ça... Il n'aimait pas DU TOUT !

Il la dévisagea lui reprendre la fleur, immobile mais quand elle reprit, avec la voix qu'elle employa, ses yeux s'arrondirent presque alors qu'elle se trouvait si proche de son visage qu'il aurait pu en rougir grandement si elle avait une femme qu'il convoitait avidement. Il se contenta de la regarder en se demandant qui elle était et si ce n'était pas une jumelle, au final, car il l'avait connue complètement différente et peu joviale à ce point.

Il s'étouffa presque à nouveau dans sa propre gorge quand elle le relâcha qu'elle bondit, sa main appuyée sur sa poitrine puis il la regarda d'en bas, totalement figé. Celle-ci avait du caractère ! Il resta là de longues secondes à essayer de comprendre ce qui venait de lui arriver mais une chose : elle lui avait repris la fleur qu'il lui avait offerte !

D'un bond, il se leva à sa suite et la poursuivit en se remettant à rire.

_ Vous trichez en usant de vos pouvoirs sur moi !

[Eilane]

Elle courait toujours et lui lança un regard par dessus l'épaule, toujours aussi espiègle. Il n'y avait personne à guérir, elle aussi avait le droit à un peu de bon temps de temps en temps.

"Qui a dit qu'il y avait des règles ?"

Et elle accéléra, tournant autour d'une haie tout en riant avant de se figer face à lui en levant l'index pour le faire freiner brusquement.

"tutut ! Le mot de passe"

Et elle cacha la fleur derrière son dos pour l'empêcher de l'atteindre. Il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas amusée comme ça. Elle passait tant de temps auprès des Compagnons malades ou à se préoccuper du monde entier qu'elle avait presque oublié comment on riait.

"Si vous trouvez vous gagnez la fleur"

Elle tordit la bouche et regarda en l'air en attendant ses propositions.

"Surprenez moi Messire Mage"

[Eoghan]

Il freina de toutes ses forces pour ne pas lui rentrer dedans et agita les bras pour retrouver son équilibre avant de se redresser. Courir sans vraiment regarder où il allait lui faisait un bien fou ! Courir parce qu'il le devait ne l'amusait pas. Courir en agitant les bras comme un gosse, ça, ça lui faisait du bien, ça le dépensait ! Il fronça les sourcils quand elle planqua la fleur dans son dos. En fait, il devina même que c'était elle qui voulait jouer. En tout cas, il préférait la fille à la guérisseuse, bien plus drôle et naturelle.

_ Le mot de passe ?

Ah d'accord, on jouait aux nobles alors qu'on l'était pas ! Ca y est, il comprit le jeu. Il se redressa de toute sa hauteur, droit comme un I et plaça ses mains dans son dos pour se tourner légèrement, la regardant d'un air presque suffisant, mais un sourire au coin des lèvres, le sourire "Je te regarde et je vais te manger." Il marcha devant elle, le menton haut en réfléchissant puis il prit une voix très grave et aussi sensuelle que possible avec des yeux enjôleurs exagérés. Il se posta alors face à elle en essayant de ne pas rire comme un abruti à ses propres blagues. Il dodelina de la tête en la dévisageant de haut en bas puis la désigna d'un hochement de menton, une jambe écartée et les mains toujours dans le dos.

_ Ma Dame...

Il ne pu s'empêcher de pouffer de rire discrètement avant de reprendre son sérieux. Ah les nobles. Ils le faisaient beaucoup trop rire. Il se laissa quelques secondes de blanc avant de la regarder à nouveau, reprenant son imitation.

_ Mon coeur brûle, puis-je vous prendre la main ?

[Eilane]

Eilane sourit et se mordit la lèvre en le regardant du coin de l'oeil puis secoua la tête en reculant d'un pas mesuré.

"Ce n'est pas le mot de passe ! Essayez encore"

Le faire languir et le voir jouer le gentleman était très divertissant. Il avait beaucoup de charme quand il le voulait. Elle aimait son regard bleu et sa grande stature.

"Attention vous n'avez plus que deux chances"

Son sourire s'élargit alors qu'elle redressait le cou fièrement. Elle ne savait pas elle-même quel était ce fameux mot de passe, elle voulait juste le provoquer pour s'amuser.

[Eoghan]

_ D'accord, d'accord, je réfléchis.

Il porta son index sur ses lèvres, les yeux bas et se remit à faire les cent pas lentement devant elle. Il leva la main, pensant avoir trouvé puis il se retourna vers elle, le menton haut et le visage sérieux.

_ Ma Dame...

Il tomba sur ses genoux, les bras grands ouverts.

_ Achetez moi !

Il rouvrit un oeil sur elle après quelques secondes.

_ Je ne suis pas cher mais je promets d'en valoir le peine.

[Eilane]

Là elle ne put s'empêcher d'éclater de rire sans retenue et lui tendit la fleur toujours en riant.

"Tenez je vous la rend. Mais je ne vous achèterai pas, vous n'avez pas l'air d'avoir de bonnes dents"

Les dents étant une des premières choses que l'on regarde lors de l'achat d'un mulet ou d'un cheval, elle trouvait le parallèle délicieusement offensant.

"Et puis vous devez coûter très cher en nourriture, je n'ai pas les moyens vous savez"

Elle passa la main dans ses cheveux comme pour le flatter tout en lui souriant avec beaucoup de malice.

"J'aime obtenir mes esclaves gratuitement"

[Eoghan]

Il se releva en prenant la fleur en une révérence.

_ J'en avais encore en réserve, vous auriez dû me laisser encore deviner, j'aurais ainsi pu vous amuser. Vous êtes bien plus jolie lorsque vous riez que lorsque vous tentez de paraître dominatrice comme une marâtre.

Il fit tourner la fleur entre ses doigts en relevant les yeux sur elle.

_ Je comprends votre réticence quant à mes dents, disons qu'il m'est arrivé de rencontrer certains poings un peu agressifs et lourds.

Il sourit en la regardant, c'est qu'elle avait de grands yeux captivants !

_ Les moyens ? J'en aurais pour deux, j'imagine.

Mais quand elle leva la main pour la porter à ses cheveux, il se raidit légèrement et se retint de lui attraper le poignet pour la repousser. Il lui sourit bien que plus faiblement puis il lui prit la main pour lui rendre avec nettement moins de ferveur qu'il n'aurait utilisée si elle avait été n'importe quelle gueuse du village.

_ Je ne suis et ne serai jamais l'esclave de quiconque. Pas même de vous.

Dans sa main, il lui reposa sa fleur dans un sourire plus franc.

_ Mais elle est à vous, je vous l'ai offerte avec bon coeur.

[Eilane]

Eilane s'amusa de son indomptabilité, le regard trop malicieux pour être sérieux.

"Les hommes ne sont-ils pas implicitement des esclaves tout au long de leur vie ? Des esclaves de leur condition, de leurs pulsions, de leurs besoins, de leurs désirs... Ne sont-ils pas les esclaves d'une éducation qu'ils n'abandonnent jamais totalement ?"

Elle reprit la fleur et la fit tourner entre ses doigts tout en se mettant à lui tourner autour d'un pas très tranquille.

"Je suis maîtresse de moi-même et esclave de moi-même"

Elle se retourna pour lui faire face en souriant plus largement.

"Et vous êtes maître et esclave de votre bon coeur, Eoghan"

[Eoghan]

Il baissa la tête dans un sourire et se retourna vers elle en secouant la tête. Dans un sourire malicieux, il fronça les sourcils, la tête penchée.

_ Je vous trouve bien facile de ne considérer que les hommes dans votre équations. Je ne suis aucunement esclave de ma condition, je suis ici par choix, quant à mes pulsions, si j'en avais de si terribles qu'elles me rendent esclave, vous ne seriez pas ici encore moins vêtue.

Il parlait avec son index qui s'agitait, comme s'il énumérait puis il se mit à faire les cent pas à son tour.

_ Quant à mes besoins et désirs, je suis actuellement en pleine découverte, je n'en ai pas parce qu'on ne peut désirer quelque chose dont on n'a pas conscience, tout simplement. De plus, l'éducation rejoint la condition, vous ne croyez pas ?

Il se retourna vers elle, l'air un peu plus vague et le sourire moins présent.

_ Quant à mon coeur, jeune Eilane, il n'y a pas à en être esclave puisqu'il n'est nullement pris. J'ai toujours mes deux yeux, bien grands ouverts, loin d'être aveugles et également toute ma tête tellement elle est vidé d'amour !

[Eilane]

Eilane rit doucement en secouant la tête sans arrêter de lui tourner autour.

"Alors vous êtes également esclave de votre aveuglement. Qu'est ce qui vous dérange dans le fait de parler des hommes ? Auriez vous préféré que je dise "êtres humains" ? Je crois que chaque race a son lot d'ennuis et d'avantages"

Elle recala la fleur derrière son oreille puis croisa posément les mains.

"Certains désirs et certaines pulsions ne sont pas conscientes. N'êtes vous pas contraint de boire et de manger ? Contraint de voir la lumière du jour régulièrement ou de vous... décharger de vos déchets régulièrement ?"

Elle écarta une mèche de cheveu qui lui barrait le front d'un mouvement de tête ample.

"Nous sommes esclaves d'être vivants mais c'est une bonne chose. Quant à mes vêtements..."

Elle n'ajouta rien d'autre et se contenta de pouffer de rire.

"J'ai froid, nous y allons ?"

[Eoghan]

_ Je voulais bien sûr dire que chaque femme était aussi esclave que les hommes, si toutefois les hommes l'étaient déjà. Cependant, oui je reconnais que certains le sont. Pour ma part, j'aime à être totalement libre de moi-même. Pour moi, être esclave c'est être l'obligé de personnes ou de choses qui ne nous plaisent pas. Or, j'aime la lumière du jour, j'aime boire et manger.

Il prenait tellement de plaisir à démonter chacune des choses qu'elle disait ! Alors quand elle pouffa de rire face à sa propre remarque sur les vêtements, il sourit un peu plus.

_ Vous avez froid ? Je n'y suis pourtant pour rien, pour une fois.

[Eilane]

"L'hiver est une raison suffisante. Je reste rarement oisive à parler loin de l'âtre d'une cheminée ronflante"

Et elle reprit sa marche en direction du Collegium en comptant sur le fait qu'il la suive pour poursuivre leur discussion.

"L'hiver est rude par chez vous ?"

Le temps qu'il fait c'est toujours LA conversation passe partout.

"Assez pour finir tout nu dans le foin avant la fonte des neiges ?"

Grand sourire malicieux.

[Eoghan]

Il pouffa de rire en la suivant, les mains dans le dos après une légère réflexion... Ah, les femmes.

_ Là d'où je viens ? Oui, l'hiver est assez rude.

Puis il éclata de rire à sa dernière réplique.

_ C'est sûrement pas habillés qu'on se tient le plus chaud, vous n'êtes pas sans le savoir en tant que guérisseuse. Le foin est également un très bon isolant. D'ailleurs, si vous étiez malade et que nous étions seuls dans la neige, sachez que vous n'auriez pas votre mot à dire et que très vite vous seriez nue car vous auriez bien plus chaud de cette manière !

Il la regarda en cherchant des rougeurs sur ses joues.

_ Après je reconnais que je n'utilise pas forcément cette méthode uniquement pour les malades.